“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”
James Vincent MCMORROW
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dimanche 8 novembre 2015
JOSH RITTER - article (2015)
Apparaît la country glamour de My Man on a Horse is Here. Une chanson n’étant pas faite, à priori, pour être chantée par Josh Ritter. Elle joue sur le plaisir de l’écriture automatique, quand tous les thèmes les plus inattendus peuvent apparaître sur la page. Le plaisir de deviner une chanson se dessinant à partir d’une image un peu futile mais insoumise. « Et je me suis gaché/mon meilleur amour, mon Beaujolais, mes larmes/Tu es venu me sauver/Mon homme monté à cheval ».
Qui est Josh Ritter ? Un chanteur de country efféminé ? Un artiste en quête de spiritualité ? Premièrement, un enthousiaste dont on a comparé autrefois la musique à celle de Whiskeytown, l'ancien groupe de Ryan Adams – mais sans leur arrogance. Deuxièmement, un songwriter qui, sur cette chanson particulière, a atteint pleinement ses objectifs. « Au fil du temps, on apprend à ne plus s’en faire. J’écris les chansons que j’ai envie d’écrire. Pour moi il n’est plus question de succès ou d’échec aujourd'hui. Prenez My Man in A Horse is Here. J'ai d'abord pensé qu’elle n’allait pas. Ce n’est pas ce que je suis, et j’ai hésité. C’est une déclaration d’amour à un homme cavalier ! (rires). Ce n’est pas la chanson que j’aurais écrite si j’étais très attentif. Mais si je ne devais pas lui donner vie, quel gâchis ! »
Les fans de Ritter, né en 1976 à Moscow, dans l'Idaho, ont appris à apprécier sa musique candide en surface et savante dans le fond, si communicative. Ils tirent leur plaisir d'histoires où le narrateur tient bon dans sa petite maison terrestre. Les chansons vont de cet abri où deux corps sont étendus dans la fange, jusqu'à l'a traversée au galop d'une Amérique en crise morale et au romantisme déclinant. Des rengaines idéales pour une foule de concert, où il est bon de partager l’excitation et les allégories comme autrefois les indiens troquaient leurs artefacts. Une myriade de thèmes connectés prennent vie dans différents types rituels en forme de chansons enlevées. « La musique, c'est supposé être du divertissement. J'écoute sans doute mes artistes préférés parce que j'aime être diverti. Je ne vais jamais vers eux pour leur sagesse. », avertit t-il aux plus impressionnables de ses fans, ceux qui voudraient le placer sur un piédestal.
Célébration
Désormais Josh Ritter atteint un niveau de cohérence plus fort encore avec Sermon on The Rocks (2015). Le titre déjà, fait écho à l'une de ses précédentes chansons, Rumors, commençant ainsi : « Serenade me with rocks ». Contenue dans son album le plus brut, The Historical Conquests of Josh Ritter (2007). A quelles conquêtes faisait t-il allusion, dans ce titre à la vanité apparente ? Son nouvel album semble y apporter des réponses.
« [Sermon on the Rocks] est une réaction à l'ambivalence des écritures bibliques », révèle t-il à Eric Swedlund pour Paste Magazine. « Il redonne une dimension humaine au Sermon on the Mount, selon lequel les pauvres devraient hériter de la Terre, et que nous devons être bons les uns pour les autres. » « Ces idées ont été tant fétichisées par des milliers d'années d'usure que nous oublions qu'il y a des moyens réels et humains de les concrétiser. Je pense que j'ai tenté de remettre du sang neuf dans ces idées sans rien supposer de religieux. » Il ajoute : « Je n'ai jamais su ce que signifie le terme de spirituel » « Je sais ce que 'religieux' signifie, et je ne me sens pas religieux, mais concernant la spiritualité je n'en suis pas sûr. Je me sens libre de choisir de m'émerveiller de tout, et c'est sentiment assez fort. »
Comment sourire, s'émerveiller, en tant de guerre et de terrorisme ? Cette musique exaltée n'a pas le rôle de vaines prières, mais trouve sa grandeur dans la seule joie du divertissement. Ritter dédie Sermon on the Rocks à ceux qui croient en lui, à travers une note rédigée le jour de sa sortie, le 16 octobre 2015. Il le fait en espérant que cet album reflète les attentes de son public. Si c'est un sermon, il ne sert pas des idées préconçues mais agit par empathie. Car il semble reconnaître que dans le monde il ne faut jamais chercher à obtenir une chose par pouvoir, mais à donner dans l'espoir de recevoir. Inutile de regarder du côté vers Dieu, car, nous dit le grand écrivain Mark Twain, le 'vrai' dieu est bien trop indifférent pour cela. Il faut seulement être conscient de nos forces et faiblesses d'homme et d'artiste, et ne pas gaspiller ses forces à la bataille.
Le gâchis humain est un thème souvent illustré par les songwriters. Un mauvais choix, un sentiment n'ayant pas été saisi à temps, erra désormais dans les limbes d'une chanson. Le récit de vie d'hommes devenus vagabonds, de meurtres inutiles et l'évocation d'allégories bibliques soulignant le cuisant sort que les hommes réservent à la générosité et à la bonne foi. Le récit de batailles ridicules et de conquêtes qui n'en sont pas, simplement parce que l'homme a cessé de s'en remettre à son jugement pour rechercher un sens en dehors de lui, alors qu'il n'y en a pas – et finalement se retrouver confronté au 'vrai' diable, celui de la détermination aveugle. Cette vanité, c'est la part sombre que Sermon on The Rocks laisse deviner. Twain nous raconte la guerre des anglais attaqués en Afrique du Sud par les Boers. D'un côté, une batterie de quatre-vingt mille chaires d’ecclésiastiques anglais lançant une tonitruante supplication vers leur Dieu ; de l'autre, deux cent dix canons répondant de façon beaucoup plus rationnelle. L'issue de la bataille était certaine. Ritter montre un goût pour l'Histoire, ce genre d’anecdotes remplacera donc avantageusement une étude des paroles de ses chansons.
La spiritualité est souvent une source d'inquiétude ; il s'agit de prier pour améliorer son sort et celui de ses proches, et d'adopter une attitude défensive. La musique de Josh Ritter prend renvoie au contraire aux paroles de Mark Twain, selon lesquelles le simple plaisir de s'émerveiller vaut mille fois mieux que la nécessité factice de défendre une minorité. « Lorsque nous examinons les myriades de merveilles, de gloire, d'enchantements et de perfections de l'univers infini et percevons qu'il n'y a là aucun détail – du brin d'herbe aux arbres géants de Californie, de l'obscur ruisselet de montagne à l'océan incommensurable, du flux et reflux des marées au mouvement majestueux des planètes – qui ne soit l'esclave d'un ensemble de lois exactes et inflexibles, nous ne pouvons que savoir – pas supposer ni conjecturer, mais savoir - que le Dieu qui a donné vie à cette structure prodigieuse en un éclair de pensée et formulé ses lois en un autre éclair de pensée est doté d'un pouvoir illimité. » Un Dieu universel et impossible à atteindre, pour qui la planète terre n'est qu'une partie infime d'un ordre aux lois naturelles harmonieuses. Si l'on suppose s'émerveiller de tout, c'est ces perfections qu'il s'agit de célébrer avec fraîcheur.
Sermon on the Rocks
La direction choisie s'est imposée Josh Ritter, trouvant un prolongement idéal dans une musique plus affirmée et enivrante que jamais. « Je me suis enfermé avec le groupe, mais la musique n'est jamais assez forte”, continue t-il dans le texte de cette ancienne chanson, Rumors. En fait, le groupe s'est retrouvé à la Nouvelle Orléans et a décidé d'enregistrer dans la meilleure humeur qu'on puisse imaginer.
Les rumeurs ont prété par le passé à Ritter de fausses identités. Il est facilement pris pour un irlandais, par exemple, car il est le premier à avoir joué dans les Iveagh Gardens de Dublin, et que son amitié avec la star locale de la folk, Glen Hansard, a contribué à lancer sa carrière. Sermon on the Rocks est l'oeuvre d'un homme tant habitué aux identités qu'il en embrasse de nouvelles avec encore plus d'allant, de facilité et de joie palpable que dans les meilleures chansons de son passé. Avec sa séduction soul et sa production chatoyante, il semble aussi être l'album d'un artiste en rupture avec une discographie un poil trop hésitante.
Il n'est pas étonnant qu'au sortir de l’enregistrement de cet album, Ritter soit détendu et très content du résultat. « Ce que je recherchais tout du long, c'est un sentiment d'énergie indomptable, cinétique. Je le visualisais dans ma tête aussi ben que les chansons, comme en Technicolor, saturé de rouge. J'ai vraiment l'impression d'avoir attrapé une grosse prise avec cet album. » Le meilleur poisson du lac Tibériade, dirions nous, quand on connaît l'inclinaison de Ritter pour un Christianisme primitif dont il reprend les images.
« Quand vous écrivez des chansons depuis longtemps cela peut devenir ennuyeux. Vous savez ce que vous allez écrire avant de vous y mettre. J'ai décidé de moins me fier à ma voix intérieure, de me rebeller contre moi même. » Une figure est née de cette nouvelle donne. Celle d'un prêcheur qui fait face à la tentation et à l'apocalypse. Une chanson telle que Seeing Me Round, l'a aidé a trouver la vibration maligne et messianique de l'album. La voix de Ritter, plus gutturale qu'à l’accoutumée, suscite une sombre élégance.
Ritter est un classique dans ses goûts et ses méthodes, et les meilleurs moments de l'album – comme Young Moses – se basent sur des archétypes de country rock ou de folk. « J'ai écrit la plus grosse partie de Getting Ready to Get Down sous le porche, en regardant un pommier et en alternant café, bourbon et eau glacée. », commente Ritter comme pour souscrire à cette image immémoriale du chanteur de folk. Mais ces archétypes, à l'image de la chanson en question, sont transfigurés. Sermon on the Rocks, en comparaison avec The Beast on its Tracks (2013), l'album qui l'a précédé, est comme le bond d'une panthère noire qui s'est longtemps léchée les griffes. Trina Shoemaker, sa productrice, a eu un rôle déterminant en structurant ces chansons nées de peu de chose.
On trouve là des comparaisons avec Eels, Paul Simon ou Conor Oberst, qui a lui aussi soumis son art à quelques changements appréciables de production sur Upside Down Mountain (2014). Comme sur celui-ci, les chansons de Sermon on the Rocks laissent ce sentiment d'être vraiment achevées. Rien n'y manque, que ce soit par exemple les chœurs féminins sur Where the Night Goes ou le clavier froid de Seeing Me 'Round. Ceci grâce au travail admirable de Trina Shoemaker.
My Man on a Horse is Here est la dernière douce audace de l'album, pour un homme aspirant à prendre le contre-pied d'une difficile séparation et épouser cette nouvelle ère dans laquelle il se sent « sauvage ». Dans une de se chansons les plus aimées, Girl in The War, il écrivait : « Peter dit à Paul, tu sais tous ces mots que nous avons écrits/sont juste les règles du jeu et les règles sont les premières à perdre leur prix. »
The Beast on its Tracks
Il est facile de voir comment ce nouvel album prolonge et amplifie les qualités qui ont fondé une communauté autour de Josh Ritter depuis son deuxième album impeccable, mais sans doute davantage encore depuis The Animal Years (2006). Dans un élan qui pourrait sembler désespéré, Ritter cherche une cohérence et comment assimiler les conflits de l'ancien temps, de tous les anciens temps, dans le nouveau siècle.
C'est ce qu'il fera avec Beast on the Tracks, s'attelant à décrire la poursuite des sentiments après une relation interrompue. L'intérêt de cet album de rupture était d'entrer par le chagrin et le ressentiment et de ressortir léger et optimiste, brassant les sentiments classiques dans une séquence cohérente et finalement lumineuse. Non, Josh Ritter n'abandonne pas le canevas de l'histoire, en tout cas, il continue d'y revenir à travers cette interrogation : existe t-il une cohérence, une continuité, une détermination dans nos comportements humains, et ainsi dans notre amour ?
Le pouvoir de cet album impromptu et sans doute si peu fait pour la scène et les sourires radieux que Ritter a coutume de dispenser, est de passer sans briser cette 'continuité' par toutes sortes de sentiments, la colère, le désespoir, l’humour, l’honnêteté, l’ironie et le petit désir de vengeance que tout amant blessé, de Cohen à Dylan, n’a pas manqué de faire valoir jusqu’à en faire, avec une retenue tout à fait amicale, un thème central de leurs chansons les plus célèbres. Le don de Ritter pour les mots est à ce point mordant qu’il peut porter des coups bas - assurer qu’avec sa nouvelle compagne il est plus heureux qu’il ne l’a jamais été avec l’autre, là - et rester un gentleman. “Mais si tu es triste et si tu es seule et tu n'as vraiment personne/Je mentirais si je disais que ça ne me rendisse pas bonhomme”. La constance est une illusion projettée par l'autre, qui semble seulement être le même alors qu'il a changé.
Dans les chansons de Ritter, les personnages font planer leur ombre sans être nommés : c'est cette présence 'messianique', cette jeune fille ou ce cavalier évoqués pour Sermon on the Rocks. Le fait que Ritter leur reconnaisse un monde finalement inconstant et tirant sur le fantasme, les rend plus terribles dans leur propre vérité troublante et prophétique. La pièce centrale de Beast on the Tracks est New Lover : “J’ai une nouvelle amante maintenant, et elle sait ce dont j’ai besoin/Quand je me réveille la nuit, elle peut lire mes derniers rêves/et elle les apprécie, même si elle ne dit jamais ce qu’ils signifient. »
So Runs the World Away
Son album le plus déroutant, mais l'un des plus intéressants, So Runs the World Away, est baptisé d'après Shakeseare, et fonctionne à l'inverse de The Beast on its Tracks. On dirait qu'il cherche au contraire à multiplier les impressions, les lieux, à s'évader ainsi. Le temps écoulé est une malédiction qu'il faut congédier pour faire face à de nouveaux horizons. Il troque les familles irlandaises arrivant à New York contre une momie égyptienne maudite et mélancolique. Il y a dans ces textes, dans cet album qui prit deux ans à concevoir, la magie exploratrice de Jim Jarmush, même si c'est encore dans les tons sépias d'une réalité délétère qu'il s'exprime.
Et la félicité de Mark Twain quand il dicte, depuis sa véranda, agencant la vérité de manière ensorcelante, ravivant une émotion à côté de laquelle toutes les guerres à venir paraissent impossibles, ou au moins futiles, si ça ne les empêche pas d'avoir lieu. Reconnaissant rarement, par modestie, qu'une âme d'artiste est singulière, et se montrant continuellement charitable dans son jugement d'autrui. (La modestie, chez Ritter, s'est longtemps exprimée par la simplicité, voire l'absence d'arrangements qui auraient donné à ses morceaux une autre dimension). Twain, le grand inventeur des ces personnages sortis d'une chanson de geste, en quête morale, Huckleberry Finn et Tom Sawyer.
Je me suis fait la réflexion il y a peu que les jugements sont pour les religions ; les humains, fussent t-ils des artistes tels Bob Dylan ou Josh Ritter, ne peuvent avoir que des avis sur certaines questions. Ils laissent leurs personnages accomplir le reste. Toutes formes de créatures, telles les anges, ou les chevaux. Un jour où Josh Ritter a décidé de raconter l'inconstance d'un homme au sortir d'une guerre, il s'est mis à écrire Bright's Passage, son roman publié en 2010. Accueilli entre autres par une critique positive rédigée par Stephen King, le roman a bien marché.
Bright's Passage
Ritter est donc l’un des rares chanteurs country folk à avoir aussi un livre de fiction parmi ses œuvres, et cela le place dans une situation intéressante. Bien qu'il ait un talent inné pour rendre sa musique si vivante et est régulièrement pris pour le meilleur musicien à voir en concert de rock, par humilité, il a trouvé l'envie d'écrire ce livre.
Le sujet de son roman, dans un style beaucoup plus grave, comprend aussi un homme et un cheval. Dans un style poétique, il raconte la folie d’un homme, Henry Bright, entendant une Voix depuis son retour de la première guerre. Le plus souvent, elle lui vient de la bouche de son cheval. Cette voix schizophrène lui a déjà sauvé la vie pendant la guerre, impossible de ne pas y croire. On l’imagine semblable à celle qui pousse Josh Ritter à terminer ses chansons sans crainte. En tant qu’ange gardien, cette voix exhorte Henry Bright à ne pas avoir peur. A se marier avec sa cousine, une femme mal dégrossie qui vit en bas de chez lui, puis à lui faire un enfant. Sauf qu’elle mourra en couches, attirant sur Bright la vengeance du père et des deux rustres frères de la malheureuse. Ce sera alors une poursuite à travers des paysages irréels comme Kafka transposé dans l’Amérique rurale.
Il est facile de voir dans la fuite du personnage et les aventures qui s’ensuivront certains gestes motivés par les pensées de Josh Ritter, le songwriter. Les deux arts de l’écriture et de la chanson ne font peut être pas toujours bon ménage, mais dans ce cas ils semblent venir enrichir des univers complémentaires aux narrations peuplées de question sur la liberté, la création, le pouvoir de vie et de mort, avec un Dieu qui apparaît pour nous aider à tirer ce qu’il faut de ce foutu ressentiment nous parcourant, au moment opportun, comme un personnage de cartoon. Le nom de son héros, Bright, signifie, ‘éclairé’, et paraît naturellement illuminer de l’intérieur les envies de Ritter de se confronter avec le monde. D’album en album il ne cherche qu’un passage vers l’avenir.
Hello Starling
Sa conviction est mise en doute, et on dit qu'à son écriture blanche n'échappe aucun de ces détails recréé avec une obsession baroque. Peu spontané, peu inventif ? Un monde en soi, qui tourne à vide ? Des fans facilement séduits par les attributs flatteurs de chansons tape à l'oeil ? La réponse est à chercher du côté de l'album de la confirmation, Hello Starling (2003). Il montre que Ritter est un artiste qui est arrivé complètement formé sur la scène, après avoir autoproduit ses deux premiers albums et donc pris certains risques. On parle d'un jeune homme qui s'est lancé dans son premier enregistrement à 21 ans, et non plus de l'artiste chevronné qui écrit et produit des albums avec une image très nette de ce qu'il veut réaliser.
Écouter Hello Starling c'est comme de contempler l'arrivée du printemps avant l'heure, de regarder un peu paresseusement les chevaux se réchauffer dans le manège, d'espérer tromper l'un d'entre eux pour partir au galop. Là encore plus qu'ailleurs, Ritter fait office de songwriter idéal en ce début de siècle. Sa musique est légère et pourtant profonde. Est-ce un signe si Wings a été reprise par Joan Baez ? Peut t-il imaginer, Ritter, le moment où l'égérie folk montera sur scène à ses côtés, suscitant l'hystérie du public, dans un instant de félicité scénique.
A sa décharge, il troque la pop pompeuse de mini opérettes de Rufus Wainwright contre des chansons de chair, produites avec les excès d'un indie rockeur cherchant à masquer sa timidité, mais retombant toujours sur la caresse crédible de la guitare acoustique. Pour Ritter, il n'y a pas de différence entre Woody Guthrie, Pete Seeger et des artistes pop comme Hall & Oates ou Brian Wilson. Il s'expriment tous dans ces langages typiquement américains faits de béatitude qu'il tente, de façon simple mais finalement assez profonde, de reproduire. Sermon on the Rocks est le pendant idéal à cet album plus ancien.
Une première ligne
Oui, il est adroit à l'écriture de chansons, ce qui les rend élégantes et donne l'impression qu'elle ne lui coûtent aucun effort. Mais Neil Young ne disait t-il pas que l'essentiel, c'est de canaliser l'inspiration qui vous est donnée, pas de vous tourmenter pour tenter d'arracher une inspiration qui ne viendra pas artificiellement ? « Vous observez quelqu'un en train de jouer, et ça a l'air si facile, et vous pensez, je veux le faire, je sais comment le faire. », se souvient Ritter de ses débuts. « Puis vous essayez, bien sur... mais c'est Neil Young, vous voyez ? Cela vous inspire vraiment. Quand vous pouvez observer un tel type et les bases des chansons qu'il a écrites – il les connaît mieux que personne – quand vous pouvez le voir donner vie à ses chansons ainsi, c'est tellement frais. »
La création est ainsi la fois simple et le fruit d'un processus unique. Josh Ritter décrypte plus avant les sources de son inspiration. « Pour moi, il y a une première ligne.. c'est la première ligne d'une chanson qui me capture. C'est quelque chose de tellement beau. Vous ne savez pas toujours en quoi elle va consister. Vous pouvez avoir une très bonne idée, mais vous n'avez pas encore trouvé la première ligne. Écrire met en action tellement de vous-même, ce n'est qu'une question de chances si vous y parvenez. Et parfois vous êtes chanceux. »
Tandis que Ritter grandit en tant qu'artiste, sa vision se fait plus poétique et spirituelle, mais reste toujours débarrassée des blessures et des inquiétudes qui existent chez d'autres musiciens. « La plupart du temps, vous êtes en train de jouer une chose que vous connaissez déjà, ou des petits bouts de mélodies, et soudain il arrive qu'il y ait un éternuement de Dieu – ou quel que soit ce que vous appelez Dieu – et vous créez la chanson. C'est ainsi que ça se produit, et c'est un sentiment incroyable – c'est le meilleur sentiment du monde quand vous finissez une chanson et attrapez une bière, c'est génial. »
Va t-il revenir à la source de son inspiration ? C'est à dire, l'Idaho... « Il y a tellement de choses qui sont belles dans cet état. Il n'y a pas les désert, et les grandes chaînes de montagnes, mais des champs de blé. C'est un endroit très austère, certainement. Mais il a une vraie beauté, cette beauté de l'ouest. C'est le plus bel endroit qui soit.
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