OO
entraînant, élégant, heureux
country rock, folk rock
extrait d'un article sur Josh Ritter à paraître dans Trip Tips 27
Désormais Josh Ritter atteint un niveau de cohérence plus fort encore avec Sermon on The Rocks (2015). Le titre déjà, fait écho à l'une de ses précédentes chansons, Rumors, commençant ainsi : « Serenade me with rocks ». Contenue dans son album le plus brut, The Historical Conquests of Josh Ritter (2007). Mais c'est un chapitre plus ancien que je vous laisse découvrir par vous mêmes.
« [Sermon on the Rocks] est une réaction à l'ambivalence des écritures bibliques », révèle t-il à Eric Swedlund pour Paste Magazine. « Il redonne une dimension humaine au Sermon on the Mount, selon lequel les pauvres devraient hériter de la Terre, et que nous devons être bons les uns pour les autres. » « Ces idées ont été tant fétichisées par des milliers d'années d'usure que nous oublions qu'il y a des moyens réels et humains de les concrétiser. Je pense que j'ai tenté de remettre du sang neuf dans ces idées sans rien supposer de religieux. » Il ajoute : « Je n'ai jamais su ce que signifie le terme de spirituel » « Je sais ce que 'religieux' signifie, et je ne me sens pas religieux, mais concernant la spiritualité je n'en suis pas sûr. Je me sens libre de choisir de m'émerveiller de tout, et c'est sentiment assez fort. »
Le sermon prend ici une fraîcheur schématique qui sert le propos de Ritter selon lequel les images vénérables peuvent servir des discours et des actes, pour le meilleur – l'empathie. Le pire n'est que rarement envisagé par l'artiste. La direction choisie s'est imposée à lui, trouvant un prolongement idéal dans une musique plus affirmée et enivrante que jamais. « Je me suis enfermé avec le groupe, mais la musique n'est jamais assez forte”, continue t-il dans le texte de cette ancienne chanson, Rumors. En fait, le groupe s'est retrouvé à la Nouvelle Orléans et a décidé d'enregistrer dans la meilleure humeur qu'on puisse imaginer.
Les rumeurs ont prété par le passé à Ritter de fausses identités. Il est facilement pris pour un irlandais, par exemple, car il est le premier à avoir joué dans les Iveagh Gardens de Dublin, et que son amitié avec star locale de la folk, Glen Hansard, a contribué à lancer sa carrière. Sermon on the Rocks est l'oeuvre d'un homme tant habitué aux identités qu'il en embrasse de nouvelles avec encore plus d'allant, de facilité et de joie palpable que dans les meilleures chansons de son passé. Avec sa séduction soul et sa production chatoyante, il semble aussi être l'album d'un artiste en rupture avec une discographie un poil trop hésitante.
Il n'est pas étonnant qu'au sortir de l’enregistrement de cet album, Ritter soit détendu et très content du résultat. « Ce que je recherchais tout du long, c'est un sentiment d'énergie indomptable, cinétique. Je le visualisais dans ma tête aussi ben que les chansons, comme en Technicolor, saturé de rouge. J'ai vraiment l'impression d'avoir attrapé une grosse prise avec cet album. » Le meilleur poisson du lac Tibériade, dirions nous, quand on connaît l'inclinaison de Ritter pour un Christianisme primitif dont il reprend les images.
« Quand vous écrivez des chansons depuis longtemps cela peut devenir ennuyeux. Vous savez ce que vous allez écrire avant de vous y mettre. J'ai décidé de moins me fier à ma voix intérieure, de me rebeller contre moi même. » Une figure est née de cette nouvelle donne. Celle d'un prêcheur qui fait face à la tentation et à l'apocalypse (un sujet qui, réduit aux perceptions humaines, vaut bien la peine d'être mis en chansons). Une chanson telle que Seeing Me Round, l'a aidé a trouver la vibration maligne et messianique de l'album. La voix de Ritter, plus gutturale qu'à l’accoutumée, définit la direction soul et séductrice de l'album, donnant tort à un journaliste de Pitchfork, Stephen M. Deusner, qui décida qu'il semblait y avoir « plus de fabrication que d'âme dans les chansons de Josh Ritter ».
Ritter est un classique dans ses goûts et ses méthodes, et les meilleurs moments de l'album – comme Young Moses – se basent sur des archétypes de country rock ou de folk. Pourtant, Sermon on the Rocks, en comparaison avec The Beast on its Tracks (2013), l'album qui l'a précédé, est comme le bond d'un panthère noire qui s'est longtemps léché les griffes.
Écrit à la suite de sa séparation d'avec la songwriter Dawn Landes, The Beast in Its Tracks manquait de surprises, ses chansons apparaissant modestes et dépourvues de grosses distinctions mélodiques. On trouvait des comparaisons avec Eels, Paul Simon ou Conor Oberst, mais même Conor Oberst a soumis son art à quelques changements appréciables de production sur Upside Down Mountain (2014). L'intérêt de cet album de rupture était d'entrer par le chagrin et le ressentiment et de ressortir léger et optimiste, brassant les sentiments classiques dans une séquence cohérente et finalement lumineuse de chansons d'amour teintées d'ironie.
Dans les chansons de Ritter, l'amour s'apparente à l'empathie, et s'apprend dans la distance avec son sujet : sur Sermon on the Rocks, il y a cette chanson écrite au dernier moment, et qui résume l'album, Getting ready to Get Down, dans laquelle une jeune femme aventureuse essaie de s'intégrer dans sa petite ville puritaine.
My Man on a Horse is Here est la dernière douce audace de l'album, pour un homme aspirant à prendre le contre-pied d'une difficile séparation et épouser cette nouvelle ère dans laquelle il se sent « sauvage ». Dans une de se chansons les plus aimées, Girl in The War, il écrivait : « Peter dit à Paul, tu sais tous ces mots que nous avons écrits/sont juste les règles du jeu et les règles sont les premières à perdre leur prix. »
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