Diane Cluck (à droite) avec isabel Castellvi (violoncelle)
Je souhaite
avant tout remercier Laurence Buisson, fan n°1 de Sharon Van Etten en France J et conquise par la
cause du Ladyfest comme je le suis, sans laquelle je n’aurais jamais assisté à
cet adorable concert. Merci Laurence ! <3 strong="strong">3>
Le festival Ladyfest
est auto financé, et donc indépendant. Animé par huit jeunes militantes, il s’est
révélé une alternative très intéressante à la morosité du mois d’octobre, en s’adaptant
parfaitement aux circonstances. Un concert en témoigne : celui de Diane Cluck,
chanteuse américaine à l’image du festival : passionnée, humble, indépendante,
brillante. Sharon Van Etten avait ouvert le Ladyfest et en demeure la tête d’affiche
incontestée, apparaissant encore dans les conversations quatre semaines après
être repartie pour New York. L’émotion fulgurante qui a parcouru l’échine des
garçons et surtout des filles rassemblé, nombreux, au Café de la Danse ne
saurait être reproduite plus avant au cours du festival, et l’utilisation de
cette vaste salle n’a pas été réitérée dans la suite des festivités ; les
concerts se sont faits plus intimes, l’équipe du Ladyfest demeurant le noyau
amical autour duquel gravitent quelques personnes déjà inconditionnelles de l’esprit
du festival, à défaut d’en avoir toujours acheté le sac (8 petits euros) qui
leur apporte leur financement. Nous sommes à la Loge, avec quelques soixante
personnes venues voir Diane Cluck.
Si Sharon est
revenue encore dans une discussion, c’est parce qu’elle s’était montrée très
enthousiaste, lors de son dernier passage, en s’apercevant que Diane Cluck
était également l’invitée du festival. Cette dernière nous a raconté qu’encore
toute jeune, Sharon lui envoyait ses démos et lui demandait son avis sur ce qu’elle
enregistrait, éprouvant une grand admiration pour elle. Diane Cluck apprécie
maintenant avec fierté le parcours plein de promesses de sa jeune comparse.
Wear The
Trousers Magasine a placé Oh Vanilla (2003) au 14ème rang de
meilleur album de la décennie 2000-2010. Enregistré avec l’aide du musicien de
jazz Todd Horton, cet album reste le véritable acte fondateur qui permit à Diane
Cluck d’exporter, petit à petit, à son
échelle, sa musique, et lui a valu une admiration en progression constante de
la part de gens du monde entier. Avant ça, elle les capturait souvent sur des
casettes, les manufacturait et les distribuait elle-même. Les enregistrements
de cette époque sont en conséquence parsemés de bruits parasites.
Les oreilles
aguerries de la presse attentive n’ont
pu que multiplier les commentaires élogieux après avoir entendu ce que ‘folk
intuitif’, dans la bouche de Diane Cluck, voulait dire. A la voir sur une
certaine photo, c’est un peu comme faire de la confiture. Je n’en connaissais
rien : une voix extraordinairement riche, utilisée comme un instrument
magique, et une volonté presque farouche d’explorer plus avant, d’un couplet à
l’autre, les contours lumineux de ses poèmes obscurs et foisonnants m’ont
sidéré, et ont renouvelé en moi la foi en ce genre folk parfois banalisé, ont
inspiré de nouvelles idées sur ce que doit, ce qu’il peut être ; une
musique profonde, une expérience totale et sans aucun cliché. L’influent Mojo
Magasine plaçait en 2005 Countless Times en deuxième position de sa liste des
meilleurs albums Underground de l’année. Undergound ? Malheureusement. Dans
certains concerts qu’elle a joués en Europe avant de passer par Paris elle
jouait pour moins de dix personnes. « Ce n’est pas grave, je reviendrai’,
confie-t-elle.
Mais c’est qu’elle
n’a pas sorti d’album depuis longtemps, utilisant son site internet un système
de suscription baptisé ‘song of the week’ pour vendre ses chansons. Une
pratique discutable, puisque le coût de la conception des chansons –
enregistrement, mixage, mastering, déplacement auprès des collaborateurs – est
difficile à résorber de toute façon, et que l’absence d’album lui empêche globalement
d’attirer l’attention de la presse spécialisée.
Un EP de six
titres a cependant été enregistré avant le début de la tournée européenne, de
façon spontanée, et en compagnie de la violoncelliste Isabel Castellvi que l’on
retrouvera le soir du concert. L’un des moments forts a été de les voir côte à
côte, en train de chanter a cappella Petite Roses, un extrait de Oh Vanilla. Elles
vous jettent un charme. Les deux vont naturellement interpréter les six
chansons enregistrées ensemble, toujours aussi mystérieuses et abandonnées que
ce que Diane Cluck a pu faire par le passé. Leur musique se complémente, s’entremêle.
Castellvi sert d’oreille absolue à la chanteuse lorsqu’elle s’accorde, donnant
son approbation à l’issue de la première note, avant de s’engager avec un visage
rayonnant, dans une joute aussi enjouée qu’elle est intense, habitée d’une tristesse
sublimée. Le niveau de liberté à l’œuvre est imbattable, c’est un sentiment impossible
à étouffer, qui flotte autour de ces riches mélodies inspirées de musique
classique, qui leur donne une beauté globale. Un sentiment de transcendance qui
vous gagne au fur et à mesure du concert, ainsi qu’un confort total. La magie à
l’œuvre est ce qui sépare concert et albums. Ceux-ci sont considérés par Diane
Cluck comme de simples ‘collections de chansons’ qui ne peuvent égaler la façon
dont ces chansons prennent vie chaque soir, façonnées avec toute l’intuition et
l’audace nécessaires. Surtout que certaines d'entre elles ont plus de dix ans, et ont beaucoup évolué. Easy To
Be Around et ses diamants (« I was in a coal mine picking up diamonds/that
the miners had left behind ») ou Phoenix and Doves constituent des sommets
de la soirée. C’est de là que vient, jurerait t-on, un peu de la
désespérance défiante des premiers Sharon Van Etten. On reste avec l’impression
que Diane Cluck est à la tête d'un répertoire au raffinement rarement
égalé parmi ses pairs actuels.
De son côté, Laura
J. Martin a introduit la soirée en faisant surtout montre d’un grand talent à
la flûte traversière et d’une énergie traversée d’éclats de mysticisme. Auteure
d’un premièr album charmant et versatile, elle laisse imaginer ce soir ce qu’aurait
été les troubadours en marge de Woodstock s’ils avaient disposé de pédales de
loop. Elle offre, souvent à mi-chanson, des moments de plénitude, d’intensité,
à force de superposer en d’entrecroiser les parties instrumentales ou les
brillantes utilisations de sa voix, qui n’est pas sans évoquer celle de Joanna
Newsom.
Merci le Ladyfest,
et à l’année prochaine !
Site officiel Diane Cluck
Bandcamp Diane Cluck
Facebook Laura J Martin :
Ladyfest
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire