“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

Affichage des articles dont le libellé est Southern Lord. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Southern Lord. Afficher tous les articles

vendredi 24 février 2012

Earth - Angels of Darkness, Demons of Light II (2012)


Parution : février 2012
Label : Southern lord
Genre : Instrumental, Folk
A écouter : Waltz (A Multiplicity of Doors)

°
Qualités : contemplatif, envoûtant, lucide

Dylan Carlson a triomphé, avec Hex: Or Printing in the Infernal Method (2005), de toute spirale de violence, en a terminé avec les visions manichéennes du monde pour croire de nouveau au pouvoir qu’a la musique de nous hypnotiser. « La musique conserve une forme de magie qui a disparu de beaucoup d’autres domaines de nos vies", observe t-il interrogé par Catherine Guesde pour New Noise Magazine en 2011. « La magie existe encore dans notre monde, mais elle est beaucoup plus difficile à déceler. » Echappée la lourdeur des débuts, de Earth 2 (1993), l’album qui marque la première incarnation de Earth. L’esprit du groupe est de plus en plus aérien, devient exercice transcendantal en mélodie et en textures. Après The Bees Made Honey in the Lion's Skull (2008), Carlson recrute la violoncelliste Lori Goldstson, déjà habituée à fréquenter le milieu de la musique électrique la plus envoûtante, de Nirvana à Wolves in the Throne Room. « Je n’écris jamais pour les autres membres du groupe ; si je les ai choisis, c’est parce que j’aime leur travail ». Angels of Darkness, Demons of Light I s’ouvrait sur une composition, Old Black, qui l’inscrivait dans la continuité de The Bees…., avec une mélodie presque ramassée. Il se terminait par la pièce donnant son titre à l’œuvre, une vaste peinture sonore improvisée de plus de vingt minutes.

C’est cette veine plus éthérée qu’approfondit le second volume à presque un an d’intervalle. C’est l’enregistrement presque live des conversations entre le violoncelle de Goldston, la guitare limpide de Carlson, la percussion patiente d’Adrienne Davies, la basse de Karl Blau, dans une volonté de privilégier la spontanéité. Les overdubs sur la guitare démarquent pourtant clairement cette œuvre d’un enregistrement de concert – c’est un jeu d’entrecroisements, où chaque instrument est parfaitement distinct, à l’image de l’introduction cristalline – une guitare a-t-elle jamais été aussi pure ? – sur Sigil of Brass. « Le live reprend l’importance qu’il avait à l’origine, avant que les enregistrements ne soient mis au centre », commente Carlson.

"Le plus gros problème de notre monde, en plus du matérialisme et du capitalisme, c’est le monothéisme."

C’est le plaisir des musiciens à faire exactement ce qu’il ont en tête, sans manquer d’organiser, avec légèreté, leur pensée musicale, qui séduit : évoquer sans appuyer inutilement, des contes anciens, des terres étrangères, et la lumière qui existe dans le repli intime de l’ombre. Même si ce n’est pas évident, le violoncelle est bien présent sans archet, sur His Teeth Did Brightly Shine ; Waltz (A Multiplicity of Doors) est la pièce maîtresse de l’album : en treize minutes, on est pleinement témoin de la façon qu’a le groupe de faire et de défaire, semant quelques jalons tout en demeurant en suspens, effleurant sans le saisir à pleine force le potentiel infini suscité par l’interaction et l’imagination des musiciens. La batterie donne des relents de valse, Goldson propose un série motifs soulignés par la guitare, ascendante vers l’aigu, de Carlson. Quelques notes suffisent à faire de The Corascene Dog un morceau obsédant, dans l’esprit de ce qu’a pu faire Neil Young avec la bande originale du film Dead Man en 1989. Enfin, The Rakehell restaure une nuance de vieux blues, désertique, épars. « Récemment, Tinariwen [groupe de blues de Touaregs algériens] m’a pas mal influencé. J’aimais déjà d’autres musiques africaines et soufies, mais là, j’ai vraiment eu le coup de foudre, d’autant plus qu’ils sont vraiment centrés sur les guitares. » La guitare, l’instrument qui défini tous les genres auxquels Earth peut prétendre. Celle de Carlson fait partie intégrante de sa conscience, et agit sous ses doigts comme s’il s’inscrivait dans une tradition immense. Seuls quelques signes, modulations du phrasé presque indécelables permettent de marquer la progression de The Rakehell vers une conclusion, qui, même au bout de onze minutes, semble encore prématurée.

Carlson a finalement fait de Earth, après vingt ans de carrière, non seulement un groupe influent mais aussi, à présent, le fruit d’une vision cohérente. Une recherche d’harmonie naturelle avec la terre (‘earth’ en français, bien entendu), une quête d’ouverture spirituelle. Avec, à la clef, ce message capable d’éclairer des millénaires d’obscurantisme. « Le plus gros problème de notre monde, en plus du matérialisme et du capitalisme, c’est le monothéisme. La spiritualité n’est pas mauvaise en elle-même, mais le monothéisme est l’un des plus grands mensonges actuels. » Ayant pleinement trouvé ses marques et une forme de sagesse dans ce monde, Carlson révèle que l’enregistrement n’a jamais été aussi facile qu’avec ce dernier album.

lundi 9 mai 2011

Rééditions (3)


Winter – Into Darkness 

Southern Lord

Fascinant disque de death/doom metal de 1991, réédité à l’occasion de la reformation du groupe pour quelques concerts par le label prestigieux Southern Lord (Sunn O))),…). Winter se forma en 1990 sur les cendres de groupes punks de New York, Doomsday et Meltdown. Alors que tous les groupes du coin jouaient à l’époque aussi vite que possible, Winter prit la tangente en rampant, accordant leurs guitares plus bas que tout le monde et combinant lenteur et lourdeur pachydermique des riffs. Les guitares sonnent comme une attaque de roquettes. La voix est caverneuse.  Et lorsque les tempos s’enlèvent, c’est encore plus malsain, en témoigne Destiny, une fresque épique qui après avoir attaqué avec la délicatesse d’un Panzer sur fond de basse vrombissante, sombre dans la torpeur. La batterie se détache toujours, comme sur ce Power and Might dont on peut réellement sentir tout le poids. Musique de désolation, ambitieuse en termes d’ambiances dès l’instrumental Oppression Freedom Oppression, et brute en termes de production. Le groupe s’inspirait de Black Sabbath, Celtic Frost, CarnivoreDischarge aussi bien que de King Crimson. Au-delà du fait que tous les sept morceaux sont énormes – l’album culmine sans doute sur Goden et atteint de nouveaux horizons de décrépitude avec le final Into Darkness qui approche les dix minutes – le noir pouvoir de Winter tient à son mystère; depuis la pochette jusqu’à la carrière éclair, c’est un groupe qui a laissé beaucoup de questions en suspens et encore davantage de groupes s’emparer de leur héritage. Une expérience étrange et radicale ou . 


Jackie deShannon – Come and Get Me : the Complete Liberty and Imperial Singles Volume 2 
Ace
Le second des trois volumes dédiés aux 45 tours de la chanteuse du Kentucky. En août 1964, elle va ouvrir pour les Beatles lors de leur première tournée aux U.S. Elle est alors une auteure de chansons à la hauteur de sa réputation. Hold Your Head Hight et She Don’t Understand Him Like i Do sont co-écrites avec Randy Newman, et capturent la frustration de l’adolescence. Don’t turn Your Back on Me, avec Jimmy Page, joue le folk gothique et intense. Par me biais de reprises, elle prouve qu’elle peut tout interpréter ; le R&B frénétique de It’s Love Baby ou les versions de chanson par Bacharach & David ou Chip Taylor.


The Kinks – The Kink Kontroversy 

Universal

Le troisième album des prolifiques Kinks (1965) faisait le lien entre leur passé et leur futur. La plus grosse partie est à l’image des deux premiers albums (aussi réédités) : Kinks (1964) et Kinda Kinks (1965), soit des étincelles R&B comme Milk Cow Blues ou le simple Till the End of the Day. Mais avec des morceaux tels Where have all the Good Times Gone et I’m on an Island, Ray Davis tourna le dos au Swinging London pour devenir un outsider. Il devint bientôt le plus astucieux chroniqueur social de l’île.


Sebadoh – Bakesale

Domino

Un album important paru en 1994, qui capture le trio culte et imprévisible à son meilleur, faisant encore bonne patte du côte grunge et lo-fi, tout en lançant une tentative de toucher de plus larges audiences par le biais de mélodies pop. C’est le meilleur des deux mondes dans cet enchaînement de vignettes de 3 minutes crues mais avisées. L’écriture est partagée entre le guitariste Lou Barlow (sensible) et le bassiste Jason Loewenstein (colérique). Ca donne aussi bien le romantique Not a Friend que l’excité Shit Soup, qui raconte le rush d’adrénaline provoqué par les premiers instants de l’amour. « I don’t need to eat or sleep/I’ll smoke a thousand cigarettes »). Encore un disque qui sublime le sentiment de frustration.

Merry Clayton – Gimmie Shelter

Repertoire

Le disque est sorti en 1970 après la performance intense de la chanteuse sur le mythique morceau des Stones, qui est interprété ici dans un arrangement de cuivres, pour se déployer à l’abri de toute comparaison. C’est par ailleurs une collection de reprises qui célèbre sa voix remarquablement chargée d’émotion. Tell all the People, par les Doors, prend une tout autre dimension. Une bonne façon d’explorer le mystère et l’excellence de celle qui fut de l’une des plus belles batailles du rock. 

vendredi 25 mars 2011

Earth - Angels of Darkness, Demons of Light 1 (2011)



On aborde un disque de Earth tranquillement, sans cesser ce qu’on était en train de faire. L’expérience que propose ce groupe crée, aussi naturellement qu’une respiration, une seconde réalité à côté de celle que l’on menait en premier lieu. Un léger frisson accompagne le plaisir de retrouver le phrasé de guitare unique de Dylan Carlson et de sa Fender Telecaster, et toute la suite n’est que question de se laisser commander dans un calme abandon. C’est un voyage, dans lequel on peut voir des nuances toujours changeantes d’espace et de temps, de longues méditations macrocosmiques sur la pratique musicale, mais surtout la simplicité la plus humaine possible. On sent encore sur Angels of Darkness, Demons of Light 1 combien Earth est un groupe important, du haut de son art de captiver l’auditeur avec si peu de chose.

En 1991, Earth, alors duo de l’état de Washington, réinventa le heavy-metal avec Extra-Capsular Extraction ; un disque lent, oppressif et solitaire. La musique devenait enfin le personnage principal plutôt qu’une simple trame de fond pour la voix ; et comme la musique savait mieux que les mots susciter les questions, brouiller les pistes et provoquer des mystères, Earth devint une sensation captivante. A beaucoup, peu habitués aux lents développements de la musique classique, Earth a sans doute appris la patience, et créé dans son sillage de nouveaux genres musicaux basés sur la lenteur instrumentale. Mais plus importante est la progression du groupe jusqu’à aujourd’hui, son évolution constante rythmée par des changements fréquents de personnel. En 2005, ils se sont à peu près réinventés avec Hex : or Printing in the Infernal Method ; un son considérablement allégé, et davantage de place pour les évocations de la guitare flambant neuve du maître de cérémonie Carlson, jouant au gré de ses pensées et pensant au gré de son jeu. La musique prenait mieux en compte l’espace entre les notes, les échos et flous réverbérés alternaient avec les accords des mélodies, à égale importance avec elles. L’influence de genres musicaux particuliers ou de groupes précis a sans doute eu un rôle au moment ou ce changement a été décidé, mais dès lors, il n’était plus question que de capturer l’abstraction et l’essence de ce qui liait ces genres musicaux entre eux, comme de capturer avec ce nouveau son les silences entre les notes. « J’ai commencé à voir la musique comme un continuum – en particulier les formes Américaines comme le blues, la country et le jazz – et je me retrouve tout au long de ce continuum plutôt que dans une de ses composantes. »

Earth fait une musique mouvante, largement tributaire de la performance de Dylan Carlson. Seulement là où ses arabesques hypnotiques étaient sur le précédent album, The Bees Made Honey in the Lion’s Skull, soulignées, rendues plus puissantes par l’effet de l’orgue Hammond, elles deviennent sur Angels of Darkness, Demons of Light 1 plus réfléchies par l’action du violoncelle de Lori Goldston. Cette nouvelle recrue a développé depuis son apparition aux côtés de Nirvana pour son MTV Unplugged (1993) une prédisposition au répertoire rock plutôt que classique et à l’utilisation d’amplis et de pédales d’effets. L’interaction de la guitare et du violoncelle, parfois guttural, beaucoup plus versatile que l’orgue qu’il remplace, fait qu’apparaissent, derrière la simplicité, la lenteur, la répétition, la restriction, les bases d’un nouveau langage. Pour des musiciens qui n’avaient jamais joué ensemble, et dans la mesure où le disque a été enregistré dans une relative précipitation, la force de communication, la dynamique de ce duo incite au respect. Les formats les libèrent largement ; seul le premier titre, Old Black, a bénéficié d’une trame mélodique concrète ; les autres sont nés à partir de riffs ou encore, dans le cas du morceau titre de vingt minutes qui clôture l’album, presque inventé sur le vif, enregistré en une seule prise et sans overdubs. L’admiration de Dylan Carlson pour les pratiques des jazzmen, en principe particulièrement à l’aise avec l’improvisation, est manifeste, et elle est ici adaptée à une forme d’expression qu’il a mis vingt ans à développer de lui-même. Il a appris, entre autres, que les premières prises sont toujours les meilleures.

Il sait aussi donner une couleur à sa musique, qu’inspire même la littérature. Inspiré entre autres de Fairy-Faith in Celtic Countries, un livre de Walter Evans, de Susannah Clarke ou de British Goblins qui explorent le folklore gaëlique, Angels of Darkness, Demons of Light 1 a une origine celte, quand les précédents albums du groupe exploraient l’imaginaire des grands espaces américains ou de l’Inde. Il convient de saluer particulièrement la batteuse Adrienne Davies, dont le travail à la trame des morceaux, et l’utilisation des cymbales, construit le disque avec un calme pénétrant. Cette précision, cette légèreté rare est particulièrement mise en valeur sur les douze minutes de Father Midnight.

Parution : mars 2011
Label : Southern lord
Genre : Experimental, Instrumental, Post-rock
A écouter : Father Midnight, Hell’s Winter 
 
7.25/10
Qualités : pénétrant, contemplatif, lourd
 
 

mardi 6 juillet 2010

Black Breath - Heavy Breathing (2010)


Parution : 2010
Label : Southern Lord
Genre : death metal, punk, hardcore
A écouter : Black Sin, Escape from Death, Children of the Horn

7.25/10
Qualités : intense, sombre



Pour ce qui est de son pesant et éprouvant, le label américain Southern Lord indé est l’un des meilleurs. Les amateurs de drone et de metal le savent bien. Black Breath, groupe de cinq jeunes gens de Seattle, y sont nouveaux et déjà favoris .

Ils se situent entre métal satanique, Motorhead et punk-hardcore. La pochette, dédiée au culte du diable, illustre bien l’aspect punk et devilish, tandis qu’un morceau comme Children of the Horn, avec ses airs de Ace of Spades, laisse deviner leur inspiration du trio de Lemmy. En fait, on croirait que Black Breath sont partis d’une base punk-hardcore à la Fucked Up et sont grimpés, échelon par échellon, construisant de nouvelles voies de traverses et ralentissant certains passages de leurs titres et poussant les volumètres dans le rouge jusqu’à se sentir en danger. Ils ont beau être ultra directs, concis et brutaux comme beaucoup d’autres, ils parviennent dès leur premier EP Razor to Oblivion à déchaîner les passions et à faire percevoir une originalité intérieure, viscérale. Mûrement réfléchi, leur mélange crée des moments obsédants.

Ce disque a été enregistré avec l’aide de Kurt Ballous de Converge, formation au son d’une intensité rare. Comme l’est l’objectif de certains groupes du genre, celui de Black Breath semble être d’aller toujours vers plus de sombre, de lourd et de brutal, tandis que leurs corps s’habituent peu à peu à ce qu’ils s’infligent et finissent pas y voir un culte, une religion, une spiritualité. Les groupes comme Celtic Frost sont les meilleurs à ce petit jeu ; ils finissent par perdre leur aspect amusant et par réellement incarner toute la théatralité dramatique que provoque leur musique. Leur apparence devient profondément glauque, alors qu’il ne s’agit sans la musique que de maquillage indigent. Black Breath sont des admirateurs de ce métal à l’intensité exubérante, le death metal, et laissent la voie libre à ce genre d’insouciance profane – ou lourdement en proie à la superstition et à la paranoïa, c’est selon – dès Black Sin, titre d’oubverture à réveiller les morts. Ils réussissent l’exploit de combiner grossièreté et laideur.

Leur rapidité d’exécution rappelle le vieil adage au sein de Motorhead, qui enregistra le disque Ace of Spades en rejouant les morceaux toujours plus vite – peut être sous l’effet du speed en ce qui concerne Lemmy – jusqu'à ce que le morceau ressemble à une charge invincible. Sur Heavy Breathing, ils réussissent même l’exploit de rendre certaines parties entêtantes en diable, malgré la précipitation générale. Le chant de Nate McAdams est parfait, juste à la hauteur de l’objectif qu’il s’est fixé. Un cri énorme dès les premiers instants, puis une cavalcade ou reprendre son souffle ne semble vraiment pas être une priorité. La production particulièrement crue fait s’entrechoquer les appartés et les intros théatrales et intimidantes avec des couplets hardcore envoyés sur une rythmique binaire. L’intensité, la densité musicale est rarement aussi bien maintenue tout au long d’un disque, et même si par hasard les tempos venaient à ralentir, ça na veut pas dire que l’atmosphère va s’alléger.

Eat The Witch, Escape From death, I am Beyond… Les titres seuls des morceaux promettent que Black Breath va vous offrir davantage que l’habituelle confrontation hardcore, suggérant qu’ils broient du noir à un niveau au-delà de toute envie de distraire, et, plutôt que de finir à genoux sur scène face à leur public, c’est vous qui allez vous agenouiller après avoir laissé transiter de mauvais esprit par le vôtre. Si le hardcore provoque une décharge qui peut s’avérer assomante, Black Breath le combinent avec des pensées noires qui le rendent encore plus cruel et impie. On ressent parfois une sixième présence prette à apparaître derrière les musiciens, capable de vous contaminer de leur énergie, si vous n’êtes pas sur vos gardes. Il pourrait bien leur manquer une fragilité, une faille, mais difficile de trouver une place dans Heavy Breathing pour ce genre de faiblesses.  

vendredi 26 février 2010

Boris - Smile (2008)


Parution : mars 2008
Label : Diwphalanx Records ; Southern Lord Records
Genre : Noise rock, Metal
A écouter : Flower, Sun Rain, My Neighbor Satan, Untitled 

6.75/10
Qualités : original, intense

Smile, quatorzième disque du groupe japonais multiforme Boris, commence par Flower Sun Rain, un morceau qui, après quelques secondes de bruitisme, lance sa ligne pop imparable faite de chant dans la veine traditionelle (Flower Sun Rain est la reprise d’une chanson japonaise Hana, Taiyou, Ame) ; quelques interférences de guitares saturée plus tard, et alors que la belle mélodie vocale s’est répétée maintes fois, le morceau se transforme en monstre à la poésie assourdissante, revêtant les atours les plus stridents et les plus virtuoses. A l’image qu’on se fait de l’art de pointe dans leur pays d’origine, Boris produisent une musique sophistiquée. Cependant, ils restent un groupe à part sur la scène japonaise, leur goût pour l’expérimentation les rapprochant davantage des américains de Sunn O))) par exemple – avec qui ils vont travailler. Buzz-In – apparement en référence aux Melvins - quitte les sphères lancinantes pour faire dans le hardcore, un genre où Boris est constamment bon, mais moins passionnant que dans ses longues plages bruitistes ou lors de ses manifestations les plus naïves.

Le morceau se transforme en monstre à la poésie assourdissante, revêtant les atours les plus stridents et les plus virtuoses. A l’image qu’on se fait de l’art de pointe dans leur pays d’origine, Boris produisent une musique sophistiquée.
Il y a les deux dans un bon morceau de Boris ; c’est ce que font Flower Sun Rain ou My Neihbor Satan, Takeshi y prennant sur les couplets un timbre clair et enfantin – il y a dans cette musique une sorte d’obsession pour la jeunesse, l’adolescence, thèmes qui se prêtent aux formes expérimentales, comme une indécision - tandis que le reste de l’espace est envahi de mauvaises influences, guitares sifflantes, tournoyantes comme des cris d’humeur. Sur Kare Ha Te Ta Sa ki, Takeshi semble reprendre à gros traits le premier titre, alors que cette fois tout ce mélange, twists de guitares torturées et chants ou voix occultes, parlées, avant un final fracassant mais toujours précis. Le couple final, plus de vingt minutes de musique, est magnifique. You Were Holding an Umbrella et le sans-titre se fondent l’un dans l’autre pour un meilleur effet.
Boris sort énormément de disques, mais Smile est un peu à part. Le groupe, influencé uniquement par sa propre musique, parvient à s’affranchir des comparaisons pour ne devenir qu’égal à lui-même, dans un genre agréable plutôt que défiant pour l’auditeur. C’est le disque qui fera ou non que l’on s’attache à Boris comme à un genre de référent dans leur propre droit ; appréciant leur originalité autant que leur habileté à reproduire à leur avantage tous les codes qu’ils ont empruntés et développé, jusque là, en laboratoire. Signés sur le label américain Southern Lord (Sunn O)))…), Smile semble à mon sens le disque de l’ouverture pour un groupe qui tient l’une des extrémités de la corde tendue sur laquelle dansent les musiques puissantes et aiguisées – beaucoup de noms à placer là, et Boris y demeure en bonne place. La meilleure preuve de cette ouverture est la présence de Stephen O’Mailey, de Sun O))), sur l’excellente pièce sans titre qui clot le disque, un magnifique schéma d’ambiances sourdes et de flamboyance printanière. Un groupe-influence, une marque.

vendredi 29 mai 2009

Sunn O ))) - Monoliths And Dimensions (2009)


Je me demande, en écoutant Sunn O))), quelle musique d’aujourd’hui trouverait le sa voie dans un monde transformé, demain. Si, par exemple, une espèce remplaçait l’être humain sur terre, et qu’elle soit aussi sensible que l’aient été certains d’entre nous pour ce qui est de la matière musicale, quels seraient ses penchants ? Je ne sais pas si les Beatles, les Stones ou même Sonic Youth, bénéficieraient d’une attention quelconque dans cette époque avancée. Quels que soient les mérites auxquels ils ont droit pour tous les services qu’ils ont rendus à l’humanité, pour recherche musicale, etc. En revanche, en lieu et place de cette musique reflet-d’une-époque qui finira forcément par vieillir parce qu’elle est d’abord une chronique sociale sonore, ou ce que vous voulez, d’autres projets, qui touchent à la spiritualité par la musique, semblent pouvoir durer toujours. Il y a dans le feedback de Kid A (Radiohead, 2000), les échos de Echoes (Pink Floyd, 1971), la musique contemporaine de Penderecki, et toute la manne de bourdonnements d’outre tombe dont seule une infime partie semble immergée et commercialisable (Merzbow, John Wiese, Boris, Xasthur, Leviathan, Joe Preston, Julian Cope), quelque chose qui touche à un désir de communication avec un auditeur qui n’est pas encore là. Tout cela est rapprochements futiles et cause de science fiction, ainsi venons-en au fait.


Déjà sept albums pour Sunn O))), ce duo américain composé de Stephen O'Malley et de Greg Anderson, aperçus à flanc de colline, vêtus d’une toge et encagoulés, leur guitare négligemment jetée sur l’épaule comme un instrument de guerre. Ils se découpent comme deux tristes sires errants, et il y a bien deux manières d’interpréter cette façon curieuse de transporter leur guitare ; soit ils sont livrés au désespoir de ne savoir comment se réinventer sans sombrer dans le ridicule, soit ils regardent de haut certains aspects de leur grande culture musicale et ces gens auxquels ils ne voudraient pas trop être associés (je parle de pionniers de la six cordes comme outil noble ou bruitiste). Une chose est sûre, ils s’imposent en patrons d’un style, le Drone métal. Je ne connaissais par ce genre musical, et n’ai que très peu d’informations à propos de cet album. Il s’appelle Monoliths et Dimensions, ce qui évoque assez l’ambiance de 2001 : A Space Odyssey, le film de Stanley Kubrick. Un monolithe qui donnera peut être à nos successeurs des informations sur la civilisation qui les précédaient. On ne peut s’empêcher de se le dire, la révélation prend des airs de farce assombrie grossièrement par un tas de peinture noire. Sans mauvaise allusion au visuel peu engageant. Le tout est de continuer à croire que le recul nécessaire est pris, parce qu’on a affaire à deux mélomanes aux commandes, et qu’ils ont du métier.


La première écoute a été captivante mais je ne sais toujours pas, sincèrement, si l’entreprise est totalement honnête. J’ai envie de dire oui, mais garde quelques réserves. Je n’ai pas poussé le volume comme il était conseillé quelque part sur le net (MAXIMUM VOLUME YIELDS MAXIMUM RESULTS). Surement une manière de convaincre tous vos voisins d’y prêter une oreille. Mieux que de se retrouver définitivement isolé de la communauté des vivants. Lorsque des commentaires sont faits sur l'œuvre de Sunn O))) dans son ensemble, on vante un affinement constant des arrangements. Je viens d'écouter Black One (2006), le précédent album, et je l'ai trouvé très différent de celui-ci. Une comparaison n'est donc pas la meilleure façon d'appréhender ce nouvel opus.
Les harmonies et les tessitures sont remarquables, mais à mon avis, l’essentiel n’est pas là. Le temps donné aux morceaux installe une sorte de transe et de frisson d’angoisse. Il ne faut pas en faire de l’ambient, sans quoi cette tension ne survient jamais.

Les deux têtes précitées sont aidées ici d’un compositeur contemporain et d’un certain Attila Csihar aux incantations. Ce dernier a une voix qui a l’air de vouloir vous transformer en marionnette écervelée (dans le cas ou la volonté est d’établir une communication), à moins qu’il ne s’adresse qu’a lui-même (monologue). Les guitares drone, caractéristiques du groupe, qui évoluent en spirales d’une lenteur implacable, sont associées à des chœurs sur Big Church d’une façon qui laisse à se demander si tout ce cirque n’est pas juste un vaste clin d’œil à la musique underground un peu maladroite, par voie ironique et catholique. Ce morceau de neuf minutes est le plus original et le plus mémorable. Big Church est construit de trois parties de trois minutes chacune. Cette structure même en appelant à une forte sensation que la superstition, si ce n’est le pessimisme, est le moteur créatif du duo. Superstition que les titres laissent éclater, références pseudo-obscures, tantôt à Jacolliot ou à Alice Coltrane, tantôt à la cité grecque de Cydonia ou à deux immenses reliefs sur Mars. 


La deuxième partie est un peu moins convaincante, car à mon sens moins originale. Hunting and Gathering (Cydonia) semble renouer avec un côté davantage métal, et apparaît comme la pièce la moins surprenante malgré l’apparition de chœurs masculins, bien différents de ceux du précédent morceau. Un instant, il nous semble avoir plongé dans un univers aussi baroque que barré. Alice, enfin, un Soundscape apaisé de 16 minutes qui marie guitares et trombone pour un effet moins surprenant que les autres morceaux (il faut dire qu’arrivé là on en a déjà entendu beaucoup), mais qui se revendique, toujours avec beaucoup d’humour, gageons-nous être le lointain parent sonore de Miles Davis. Il y a là peut être une vraie élévation, bien que si elle existe, elle est due à exactement l’inverse d’une ferveur lyrique. Le fond de la farce est atteint, et force est de constater qu’elle a pris les traits d’un voyage inédit.

Aghartha, longue litanie d’ouverture de 17 minutes, déploie sa violence sourde après cinq minutes d’accords grondants qui évoquent le post hardcore de Neurosis, mais en plus étouffant encore. Autant grognements préhistoriques que sons d’un futur lointain. S’ensuivent incantations, craquement de coque d’un bateau fantôme et bruits d’eau. Y-a-t-il vraiment une intention à tout cela ? Je ne pense même plus à une intention musicale. Car c’est d’une autre dimension qu’il est question ici. Toute l’aventure se termine peut-être en noyade. Mais, si vous saisissez, nous n’en sommes qu’au tiers des cinquante minutes que dure l’album. 

Parution : mai 2009
Label : Southern Lord
Genre : Drone, Expérimental
A écouter : Aghartha, Big Church


7.50/10
Qualités : hypnotique, puissant, lourd
    Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...