L'un des groupes vocaux qui ont le plus influencé par leurs messages et leurs riches arrangements et textures, les Ethiopians ont accompli la transition entre le ska et le rock steady, en pavant aussi le chemin pour le roots reggae plus engagé. Leonard Dillon (né en 1942), leur chanteur, devint peu à peu l'un des charismatiques ambassadeurs de la culture reggae. Il est décédé en 2011 et un large hommage lui a été rendu.
Pour
expliquer la magie du groove des Ethiopians, Dillon suggère toujours qu’il
s’agissait d’expérimentation. Producteurs comme musiciens semblaient toujours
avides de nouvelles expériences, désirant multiplier les possibilités de rythmes
qui leurs appartiendraient. « Nous avons pris le rythm and blues et la
calypso pour en faire du rock steady. C’est seulement une question de jouer
plus lentement certains instruments, et d’en jouer d’autres plus
rapidement. » Les rythmes doivent aussi pouvoir être dansés. “En
ces jours vous deviez créer le son, se remémorera-t-il. Vous deviez produire
les chansons et inventer une danse pour vendre ces chansons.”
En
1964 à Kingston, Dillon rencontre Peter Tosh qui l'introduit auprès des
Wailers. "J'ai fait quelques chansons des Wailers avec eux. Bunny [Wailer]
et Peter [Tosh] m'apprenaient beaucoup sur les harmonies."
Ceux
ci le présentent à leur tour à Coxsone Dodd. "Quand je suis allé au
studio, Bob [Marley] venait juste de faire Simmer
Down. » « Chaque samedi j’allais chanter à l’église. Quand vous
entendez ma musique et que vous écoutez les paroles, ça évoque l’amour et la
joie. Tout ce qui concerne Jah." Dillon rencontre de ce pas Stephen Taylor et Aston Morris, qui forment
un duo de rue, et ils décident de former ensemble The Ethiopians. « Nous
répétions dans un endroit appelé The Ethiopian Reorganization Centre, où toute
la culture rastafari était bien visible. », commente Leonard Dillon pour
expliquer le choix du nom. Les Ethiopians véhiculent à toute vapeur les valeurs
rasta, qui faisaient passer l’héritage ethnique avant la religion. « Mon
grand-père était chrétien, c’était un prêtre, et il ne m’a rien appris quant à
l’église. Il me parlait plus volontiers de l’Afrique et comment nous nous
sommes retrouvés ici. »
Une
entrevue avec Albert Griffiths (qui devait former les Gladiators) donnera lieu
à Train to Skaville. Les Ethiopians s'introduisirent même dans le top 40 en
Angleterre ou les skinheads s’approprient la musique ska et ses relents
d’indépendance. En 1967, ils continuent avec Engine 54, Train of Glory ou Stay
Loose Mama, et le très percussif The Whip. Ils avaient trouvé comment
s'adresser au corps et à l'esprit tout à la fois, les saxophones réunis par
Dodd complétant de façon particulièrement excitante les injonctions de Dillon.
Everything
Crash, enregistré en 1968, critiquait la situation politique de l'époque,
évoquant le rationnement d'eau et les coupures d'électricité ; ainsi qu’un
incident pendant lequel 31 personnes furent tuées par la police. Reggae Power
(1969) et Woman Capture Man (1970) complètent cette suite fascinante. Stephen
Taylor se fit renverser par un camion dans la station-service où il
travaillait, ce qui marqua la fin d’un période de créativité faste pour le groupe.
Mais la hargne de Dillon donna encore l'excellent
Slave Call (1977), un tour de force pour lequel il recrute son propre groupe
Nyahbinghi. De Ethiopian National Anthem à Obeah Book, l'album tourne plus que
jamais autour des thèmes rastas. Le Let
It Be des Beatles y est réécrit comme un spiritual.
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