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lundi 18 juin 2012

Sun Araw, M. Geddes Gengras + The Congos - Icon Give Thank (2012)







Parutionavril 2012
LabelRVNG
GenreDub, expérimental, reggae
A écouterFood Clothing and Shelter, Sunshine, Invocation
°°
Qualitésenvoûtant, hypnotique

Quand on commence à écouter du reggae roots, ce qui fut pour moi le cas avec la session acoustique Inna De Yard (2005) de Cedric Myton, le leader des célèbres Congos, on ne suspecte pas forcément que ce genre musical vient du ska et se dirige, en ralentissant, en devenant mantra, vers un psychédélisme bourbeux défini par sa richesse et sa profondeur sonore. Pourtant, si on connaît un peu le travail de Lee Scratch Perry, professeur de studio, manipulateur d'enregistrements, un disque tel que Icon Give Thank est presque de la musique traditionnelle. Avec Lee Perry, la musique est une vision à la sonorité précise, dont les échos sont bien mesurés, les sons choisis de façon rituelle – même lorsqu'il s'agit d'un meuglement de vache zombifiée. Dans ce contexte, les chanteurs, les musiciens sont souvent excellents, ils ont une aisance à capturer l'instant. Quelques prises leur suffisent pour offrir toute la substance des voix, des percussions et des guitares, mais des producteurs comme Perry continuent à travailler longtemps après que la dernière prière à Jah ait été formulée. Le studio est un instrument à part entière dans une musique qu'il faut rendre le plus ludique et hypnotique possible, et aussi conforme que possible à ce que l'on entend dans sa tête. 

Cameron Stallones (Sun Araw) ne sait pas à quoi va ressembler son disque, mais il intime le producteur M. Geddes Gengras de quitter Los Angeles avec lui, direction la Jamaïque, et plus précisément un patelin du nom de St Catherine où la légende de reggae, avec ses lions et ses dompteurs au regard fou, ne dorment jamais. La musique qu'ils produisent à Kingston ne franchit pas souvent les frontières pour arriver jusqu'à nos oreilles, alors lorsqu'un projet dub expérimental fait remonter jusqu'ici les voix des Congos pour un résultat aussi cohérent et solide que sur Icon Give Thank, c'est une moment de retrouvailles exceptionnel en plus d'être agréable, voire excitant. 

La rencontre était planifiée, commanditée (?) par le label RVNG. La rencontre eut lieu le plus naturellement du monde, Cédric Myton et Roy Johnson (les congos) étant réputés pour leur ouverture d'esprit et leur spontanéité. Mais le résultat n'est pas tant planifié. « Le vrai challenge, ce n'était pas de travailler ensemble mais d'imaginer la façon dont le disque allait sonner, commente Stallones. « Aucun d'entre nous n'avait vraiment d'idée quant au résultat.» Il fallait utiliser les voix extraordinaires de Myton (falsetto) et Johnson, d'abord comme un instrument puis de leur donner progressivement un poids spirituel. « Les sessions initiales que nous avions faites à LA étaient des expérimentations rudimentaires, quelques rythmes à la batterie, quelques lignes de basse. Nous avons essayé de tout maintenir à un état de simplicité extrême pour que nous ne puissions réellement concevoir l'album qu'une fois en Jamaïque. Nous ne savions pas quelles seraient les possibilités là-bas, ainsi nous préférions avoir quelques bases de travail." « Quelques chansons ont été faites autour de beats que j'ai créés avec la version gratuite de Ableton avant de les coller sur mon enregistreur cassette. » Les éléments de rythme, les guitares, les basses et les bruitages peuvent prendre de nombreuses formes, souvent réminiscentes de ce qu'a accompli Lee Perry et d'autres poducteurs dans les années 70. L'ensemble, rafraîchissant, intense, progresse au fil de l'album. 

" A un moment, pendant l'enregistrement, Roy s'est retourné vers moi et a réalisé : 'oh, ce sont des chants spirituels.' A partir de là, cela a fait sens pour tout le monde. » Tandis que l'album se termine, avec Invocation et Thanks and Praise, la symbiose entre producteurs et chanteurs Rastafari s'élève au-delà des styles musicaux pour gagner une vraie spiritualité. Les Congos on repris le dessus à la fin. Food, Clothing and Shelter et Sunshine, au milieu de l'album, assurent la transition en propulsant irrésistiblement l’auditeur vers d'autres sphères. « It's Coming » répètent des voix déformées, qui donnent l'impression de flotter dans une mer de champignons. Sur Sunshine : "time to make a move, time to get you in the groove". 

En 10 jours de travail dans les lieux ou l'inspiration reggae est née, le voyage a été passionnant pour Stallone. Il a été décidé de produire un documentaire retraçant cette expérience, Icon Eye. Ne serait-ce que pour la beauté colorée des fresques annonçant sur les murs des maisons ce qui se trame à l'intérieur, pour les leçons de vie – musique, danse, ganja – il est à regarder à tout prix cet été !

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