“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

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samedi 9 juillet 2016

NOT BLOOD PAINT - Believing is Believing + interview (2016)



OO
Rock, metal, power pop
original, intense

Not Blood Paint est un groupe qui a apparemment appris à prendre des décisions rapides et brillantes, expérimentant pour faire de leurs concerts des moments de 'dissonance cognitive', c'est à dire pour remettre à plat tout ce que les gens pensent de la musique de New Yorkaise en se faisant le reflet d'un petit monde obsédé par son destin, et en proie à une exaltation forcée. A ce jeu-là, ils coiffent tout le monde au poteau, se parent de peintures de guerre et produisent une musique à la fois organique et chamanique. Leurs morceaux alternent élégance et lâcher-prise avec une inventivité qui se ressent par la l'imagerie des paroles, comme issue du livre d'un archonte déchu. Ils ont la prévenance de ne rien vraiment répéter.

Les morceaux se succèdent dans un enjouement qu'ils doivent autant à leur mentors Of Montreal qu'à Prince, dont ils auraient rêvé faire la première partie. Pour le côté plus trivial, leur chanteur et guitariste Joe Starton sonne un peu comme José Reis Fontao de Stuck in the Sound (groupe français). Leur rock progressif ne ressemble plus que loin à ses inspirations seventies, s’enfonçant dans des influences power pop, métal, jusqu'au cœur sombre de l'album, constitué par One by One et Borderline. On est constamment étonné par cet album où chaque articulation est amenée de façon si profonde.

Au vu de la pochette et du titre de l'album, Believing is Believing, un match forcément impertinent avec la religion s'impose. D'autant que s'ils recherchent la 'dissonance' de leur aveu, dans des formules pourtant faites pour être accrocheuses, on peut aussi évoquer que 'croire', (to believe), c'est fait pour entrer en résonance. La musique c'est un moyen d'éprouver l'instant, et notre faculté à devenir plus ouverts face à notre nature. Entrer en résonance, c'est dépeindre un écosystème (New York dans leur cas?), faire l'état du monde extérieur. La religion, elle aussi, ne semble valable que reliée à la nature, sous sa forme la plus primitive et grandiose. Mais au lieu de la sublimer, elle sert plutôt à calmer l'angoisse d'une nature omniprésente.

Il ne s'agit pas de faire seulement un travail sur soi, intérieur, mais d'aller dans la diagonale, à la fois du coté de l'Histoire, de la nature, et du relationnel, qui se combinent dans l'art. Par cette combinaison, la musique semble le moyen le plus valable de profiter de l'instant, comme le théâtre, et d'ailleurs Not Blood Paint a choisi la première voie car le public n'était pas au rendez-vous dans la seconde. Comme les religieux les plus effervescents et Titus Andronicus, le quintette punk du New Jersey, ils s'inspirent d'épisodes sanglants et dramatiques de l'Histoire, et de Shakespeare, lisent peut-être même l'écheveau relationnel à travers ce prisme. Comme Titus Andronicus, ils affectionnent de créer des personnages éphémères qui pourront leur servir de bouclier et de martyrs pour dénoncer l'aliénation.

Les sentiments, tel l'amour à l'emporte-pièce qui tapisse certaines de ces chansons (The French Song, le moment où l'album retombe dans quelque chose de moins transcendant), deviennent mieux qu'une sensation fugace, une longue séquence sensée nous rendre plus ouverts. Ces trois choses, - art, nature, religion – sont sur un axe vertical de résonance (selon le philosophe allemand Hatmut Rosa), par opposition au partage, à la communication qui sont sur un axe horizontal. Not Blood Paint tente de provoquer ces fameuses résonances, de nous rendre plus réceptifs. Comme les prêtres d'un culte, Not Blood Paint ont désormais des ambitions difficiles à cacher ; on peut regarder leurs efforts, comme il le font eu mêmes, avec autant de recul et d'ironie que devant un bon panneau peint religieux.

Not Blood Paint interviewés par le site/salle de concert Le Poisson Rouge. Traduction Trip Tips.

http://lpr.com/qa-not-blood-paint-talks-about-crowdsourcing-funds-drawing-inspiration-from-seeing-bands-in-small-rooms-and-more/



Hey, Not Blood Paint ! Nous aimerions entendre comment vous vous êtes tous réunis pour jouer de la musique. Sans parler du choix du nom du groupe.

Avant que nous nous mettions à répéter notre musique de manière régulière, nous faisions déjà du théatre, et invitions dans notre loft de Bushwick. Nous concevions des pièces, créions un Macbet rock n' roll, et nous sommes retrouvés emarqués dans des happenings sas fin et sans audience. Nous avons réalisé ue les ges ue ous coaissions et ui vivaient dans toute la ville étaient prêts à faire du chemin pour un bon concert bien plus souvent que pour une pièce de théatre. Ainsi nous avons aménagé un studio et nous sommes mis à jouer et à enregistrer régulièrement ! Les deux mondes se sont naturellement réunis.

Quant au nom de groupe, un matin, nous regardons par la fenêtre de l'immeuble vers le coin le moins accessible et désert, derrière. Tachant le bitume, il y avait une grande flaque de sang, à côté d'un revolver et d'une paire de lunettes cassées. Assassinat ou séance photo... lequel des deux s'était vraiment passé la nuit précédente ? Les deux options se valent...

Qu'est ce qui inspire le mélange de théâtre et de performance de vos concerts ? Qui choisit les costumes, le maquillage, l'humeur générale de chaque spectacle ? Espérez-vous répéter une certaine apparence, une ambiance ?

Nous avons vu beaucoup de musique live dans des lieux entièrement remplis de gens qui semblaient vraiment n'avoir aucune envie d'être là. Depuis le gars à la table de mixage, à l'audience arborant des tee-shirts du groupe, jusqu'au groupe lui-même ! C'est bizarre et ennuyeux. Nous sommes peut-être ces deux choses, par moments, mais c'est toujours volontaire !

Nous nous inspirons de nombreuses sources pour l'aspect visuel de nos concerts. Parfois la chorégraphie est tirée de la structure des chansons. Parfois nous avons une idée de costume en s'inspirant de la salle elle-même. Ou bien notre comportement est basé sur un personnage. Souvent il y a une narration qui sous-tend le choix des chansons que nous jouons. Nous essayons de nous surprendre et de rester dans l'instant, autant que possible, afin que l'élément visuel ne soit jamais réduit à un ensemble d'astuces préétablies. Idéalement, il s'agit d'ouvrir l'espace et de laisser jaillir des formes spontanées de conversation.

Nous essayons de ne pas répéter le même show deux fois, mais certains personnages ont assez de chair pour devenir des acteurs récurrents dans une mythologie en progression constante.

On entend beaucoup parler aujourd’hui de la mort de Brooklyn, la gentrification [embourgeoisement urbain], combien il est difficile d'être un artiste, ce que cela signifie de faire de l'art à New York, et tout ça. Vous sentez vous bienvenus en tant qu'artistes ici ? Pensez vous demeurer ?

La gentrification est un processus désolant, et fascinant à observer. Nous ne nous en passerons pas, tant que nous aurons l'esprit de la métropole et du lézard sur le mur ! Lutter laisse de la souffrance, de l'aliénation, et dévore de l'énergie et de la créativité. Bien sûr, nous ne sommes pas les bienvenus à New York, ni même dans ce pays. Le plus gros de l'Amérique ne tolère pas que son rêve soit embrouillé par trop de questions. Ce que les artistes les plus dangereux font, c'est entrer en relation avec ceux de leur public qui ont trouvé ou qui recherchent des manières d'utiliser la dissonance cognitive de façon créative. New-York se remet en cause, est dans la résilience, mais ce n'est pas vraiment le cas dans la majorité du pays.

Comment s'est passée votre expérience de collecte de fonds (crowfunding) avec la plate-forme internet Kickstarter, pour permettre au groupe de terminer l'album ? Le referiez-vous ?

L'expérience de crowfunding était épuisante, terrifiante, exaltante et une vraie leçon d'humilité. La quantité d'organisation et d'énergie qu'il faut imputer est énorme, et nous sommes toujours au beau milieu de ça. Mais nous avons commencé à réaliser que de s'engager avec succès dans cette démarche, c'est avoir un aperçu d'un procédé qui pourrait très bien sauver les arts, l'éducation, la médecine, la technologie des griffes de la mort. C'est excitant quand on y pense comme à une chose dont les implications permettraient d'anticiper, et de faire avancer ce sur quoi reposent nos espoirs. Les artistes doivent t-ils lever des fonds en permanence ? Nous espérons que non. Mais l'effort nécessaire pour réunir un créateur et un individu essayant de supporter son idée est un bon entraînement, on doit penser activement à une manière d'échanger les valeurs de façon plus organique.

mercredi 18 juin 2014

SWANS - To Be Kind (2014)



OO
hypnotique, extravagant, lourd
Metal, Post rock

Un album plein de radiations, qui brille comme un soleil maudit sur toute la production musicale de l'année 2014. A la fois régressif et férocement tourné vers les choses qui doivent se produire. L'épine dorsale de cet album c'est Michael Gira, un grand personnage du rock américain. Il a une morgue truculente, une façon bien à lui d'être sérieux, d'éclairer sa musique d'une ambiguïté   iridescente, séduisante autant que repoussante. Dix chansons où il joue son va-tout, parfois seul interprète à bord, malgré le son d'un groupe monté par la force de l'illusion. Les dix minutes de Kirsten Supine exhalent ce désespoir. Mais dans un album d'une telle envergure, chaque sentiment se retrouve inversé dans la course d'une folie artistique qui se veut totale. Et quand il part en guerre avec un batteur qui s'appelle Thor Harris et qui rappelle Attila, cela donne la coulée sonore de Bring The Sun/Toussaint Louverture, avec une section centrale hallucinante où le bruit d'une scie marque la limite d'une chanson et le début d'une autre, et où des chevaux renâclent, enregistrés dans le studio, avec que Gira ne se mette à invoquer TOUSSAINT ! LOUVERTURE ! LIBERTE ! EGALITE ! FRATERNITE ! La révolution n'est pas loin. La profondeur du son donne aux paroles élémentaires et épurées un autre sens.


samedi 14 juillet 2012

Diablo Swing Orchestra - N°3 : Pandora Pinata (2012)






Parution2012
LabelSensory
Genre
Metal d'avant-garde, orchestral
A écouterKevlar Sweethearts, Exit Strategy of a Wrecking Ball, Aurora
°
Qualitésextravagant, original, ludique


Metal d’avant-garde, c’est ainsi qu’a été décrit cet album inclassable, détonnant, et pourtant très accessible. Même s’il conjure une gamme d’humeurs (malice, romantisme…) très large, les chansons qui le composent ne sont jamais moins que mémorables. Entendre le refrain aérien de Kevlar Sweethearts parader dans votre tête pendant une journée devrait suffire à l’affirmer. «Time to feel, time to believe/Dare to see what may come of our future/Lift your head, broaden your gaze/Speak your mind and your thoughts they will follow you ». On en vient rapidement au point où le côté pompeux et bizarre du disque est siphonné par la décharge d’allégresse, de précision, de drame qu’il constitue. On se dit : ‘ces suédois sont fous ‘. Plus que de folie, il est facile de mesurer ce que cet album renferme tout simplement de vie, pour déclarer que le groupe est déjà culte.

Un album qui contient à mi-parcours une chanson d’opéra de type Peer Gynt – un drame poétique norvégien d’Henrik Ibsen sur une musique du compositeur Edvard Grieg - ne peut pas être mauvais. Peer Gynt est la dernière d’une énorme quantité d’inspirations qui ont manifestement traversé l’esprit d’au moins l’un des 8 musiciens de cette cohorte affamée de créations nouvelles. La prouesse de l’arrangement orchestral d’Aurora, la chanson en question, permet de mesurer le talent de ce groupe doté de deux vocalistes et d’un orchestre à demeure. La chanson permet encore d’apprécier le talent, presque écrasant, d’Annlouice Loegolund, chanteuse lyrique qui consacre à sa voix toute son énergie, au sein du Diablo Swing Orchestra comme en dehors, dans des concerts qu’on imagine plus conventionnels. Daniel Hakansson, la voix masculine, essaie d’analyser l’origine de cet incroyable mélange de metal, de hard-rock, de jazz, de musique tzigane, de swing, de rockabilly, de mariachi, et de funk et de musique orchestrale. « Chacun commence à apporter de plus en plus sa propre contribution à la musique, ce qui a pour conséquence d'enrichir toujours plus notre son. » La présence de tant de talents cote à côte donne à la formation une liberté que d’autres groupes n’ont pas lorsqu’ils sont attachés à un seul chanteur et 2 ou 3 instruments mélodiques tels que la guitare, le clavier ou la basse. Aux mélodies aussi diverses, subtiles et exotiques que les instruments qui les dessinent s’ajoute un groove rock puissant, parfois tranchant.

La crainte de décevoir, d’échouer, est toujours moins forte que la soif d’enrichir sans cesse leur son. D’ailleurs, leurs craintes se révèlent infondées. Entre funk, metal symphonique et power pop, Honey Trap Aftermath a ainsi été l’objet d’un enthousiasme des auditeurs alors que le groupe craignait de les décevoir en s’éloignant du cadre qu’ils s’étaient fixés. Mais c’est comme si les règles n’atteignaient leur véritable pertinence qu’en les transgressant. Honey Trap Aftermath se termine par une coda a cappella, une dernière pirouette. Tempos effrénés, chœurs et passages théatraux, le groupe assume tout. D’ailleurs, Hakansson n’a plus de scrupule à citer l’album Origin of Symetry, du groupe Muse, comme l’une de ses références absolues, et de réinvestir ce trio anglais perdu aux mains du CIO du mérite d’avoir suscité l’inspiration, 50 ans après le débuts du rock. « C'est leur titre Microcuts qui m'a fait réaliser à quel point il était possible de combiner opéra et rock/metal sans pour autant aboutir à du vieux power metal merdique ».

La clef de l’album est dans les arrangements, qui suscitent sa fluidité, sa montée en puissance narrative jusqu’aux 8 minutes de Justice for Saint Marie, une chanson sombre et sensuelle jusqu’au bout des archets de son orchestre. Trompette, trombone, hautbois, clarinette et flûte fleurissent dans cette suite finale qui résume en un seul mouvement les aspirations dramatiques de l’album, quand Voodoo Mon Amour le démarrait sous le signe de la comédie effrontée. L’adresse avec laquelle la section de cuivres et les claviers complètent les violoncelles et les violons. Diablo Swing Orchestra joue différemment des autres groupes parce qu’ils estiment à sa juste valeur le pouvoir de la diversité et de la nuance. Les riffs de metal sont transfigurés par l’orchestration avec une ferveur qui rappelle le Deconstruction (2011) de Devin Townsend. Le titre de metal d’avant-garde prend son sens à l’aune de cette dernière comparaison.







jeudi 1 septembre 2011

Planet of the Apes - Quelques groupes heavy et malins

Quelques invités Devin Townsend sur son dernier disque, Deconstruction.

Steve Vai


Impossible d’évoquer Townsend sans rappeler que c’est ce sorcier de la six cordes qui a lancé sa carrière. Avec Joe Satriani, qui fut un temps son mentor, Vai définit la virtuosité guitaristique pour la les années 80. Etudiant, il retranscrivit plusieurs des partitions de Franck Zappa les plus techniques à la guitare, et fut invité par celui-ci à rejoindre son groupe. Il trouvera plus tard une place auprès de David Lee Roth, et après Eat ‘En and Smile (1986), gagnera rapidement la célébrité sur la foi de ses capacités instrumentales rares. Il est à l’origine de la guitare à sept cordes, à laquelle son partenariat avec la marque Ibanez permit de voir le jour. C’est au sein de son propre projet solo, VAI, qu’il recrutera Devin Townsend en tant que vocaliste. Vai a aussi été invité sur d’innombrables albums et sa carrière a gardé la même intensité dans les années 2000.

Meshuggah

Groupe suédois formé en 1985, combinant les tempos du math-rock et la brutalité du trash metal. Le groupe fut véritablement scellé avec Chaosphère (1998), un disque incroyablement dense. Plusieurs tournées se succèdèrent et leur habileté technique commença à être célébrée dans les magazines les plus en vue. Expérimentataurs très privés en studio, savants fous du métal en public, ils sortirent en 2002 Nothing, qui ajoutait des touches psychédéliques à leur son. Catch Thirty-Three (2005) sera encore plus ambitieux, se voulant un seul morceau de 47 minutes découpé en treize parties.

Opeth

Un autre groupe suédois né en 1990, qui ajouta des influences progressives et acoustiques à leur death metal. La durée moyenne de leur morceaux avoisine dix minutes. A la suite d’un second album ambiteux, Morningrise (1996), ils partirent en tournée avec Morbid Angel. My Arms, Your Hearse établit le groupe comme l’une des plus importantes forces du metal progressif avec de racines death. Ils désamorcèrent une escalade trop rapide – et la déchéance qui les guettait déjà – avec Damnation, un album se débarrassant des poncifs du metal pour se concentrer sur une écriture plus traditionelle et des instruments acoustiques. Ghost Reveries (un favori de Townsend) prouvera encore qu’il sont parmi ceux qui peuvent durer et inspirer.

The Dillinger Escape Plan

Un groupe américain audacieux, très intense et technique, mélange de punk hardcore et de tempos de jazz, metal savant, musique rigoureuse et structurée à l’extrême. Leurs performances frénétiques firent parler d’eux, et au cours des années à venir, la formation allait privilégier la scène comme lieu de gestation de leurs expériences studio. Malgré des changements de line-up incessants, ils sortirent Calculating Infinity (1999), leur premier album, qui indiquait des capacités techniques immenses. Mike Patton (Faith no More) les remarquera et les amènera en tournée avec lui, avant de participer à Irony is a Dead Scene (2002). Ire Works (2007) et Option Paralisys (2010) continue le travail d’Hercules de ce groupe hors du commun.

Cynic

Formé en 1987, ce groupe basé en Floride combine du death metal technique et du rock progressif, allant parfois jusqu’au jazz fusion. Après s’être dissous et reformés, ils feront finalement paraître Focus (1993), une pierre angulaire du trash progressif. Au-delà de leur talent technique, le groupe montrait aussi leur penchant pour l’improvisation et l’invention. Cynic est resté une formation énigmatique autour de laquelle Traced in Air (2008), dense et étrange, a suscité plus de questions que de réponses.

GWAR

C’est là que perçent certains idéaux de Townsend pour un métal plus potache et grotesque, quand il invite Oderus Unrungus de Gwar sur Deconstruction. La réponse trash à Spinal Tap, ce groupe gore, scatologique et pervers débuta comme l’expérimentation de jeunes étudiants en marketing. Il clamaient être des guerriers interplanétaires descendants d’aliens échoués en antarctique, venus sur terre pour soumettre la race humaine à l’esclavage sexuel. Se produisant en costumes étranges, ils s’établirent en parangons de la provocation, voyant certains de leurs concerts anulés. Scumdogs of the Universe (1990) est considéré comme l’un de leurs disques les plus divertissants. Beyond Hell (2006), un concept-album d’opéra rock racontant leur voyage en enfer.

Weird Al Yankovic

Le maître des parodistes musicaux est Californien. Après s’être fait la main pendant ses études, il enregistra une révérence à Another One Bites the Dust, Another One Rides the Bus, puis I Love Rocky Road , une satire de I Love Rock n’ Roll par Joan Jett & the Blackhearts. Son premier album éponyme paru en 1983, est le disque favori de Townsend, pour qui un artiste capable de désamorcer la morgue musicale avec autant de succès vaudra toujours tous les talents du monde. Yankovic tourna de nombreux clips et a enregistré quinze albums de boutades à l’actualité, de Michael Jackson (Bad devint Even Worse) à Lady Gaga.

Gojira

Originaires de Bayonne, le groupe mené par les frères Joe et Mario Duplantier passa de sensation locale pendant la première moitié de sa carrière, à phénomène capable de s’exporter hors des frotières françaises, grâce à ces deux énormes albums que sont From Mars To Sirius (2006) et The Way of All Flesh (2008). Leur habileté à questionner les problèmes environnementaux tout en s’imfluençant des plus techniques et des plus intenses des groupes, leur puissance scénique et la voix de leur chanteur en font une force de la nature, un cas à part de la scène française. Joe Duplantier chante sur le morceau Sumeria (Deconstruction).

mardi 22 mars 2011

Julie Christmas - The Bad Wife (2010)


Voir aussi la chronique en anglais à cette adresse : http://www.craveonline.com/entertainment/music/article/julie-christmas-the-bad-wife-116179

Parution : novembre 2010
Label : Rising Pulse 
Genre : Metal, sludge
A écouter : July 31st, Bow, If you Go Away

°°
Qualités : intense, primal, sensible

Née en 1975, Julie Christmas est notamment connue des fidèles au label californien Neurot Recordings et de ses groupes de sludge ou de hardcore, inspirés pour beaucoup de l’ascension de Neurosis au rang de formation culte ces vingt dernières années. Les deux premiers disques de sa formation la moins pérenne, Made out Of Babies, y sont parus, avant que le groupe ne décide de changer pour un autre excellent label, The End, au moment de The Ruin en 2008. Le quatuor propose un métal assez lourd, primal et extrêmement intense, et cela est largement du à la prestation habitée et versatile de Christmas. « La voix est un instrument aussi essentiel que les autres. Encore plus, parfois », explique t-elle à Benjamin Rivière pour New Noise Magazine. Le plus marquant est ces hurlements qu’elle lâche, en porte-à-faux avec les harmonies, couvrant la musique rutilante d’une façon unique, plus honnête que provocante, contrôlée d’une certaine façon, vécue en réponse aux vibrations de la musique, et occasionnant des moments de bravoure scénique rares. Une colère animale motive Julie Christmas, que ses paroles poétiques rendent intérieure et beaucoup plus humaine. Une colère méthodique qui sévit depuis plusieurs années sans perdre une once de pertinence et de vérité. La chanteuse semble si proche de nous, tandis que, pétrifiés, nous sommes obligés de reconnaître que le même dépit, le même désir de puissance et la même frustration nous animent dans une société qui nous prive de moyens d’expression. I Just Destroyed the World, le titre le plus court du disque, est un acte de rébellion direct auquel nous sommes forcés de nous identifier. 

La chanteuse semble si proche de nous, tandis que, pétrifiés, nous sommes obligés de reconnaître que le même dépit, le même désir de puissance et la même frustration nous animent
Dès lors qu’on est séduit par ces manifestations de possédée, la facette plus sensible de son œuvre ne peut que nous réjouir. Sur The Bad Wife, elle fait cohabiter un large registre d’expressions, le plus surprenant pour elle étant sans doute de l’entendre reprendre Jacques Brel (à la manière de Scott Walker). « J’avais envie de changer de registre. […] Je souhaitais donc exprimer d’autres types d’émotions, tout aussi forts. » Le texte peut être affilié à un long poème traitant de la perte d’un être cher ; pas encore complètement parti, mais déjà en route. Le foyer devient ainsi un lieu d’angoisse. Cette chanson traduit le besoin de Julie Christmas d’être entourée, dans sa vie comme dans son art, peut-être de façon à diluer un peu sa remarquable exigence vis-à-vis d’elle-même. C’est, après tout, une artiste timide hors de la scène, et The Bad Wife, qui lui a permis de se révéler sans peintures de guerre, est très important pour elle. « Le projet porte mon nom, mais je n’ai absolument rien fait seule. J’ai travaillé sur toutes les chansons avec John LaMacchia (Candiria) et Andrew Schneider (qui produit Cave In, Unsane). Ensuite, j’ai fait appel à d’autres musiciens qui ont apporté leur pierre à l’édifice. La plupart d’entre eux ont eu le champ libre ». Ce n’est absolument pas un disque de repli, mais il lui permet au contraire de s’exposer davantage, presque complexée. « J’essaie de mieux que je peux de me sentir belle mais au final, j’ai toujours l’impression de ressembler à une folle introvertie avec une bosse dans le dos. » Sa fragilité évoque parfois Beth Gibbons (Portishead), ce qui n’empêche pas des finals grandioses (Six Pairs of Feet and One Pair of Legs, A Wigmaker’s Widow, When Everything is Green). 
La musique fait aussi beaucoup pour rendre The Bad Wife attrayant. Elle est à la source de sa rudesse, de son étrangeté, de sa beauté et de sa poésie. « Je ne passe pas beaucoup de temps sur mes textes, je mise davantage sur les sons que sur les mots pour faire passer des émotions. » Tandis que les grosses mécaniques, époustouflantes, sont toujours à l’œuvre, créant un lien évident avec Made Out of Babies ou Battle of MiceJuly 31st, Bow – d’autres moments apportent des sensations inédites dans un imaginaire déjà bien rempli de projets iconoclastes. Le début de Six Pairs of Feet and One Pair of Legs ressemble volontairement à une musique de film d’horreur, tandis qu’A Wigmaker’s Widow, avec son côté cabaret, rappelle les Dresden Dolls. Comme toutes les meilleures expériences, il y a plusieurs dimensions dans The Bad Wife, qui reste pourtant une œuvre cohérente forte et mémorable, parfaitement séquencée. La pochette du disque (la version CD, différente) représente en apparence une sorte d’énorme gâteau dans lequel on peut entrer ; avant qu’on ne remarque que de vraies dents et de vrais yeux ont été ajoutés par l’artiste taxidermiste. « C’est un gâteau qui te dévore ». The Bad Wife donne l’impression parfois d’avoir été piégé, charmé ; une fois assimilé, c’est un disque qui nous concerne bien au-delà de l’agréable apparence de Christmas. C’est la différence entre un livre d’images qu’on ne fait que feuilleter, et entrer dans l’histoire, un univers subtilement différent du nôtre. Un processus qui la fascine. « J’ai toujours été impressionnée par le vice qu’on peut trouver dans les contes de fées, pourtant censés s’adresser aux enfants. » La superbe vidéo pour Bow la montre dans l’un de ces mondes ; à la fois prisonnière domestique et fantasme suscité par l’imaginaire.
A noter, deux autres morceaux sont également téléchargeables en ligne sur le site de Coextinction Recordings. 

mardi 6 juillet 2010

Black Breath - Heavy Breathing (2010)


Parution : 2010
Label : Southern Lord
Genre : death metal, punk, hardcore
A écouter : Black Sin, Escape from Death, Children of the Horn

7.25/10
Qualités : intense, sombre



Pour ce qui est de son pesant et éprouvant, le label américain Southern Lord indé est l’un des meilleurs. Les amateurs de drone et de metal le savent bien. Black Breath, groupe de cinq jeunes gens de Seattle, y sont nouveaux et déjà favoris .

Ils se situent entre métal satanique, Motorhead et punk-hardcore. La pochette, dédiée au culte du diable, illustre bien l’aspect punk et devilish, tandis qu’un morceau comme Children of the Horn, avec ses airs de Ace of Spades, laisse deviner leur inspiration du trio de Lemmy. En fait, on croirait que Black Breath sont partis d’une base punk-hardcore à la Fucked Up et sont grimpés, échelon par échellon, construisant de nouvelles voies de traverses et ralentissant certains passages de leurs titres et poussant les volumètres dans le rouge jusqu’à se sentir en danger. Ils ont beau être ultra directs, concis et brutaux comme beaucoup d’autres, ils parviennent dès leur premier EP Razor to Oblivion à déchaîner les passions et à faire percevoir une originalité intérieure, viscérale. Mûrement réfléchi, leur mélange crée des moments obsédants.

Ce disque a été enregistré avec l’aide de Kurt Ballous de Converge, formation au son d’une intensité rare. Comme l’est l’objectif de certains groupes du genre, celui de Black Breath semble être d’aller toujours vers plus de sombre, de lourd et de brutal, tandis que leurs corps s’habituent peu à peu à ce qu’ils s’infligent et finissent pas y voir un culte, une religion, une spiritualité. Les groupes comme Celtic Frost sont les meilleurs à ce petit jeu ; ils finissent par perdre leur aspect amusant et par réellement incarner toute la théatralité dramatique que provoque leur musique. Leur apparence devient profondément glauque, alors qu’il ne s’agit sans la musique que de maquillage indigent. Black Breath sont des admirateurs de ce métal à l’intensité exubérante, le death metal, et laissent la voie libre à ce genre d’insouciance profane – ou lourdement en proie à la superstition et à la paranoïa, c’est selon – dès Black Sin, titre d’oubverture à réveiller les morts. Ils réussissent l’exploit de combiner grossièreté et laideur.

Leur rapidité d’exécution rappelle le vieil adage au sein de Motorhead, qui enregistra le disque Ace of Spades en rejouant les morceaux toujours plus vite – peut être sous l’effet du speed en ce qui concerne Lemmy – jusqu'à ce que le morceau ressemble à une charge invincible. Sur Heavy Breathing, ils réussissent même l’exploit de rendre certaines parties entêtantes en diable, malgré la précipitation générale. Le chant de Nate McAdams est parfait, juste à la hauteur de l’objectif qu’il s’est fixé. Un cri énorme dès les premiers instants, puis une cavalcade ou reprendre son souffle ne semble vraiment pas être une priorité. La production particulièrement crue fait s’entrechoquer les appartés et les intros théatrales et intimidantes avec des couplets hardcore envoyés sur une rythmique binaire. L’intensité, la densité musicale est rarement aussi bien maintenue tout au long d’un disque, et même si par hasard les tempos venaient à ralentir, ça na veut pas dire que l’atmosphère va s’alléger.

Eat The Witch, Escape From death, I am Beyond… Les titres seuls des morceaux promettent que Black Breath va vous offrir davantage que l’habituelle confrontation hardcore, suggérant qu’ils broient du noir à un niveau au-delà de toute envie de distraire, et, plutôt que de finir à genoux sur scène face à leur public, c’est vous qui allez vous agenouiller après avoir laissé transiter de mauvais esprit par le vôtre. Si le hardcore provoque une décharge qui peut s’avérer assomante, Black Breath le combinent avec des pensées noires qui le rendent encore plus cruel et impie. On ressent parfois une sixième présence prette à apparaître derrière les musiciens, capable de vous contaminer de leur énergie, si vous n’êtes pas sur vos gardes. Il pourrait bien leur manquer une fragilité, une faille, mais difficile de trouver une place dans Heavy Breathing pour ce genre de faiblesses.  

vendredi 26 février 2010

Boris - Smile (2008)


Parution : mars 2008
Label : Diwphalanx Records ; Southern Lord Records
Genre : Noise rock, Metal
A écouter : Flower, Sun Rain, My Neighbor Satan, Untitled 

6.75/10
Qualités : original, intense

Smile, quatorzième disque du groupe japonais multiforme Boris, commence par Flower Sun Rain, un morceau qui, après quelques secondes de bruitisme, lance sa ligne pop imparable faite de chant dans la veine traditionelle (Flower Sun Rain est la reprise d’une chanson japonaise Hana, Taiyou, Ame) ; quelques interférences de guitares saturée plus tard, et alors que la belle mélodie vocale s’est répétée maintes fois, le morceau se transforme en monstre à la poésie assourdissante, revêtant les atours les plus stridents et les plus virtuoses. A l’image qu’on se fait de l’art de pointe dans leur pays d’origine, Boris produisent une musique sophistiquée. Cependant, ils restent un groupe à part sur la scène japonaise, leur goût pour l’expérimentation les rapprochant davantage des américains de Sunn O))) par exemple – avec qui ils vont travailler. Buzz-In – apparement en référence aux Melvins - quitte les sphères lancinantes pour faire dans le hardcore, un genre où Boris est constamment bon, mais moins passionnant que dans ses longues plages bruitistes ou lors de ses manifestations les plus naïves.

Le morceau se transforme en monstre à la poésie assourdissante, revêtant les atours les plus stridents et les plus virtuoses. A l’image qu’on se fait de l’art de pointe dans leur pays d’origine, Boris produisent une musique sophistiquée.
Il y a les deux dans un bon morceau de Boris ; c’est ce que font Flower Sun Rain ou My Neihbor Satan, Takeshi y prennant sur les couplets un timbre clair et enfantin – il y a dans cette musique une sorte d’obsession pour la jeunesse, l’adolescence, thèmes qui se prêtent aux formes expérimentales, comme une indécision - tandis que le reste de l’espace est envahi de mauvaises influences, guitares sifflantes, tournoyantes comme des cris d’humeur. Sur Kare Ha Te Ta Sa ki, Takeshi semble reprendre à gros traits le premier titre, alors que cette fois tout ce mélange, twists de guitares torturées et chants ou voix occultes, parlées, avant un final fracassant mais toujours précis. Le couple final, plus de vingt minutes de musique, est magnifique. You Were Holding an Umbrella et le sans-titre se fondent l’un dans l’autre pour un meilleur effet.
Boris sort énormément de disques, mais Smile est un peu à part. Le groupe, influencé uniquement par sa propre musique, parvient à s’affranchir des comparaisons pour ne devenir qu’égal à lui-même, dans un genre agréable plutôt que défiant pour l’auditeur. C’est le disque qui fera ou non que l’on s’attache à Boris comme à un genre de référent dans leur propre droit ; appréciant leur originalité autant que leur habileté à reproduire à leur avantage tous les codes qu’ils ont empruntés et développé, jusque là, en laboratoire. Signés sur le label américain Southern Lord (Sunn O)))…), Smile semble à mon sens le disque de l’ouverture pour un groupe qui tient l’une des extrémités de la corde tendue sur laquelle dansent les musiques puissantes et aiguisées – beaucoup de noms à placer là, et Boris y demeure en bonne place. La meilleure preuve de cette ouverture est la présence de Stephen O’Mailey, de Sun O))), sur l’excellente pièce sans titre qui clot le disque, un magnifique schéma d’ambiances sourdes et de flamboyance printanière. Un groupe-influence, une marque.

vendredi 29 mai 2009

Sunn O ))) - Monoliths And Dimensions (2009)


Je me demande, en écoutant Sunn O))), quelle musique d’aujourd’hui trouverait le sa voie dans un monde transformé, demain. Si, par exemple, une espèce remplaçait l’être humain sur terre, et qu’elle soit aussi sensible que l’aient été certains d’entre nous pour ce qui est de la matière musicale, quels seraient ses penchants ? Je ne sais pas si les Beatles, les Stones ou même Sonic Youth, bénéficieraient d’une attention quelconque dans cette époque avancée. Quels que soient les mérites auxquels ils ont droit pour tous les services qu’ils ont rendus à l’humanité, pour recherche musicale, etc. En revanche, en lieu et place de cette musique reflet-d’une-époque qui finira forcément par vieillir parce qu’elle est d’abord une chronique sociale sonore, ou ce que vous voulez, d’autres projets, qui touchent à la spiritualité par la musique, semblent pouvoir durer toujours. Il y a dans le feedback de Kid A (Radiohead, 2000), les échos de Echoes (Pink Floyd, 1971), la musique contemporaine de Penderecki, et toute la manne de bourdonnements d’outre tombe dont seule une infime partie semble immergée et commercialisable (Merzbow, John Wiese, Boris, Xasthur, Leviathan, Joe Preston, Julian Cope), quelque chose qui touche à un désir de communication avec un auditeur qui n’est pas encore là. Tout cela est rapprochements futiles et cause de science fiction, ainsi venons-en au fait.


Déjà sept albums pour Sunn O))), ce duo américain composé de Stephen O'Malley et de Greg Anderson, aperçus à flanc de colline, vêtus d’une toge et encagoulés, leur guitare négligemment jetée sur l’épaule comme un instrument de guerre. Ils se découpent comme deux tristes sires errants, et il y a bien deux manières d’interpréter cette façon curieuse de transporter leur guitare ; soit ils sont livrés au désespoir de ne savoir comment se réinventer sans sombrer dans le ridicule, soit ils regardent de haut certains aspects de leur grande culture musicale et ces gens auxquels ils ne voudraient pas trop être associés (je parle de pionniers de la six cordes comme outil noble ou bruitiste). Une chose est sûre, ils s’imposent en patrons d’un style, le Drone métal. Je ne connaissais par ce genre musical, et n’ai que très peu d’informations à propos de cet album. Il s’appelle Monoliths et Dimensions, ce qui évoque assez l’ambiance de 2001 : A Space Odyssey, le film de Stanley Kubrick. Un monolithe qui donnera peut être à nos successeurs des informations sur la civilisation qui les précédaient. On ne peut s’empêcher de se le dire, la révélation prend des airs de farce assombrie grossièrement par un tas de peinture noire. Sans mauvaise allusion au visuel peu engageant. Le tout est de continuer à croire que le recul nécessaire est pris, parce qu’on a affaire à deux mélomanes aux commandes, et qu’ils ont du métier.


La première écoute a été captivante mais je ne sais toujours pas, sincèrement, si l’entreprise est totalement honnête. J’ai envie de dire oui, mais garde quelques réserves. Je n’ai pas poussé le volume comme il était conseillé quelque part sur le net (MAXIMUM VOLUME YIELDS MAXIMUM RESULTS). Surement une manière de convaincre tous vos voisins d’y prêter une oreille. Mieux que de se retrouver définitivement isolé de la communauté des vivants. Lorsque des commentaires sont faits sur l'œuvre de Sunn O))) dans son ensemble, on vante un affinement constant des arrangements. Je viens d'écouter Black One (2006), le précédent album, et je l'ai trouvé très différent de celui-ci. Une comparaison n'est donc pas la meilleure façon d'appréhender ce nouvel opus.
Les harmonies et les tessitures sont remarquables, mais à mon avis, l’essentiel n’est pas là. Le temps donné aux morceaux installe une sorte de transe et de frisson d’angoisse. Il ne faut pas en faire de l’ambient, sans quoi cette tension ne survient jamais.

Les deux têtes précitées sont aidées ici d’un compositeur contemporain et d’un certain Attila Csihar aux incantations. Ce dernier a une voix qui a l’air de vouloir vous transformer en marionnette écervelée (dans le cas ou la volonté est d’établir une communication), à moins qu’il ne s’adresse qu’a lui-même (monologue). Les guitares drone, caractéristiques du groupe, qui évoluent en spirales d’une lenteur implacable, sont associées à des chœurs sur Big Church d’une façon qui laisse à se demander si tout ce cirque n’est pas juste un vaste clin d’œil à la musique underground un peu maladroite, par voie ironique et catholique. Ce morceau de neuf minutes est le plus original et le plus mémorable. Big Church est construit de trois parties de trois minutes chacune. Cette structure même en appelant à une forte sensation que la superstition, si ce n’est le pessimisme, est le moteur créatif du duo. Superstition que les titres laissent éclater, références pseudo-obscures, tantôt à Jacolliot ou à Alice Coltrane, tantôt à la cité grecque de Cydonia ou à deux immenses reliefs sur Mars. 


La deuxième partie est un peu moins convaincante, car à mon sens moins originale. Hunting and Gathering (Cydonia) semble renouer avec un côté davantage métal, et apparaît comme la pièce la moins surprenante malgré l’apparition de chœurs masculins, bien différents de ceux du précédent morceau. Un instant, il nous semble avoir plongé dans un univers aussi baroque que barré. Alice, enfin, un Soundscape apaisé de 16 minutes qui marie guitares et trombone pour un effet moins surprenant que les autres morceaux (il faut dire qu’arrivé là on en a déjà entendu beaucoup), mais qui se revendique, toujours avec beaucoup d’humour, gageons-nous être le lointain parent sonore de Miles Davis. Il y a là peut être une vraie élévation, bien que si elle existe, elle est due à exactement l’inverse d’une ferveur lyrique. Le fond de la farce est atteint, et force est de constater qu’elle a pris les traits d’un voyage inédit.

Aghartha, longue litanie d’ouverture de 17 minutes, déploie sa violence sourde après cinq minutes d’accords grondants qui évoquent le post hardcore de Neurosis, mais en plus étouffant encore. Autant grognements préhistoriques que sons d’un futur lointain. S’ensuivent incantations, craquement de coque d’un bateau fantôme et bruits d’eau. Y-a-t-il vraiment une intention à tout cela ? Je ne pense même plus à une intention musicale. Car c’est d’une autre dimension qu’il est question ici. Toute l’aventure se termine peut-être en noyade. Mais, si vous saisissez, nous n’en sommes qu’au tiers des cinquante minutes que dure l’album. 

Parution : mai 2009
Label : Southern Lord
Genre : Drone, Expérimental
A écouter : Aghartha, Big Church


7.50/10
Qualités : hypnotique, puissant, lourd
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