OO
Doux-amer, attachant, élégant
Americana, Country folk
Un album de Hayes, on en attendait un deux ou trois ans après le dernier, KMAG YOYO (2011). Il lui a fallu plus de cinq ans pour reparaître avec une collection de chanson qui trahit son dégoût des tournées, des passages radio et du music business. Pourtant, un album de Hayes Carll, c'est toujours une émotion immédiatement assimilable, et qu'il est bon de faire découvrir et de partager. Comme son ami Scott Nolan, traversant une forme de crise de la quarantaine, il a recherché un équilibre dans sa vie, le conduisant à l'enregistrement de cet album. Ces chansons, dont il serait facile d'exagérer le rôle et l'impact en les qualifiant de catharsis, se coulent néanmoins dans une volonté réparatrice. «Je n'avais pas une seule chanson pour faire danser les gens », résume celui qui la a tant divertis avec Stomp and Holler, Bad Liver / Broken Heart, Another Like You ou Hard Out There.
Lovers and Leavers, enregistré en cinq jours, profite d'overdubs brillants, piano, orgue électrique, ou percussions atypiques. Un son voluptueux, sur My Friend par exemple, avec la guitare pedal steel qui semble venir de partout à la fois. Cela compense l'absence de chansons propulsives ou plus communicatives. Cette différence persistante de ton et de tempo entre les deux disques marque l'écart et les cinq ans écoulés dans une certaine lassitude entre les deux albums. Lovers and Leavers est à la fois l'album qui trahit un certain égarement de son auteur, et celui par lequel il doit se focaliser de nouveau sur son entourage et son message. Pour y parvenir, il y a le levier de l'amitié, pour se soigner de l'amour, l'amour capable de 'remplir tout l'espace vide', dans la chanson déchirante Love Don't Let me Down (Hayes Carll s'est trouvé une nouvelle compagne en la personne d'Alison Moorer, grande compositrice qu'on aime beaucoup chez Trip Tips).
Ce n'est pas seulement la façon très laid back dont il sonne, mais Lovers and Leavers présente une façon différente d'interpréter des chansons, cela transparaît dans une version filmée de la chanson The Magic Kid, l'une des plus belles de l'album (et sans doute adressée à son fils, qu'il a peu vu pendant ces années de tournée). Le groupe fait preuve d'une décontraction au bord de l'absence, en toute félicité, comme pour contrecarrer l'implication usante habituelle que nécessite cette musique propre à être partagée et dont les paroles furent reprises avec bonheur par le public.
Hayes Carll se montre pourtant toujours aussi intelligent dans sa façon d'écrire les chansons d'amour, pleines d'un humour capable de contrebalancer l'amertume qu'un divorce a implantée en lui. Il ne sur-estime pas le rédempteur, ou quoi que ce soit, de son expérience dans sa musique. Hayes Carll est réputé élégant, mesuré, et aillant la tête sur les épaules, et même s'il semble parfois perdu ou à deux doigts du coma éthylique, c'est toutes proportions gardées. C'est son charme naturel qui lui permet de sortir triomphant, jusqu'aux plus dégagées Love is so Easy et Jealous Moon, une chanson évoquant See The Sky About to Rain (Neil Young), avec son piano Rhodes. For the Sake of the Song reprend la façon blessée de chanter de Neil Young sur Ambulance Blues, également sur l'un de ses albums cruciaux, On The Beach (1974). Après des écoutes répétées, l'album nous affecte, tandis qu'on saisit comment Hayes Carll se positionne pour y rester longtemps, au carrefour de la musique de grands songwriters américains – Jim Lauderdale, avec qui il a écrit Drive, Townes van Zandt, Guy Clark, Rodney Crowell, Kris Kristofferson et Ray Wylie Hubbard.
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