Voir aussi la biographie de Ben Chasny
Voir aussi l'interview de Ben Chasny sur le site Pinkushion
Tout commence comme de la musique de chambre sur Actaeon’s Fall. Ben Chasny, qui a travaillé avec Comets on Fire, Badgerlore, et Current 93, mais constitué aussi avec Elisa Ambrogio le duo de noise-rock Magic Markers, signe avec Luminous Night son onzième album, où la hantise de la solitude le dispute aux aspirations de voyage. Chasny est un guitariste que l’on peut trouver influencé par Bert Jansch et John Fahey, mais sur ce nouvel album, il s’est bien départi de ses seules velléités de guitariste pour proposer un véritable panoramique de splendeur, menaces sourdes et sons d’une autre planète (Ursa Minor). Entouré de cinq musiciens, Chasny bâtit une œuvre de folk psychédélique, hanté et voyageur (Bar-Nasha), lourd (Cover Your Wounds With the Sky, Enemies Before the Light) parfois épique (The River of Heaven) ou simplement beau (Anesthesia, The Ballad of Charley Harper). Onzième albums en dix ans, et alors que la personnalité du groupe ne fait plus aucun doute, il est temps de le découvrir, en même temps, si possible, que Shelter From the Ash, paru en 2007. C’est pour se retrouver confronté à des sonorités drone, des motifs narcotiques et vaporeux, des descentes en acid-folk, des ambiances zen, et chants épileptiques – Chasny parvient presque à ressusciter Ian Curtis - entre des envolées de flute ou sitar envoûtante.
La fièvre instrumentale de Ben Chasny profite de manière perfectionniste aux atmosphères de ses morceaux. Il envoie ainsi Bar-Nasha aux Indes, et nous maintient ainsi en torpeur pendant plus de six minutes, avant de transformer cette tapisserie finalement sordide, mais au bon sens du terme, en lente plage noise, puis nous ramène quelque part en terre Californienne avec Ursa Minor, qui confirme la veine psychédélique pressentie au fond d’une épure élevée en façonnage inquiétant. Le résultat ne sonne jamais faux, mais on a l'impression au contraire que Chasny s'est complètement trouvé. Eyvind Kang au violon et Hans Tueber à la flute alto ont un rôle tout sauf anecdotique ; ainsi, la mémorable descente de rivière offre une beau point d’orgue qui illustre la descente d’Aguirre, le soldat qui se prend pour Dieu dans le film de Werner Herzog, sur la rivière qui scellera le destin de sa troupe (tous mourront de faim ou de maladies). L’aspiration générale semble d’ailleurs être celle sous-tendant quelque pacte dont l’issue est la damnation. The Ballad of Charley Harper, peut être le meilleur morceau du disque, atteint des sommets en mêlant noise rock, folk effervescent, et spiritualité mordante.
Randall Dunn, le producteur du disque, n’est pas étranger à la lourde ambiance présente sur le disque. Il est responsable du nouveau disque de Sunn O))), paru plus tôt cette année, Monoliths and Dimensions. Il possède à Seattle – ville de mauvais temps propice à la création musicale, c’est reconnu - les Aleph Studio où il a produit plus d’une vingtaine de groupes, dont Wolves in the Throne Room (black métal abrité part le remarquable label Southern Lord ) ou Earth. Sa patte est évidente sur Cover Your Wounds With the Sky, The Ballad of Charley Harper ou Enemies Before the Light. Il y a aussi sur Luminous Night un sens du timing qui fait qu’on ne se lasse pas de la richesse sonore épisodique, qui est bien contrebalancée ; à imputer aussi au producteur qui a permis à Sunn O))) de réaliser son rêve ; quatre morceaux dont deux dépassant quinze minutes, l’un en lamentations interminables de guitares drone, un autre en improbable salutation de Miles Davis, le tout en accomplissant l’exploit de ne pas nous ennuyer.
Parution : août 2009
Label : Drag City
Producteur : Randall Dunn
Genre : Folk, Musique rituelle
Genre : Folk, Musique rituelle
A écouter : Anesthesia, The River of Heaven, The Ballad of Charley Harper
7/10
Qualités : habité, envoûtant, nocturne
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