Parution | octobre 2010 |
Label | True Panther |
Genre | Rock |
A écouter | Heartbreaker, Broken Dreams Club |
/10 | 7 |
Qualités | sensible, élégant |
Voir aussi la chronique de "Album"
Voir aussi l'interview de Christopher Owens
Le premier disque de Girls, Album, laissait deviner un groupe dont l’énergie semblait provenir d’une angoisse, d’une pulsion de vie. Hellhole Ratrace, ballade parfaite et épique, clef de voûte du disque, exaltait ce genre de sentiment, un sens diffus, moutonneux au point de hanter les morceaux. Quelque part, la mélancolie de jeunes adultes qui repoussent le monde adulte. A l’exception notable du single Lust for Life – et Dieu sait qu’Owens aimerait y croire, à la luxure pour toujours -, du pastiche de Bowie God Damned ou du rock and roll Big Bad Mean Motherfucker, les autres morceaux évoluaient dans le même nuage.
Voir aussi l'interview de Christopher Owens
Le premier disque de Girls, Album, laissait deviner un groupe dont l’énergie semblait provenir d’une angoisse, d’une pulsion de vie. Hellhole Ratrace, ballade parfaite et épique, clef de voûte du disque, exaltait ce genre de sentiment, un sens diffus, moutonneux au point de hanter les morceaux. Quelque part, la mélancolie de jeunes adultes qui repoussent le monde adulte. A l’exception notable du single Lust for Life – et Dieu sait qu’Owens aimerait y croire, à la luxure pour toujours -, du pastiche de Bowie God Damned ou du rock and roll Big Bad Mean Motherfucker, les autres morceaux évoluaient dans le même nuage.
Dès lors, la plus belle manière que Girls avait pour placer quand il le fallait un point d’orgue, était de produire un brouillard sonore à la manière des musiciens shoegaze – sur Summertime, Morning Light. En live cela devint la seule façon de terminer Hellhole Ratrace. La tension superbe qui caractérisait leur prestation et l’angoisse sourde sous-tendue par leur musique pleine d’un soleil d’hiver y trouvaient la même échappatoire. L’impression cohérente qui se dégageait de ce disque venait apparemment du fond du cœur de ses deux principaux artisans, le chanteur Christopher Owens et le guitariste Chet « Jr » White, puisque qu’il n’y avait eu aucun plan particulier à l’enregistrement du disque – les 12 premiers morceaux composés ont naturellement trouvé leur place les uns à côté des autres sur Album. La plus grosse différence sur Broken Dreams Club – dont le titre Heartbreaker est arrivé en éclaireur cet été - est qu’il se donne un peu plus de moyens pour chasser, à la fois vers le passé – en allant presque imperceptiblement de l’avant - et vers l’avenir - en se montrant particulièrement conservateur à l’esprit développé sur le premier disque -, la mélancolie et l’anxiété adolescentes qui envahissent le groupe quand ils en viennent jouer leur musique, et on le suspecte, du simple fait de penser à tout ça.
La relation d’Owens aux différentes femmes de ses chansons, la façon dont il écrit sur elles le font se sentir plus adulte ; superbes Laura, Lauren Marie sur le premier disque, dans lesquelles on le sent qui entame des réflexions, voir des négociations d’égal à égal. Il va plus loin sur Thee Oh so Protective One, le titre d’ouverture de ce nouvel EP, en déployant des trésors de confidence et de gentillesse, toujours dans un profond respect et avec une responsabilité, pour le coup, totalement adulte : "He'll never know about the times that you cried in your bedroom/About the times that you cried in your classroom/ About your mother or your father or the way you got your broken heart." La musique est la façon qu’à Owens de grandir. Il pourrait bien avoir conscience que les paroles de ses chansons sont les seuls mots qu’il écrira et qu’il prononcera à l’engager vraiment. En réalité, il semble croire tellement à ce qu’il enregistre aujourd’hui avec Girls qu’il fait en sorte de pouvoir s’y reconnaître le plus longtemps possible, malgré les expériences qui le transformeront. De fait, Broken Dreams Club peut prétendre à une richesse lyrique plus grande que son prédécesseur, et aussi moins de spontanéité.
Comme pour signifier cette accession à une meilleure compréhension du monde adulte qui leur pend au nez et qu’ils n’ont cœur qu’à repousser encore un peu, Broken Dreams Club sonne de manière plus professionnelle que son prédécesseur, et à aucun moment comme un disque adolescent – ce que Owens et White ne sont plus depuis un petit moment. Leur musique surf triste est maintenant parfaitement structurée, fleurie de cuivres et de guitares mieux maîtrisées et propres à leur nom. Cette plus grande place apportée à des instrumentations annexes, et cette meilleure mesure de l’espace sonore, est l’occasion de révéler un peu plus leur talent à l’écriture de superbes ballades. Le morceau titre est aussi bon que ce que n’importe quel songwriter d’exception a été amené à composer. On les a d’ailleurs trop souvent comparés aux Beach Boys. « I just want to get high, but everyone keeps bringing me down » chante Owens dans une tournure qui lui appartient totalement. Mais ne sonne pas comme de la musique de vieux : l’attitude cool est encore bien présente, dans mille petits détails, comme sur Substance – un nom qui évoque Joy Division – où Owens annonce le solo avant que la guitare ne démarre de manière nonchalante.
Des arpèges semblent se répéter qui font écho à leur travail passé – notamment sur Heartbreaker et sur le final Carolina, qui signifie, tout le long de ses huit minutes exploratoires, mieux que tout le reste la fin d’une période, en revenant sur les aspects les plus romantiques du son de Girls sans rien apporter de neuf. Une façon de mettre pour de bon tout ça derrière et de démarrer sous de nouveaux auspices différents. Malgré tout ce que le groupe donne ici, ils sonnent comme s’ils avaient encore beaucoup plus à offrir.