Après Folkjokeopus, le songwriter anglais Roy Harper est amené à faire des concerts à Hyde Park, à Londres, aux côtés de pointures comme Led Zeppelin, The Nice, Taste ou Fleetwood Mac. On pourrait dire aujourd’hui qu’il valait bien ces quatre là réunis… Mais alors, il n’était qu’un troubadour à la Dylan, sans l’apparat définitivement bourgeois de celui-ci, légèrement effrayant. EMI, la grosse centrale du disque anglais, le remarqua à ce moment, et le fit signer sur Harvest, une filiale du groupe - ce que Harper commentera – « L’odeur était là. La puanteur du succès. »
Flat, Baroque and Berserk va alors constituer pour Harper un exerce dans l’acceptation de son nouveau statut ; des morceaux plus concis, plus clairs, mais dont la qualité progresse encore par rapport à ses trois précédents efforts. Et, si Another Day, repris plus tard par Kate Bush et Peter Gabriel , adoucit les mœurs avec ses violons de circonstance – c’est une magnifique ballade, il faut le reconnaître – l’essentiel du disque est ailleurs. Car en signant son contrat, Harper, n’a pas perdu sa personnalité provocante.
La première partie du disque est ainsi constituée de morceaux enregistrés en live, avec notamment le protest song I Hate the White Man, qui attaque le colonialisme blanc d’une manière qui ne peut laisser d’équivoque. Il introduit ce morceau de cette manière « C’est un morceau pour ceux… Je n’ai pas besoin de les nommer. Il n’y a absolument aucune raison de les nommer ». Plus que la colère, c’est la honte qui transcende le propos de Harper : "And I Hate The Whiteman / In His Doctrinaire Abuse / Oh I Hate The Whiteman / And The Man Who Turned You All Loose ...". Plus loin, sur Hell’s Angels, Roy donne sa ligne de conduite, celle qu’il a probablement suivie le jour où il a escaladé l’horloge de St Pancras Station pour tenter d’arrêter le temps : « Live your own law ».
Enregistré aux Abbey Road studios – connus pour les Beatles, etc. – ce disque est sûrement une bonne manière de découvrir l’artiste à qui l’attrait du succès réussit plutôt bien ; lui permettant d’exprimer ses idéaux quelque peu anarchistes, tout en profitant d’un son mieux organisé que par le passé. Il a conscience d’être à la recherche d’un public plus large, qu’il puisse toucher de ses vers sardoniques – bien qu’il ne soit pas tout à fait sûr de trouver un public sur la même longueur d’onde que lui (“I’ve got endless books to write to you but my tale I cannot tell / Because the only way you’ll ever hear me is if your living in the same hell.”) ; le nouveau contrat, même s’il d’une certaine façon il l’oblige çà retailler Flat, Baroque and Berserk, lui permet cela.
La deuxième face du disque est plus apaisée, entre Another Day – sa chanson préférée - et Song for the Ages – que Joanna Newsom, aujourd’hui en 2009, n’aurait pas renié. Un beau enchantement. L’album se termine sur l’abrasif Hell’s Angels qui voit la participation de The Nice et donne un rock sautillant et plein d’ironie de huit minutes.
- Parution : 1970
- Label : Harvest
- Producteur : Peter Jenner
- A écouter : Don't you Grieve,I Hate the White man, Another Day
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