Parution | juin 2012 |
Label | Fat Possum |
Genre | Rock, Acoustique |
A écouter | Heaven, Heartbreaker, Love is Luck |
° | |
Qualités | élégant, communicatif |
La video officielle du morceau-titre de l’album, Heaven, est un rush à travers 10 années de la vie d’un groupe jeune et brouillon devenu l’un des plus élégants en activité. Au-delà des vestes bien taillées et des clichés sépia, la vidéo révèle autre chose ; sur cette multitude d’images défilantes, se sont toujours les mêmes visages, encore pas tout à fait adultes, et la seconde d’après, pères de famille (ils ont tous eu des enfants ces dernières années). Ce qui donne au groupe tant de classe, et qui produit l’attachement du spectateur à la vidéo et à la chanson, c’est le fait que les Walkmen soient restés les mêmes 5 personnes depuis leurs débuts discographiques en 2002. C’est une chose dont ils sont très fiers.
« Remember, remember/What we fight for.» scande le refrain de la même chanson comme pour célébrer leur union et leur force. La vidéo est accompagnée de commentaires très positifs quand à cette chanson, et c’est vrai qu’elle conjure la nonchalance New-Yorkaise pot-Strokes (un mirage, maintenant que presque tout le groupe a cessé de vivre à New-York) tout en illustrant entre ses grandes lignes mélodiques le thème de l’album ; le Walkmen est devenu papa. De quoi rendre Hamilton Leithauser plus attachant qu’il a jamais été – et il revient de loin, ses débuts le plaçant du côté des têtes à claques ayant un penchant pour les soirées arrosées. Parmi les commentaires de la vidéo, cette déclaration, accompagnée de 28 pouces levés : « Cette vidéo est si réconfortante. Nous n’avons pas beaucoup de mecs comme les Walkmen aujourd’hui, apprécions ce que nous avons. » Et c’est vrai, bien entendu.
Tout le monde aime les Walkmen, ou du moins a aimé l’une ou l’autre partie de leur carrière : celle de loups aux dents longues, plus ancrés dans l’immédiateté, avec Leithauser plongeant la plume dans le vinaigre à l’image de Bows and Arrows (2004) et son single The Rat ; ou celle, plus contemplative, texturée et temporelle entamée avec You and Me (2008) – sans doute l’album le plus impressionnant de leur carrière. L’accueil tiède de Lisbon (2010) ne devrait pas se reproduire avec Heaven : non qu’il soit meilleur, mais ceux qui ce sont rétractés ont eu le temps depuis de se faire au côté ‘carte postale’ des Walkmen, à apprécier comment ils assument leur imagerie sépia, à se rendre lorsque finalement, assis à une table de café devant un coucher de soleil, c’est la musique des Walkmen que l’on souhaite entendre. Heaven attaque Deus (avec Following Sea) sur le territoire de la bande-son de l’été.
La petite mélodie basse-guitares qui ouvrait Juveniles nous avait immédiatement séduits ; musicalement, We Can’t Be Beat, un doo-woop où l’on retrouve avec plaisir la voix de crooner d’Hamilton Leithauser (j’ai lu une comparaison de Leithauser avec Richard Hawley), renvoie plutôt à la longue introduction de Blue as Your Blood ; l’album prend son temps à s’émanciper. Mais déjà, cette façon de jouer en arpèges des accords simples mais jamais évidents, et ce son de guitare si chaleureux du groupe nous propulse en terrain connu et conquis. Heaven est essentiellement la suite naturelle de son prédécesseur. Parmi les que les nouveautés, la présence de Robin Pecknold, des Fleet Foxes, qui ne fait qu’affirmer cette filiation devinée entre le rock New-Yorkais et le folk plus doux de l’autre côte Américaine (les relations entre Sharon Van Etten et Justin Vernon le confirment). Un pas a été fait en termes de séduction et de partage. « Ce sont les bonnes années/les meilleures que nous connaîtrons jamais. », s’enthousiasme Leithauser sur Heartbreaker, une chanson dont le rayonnement pop se répand à tout l’album. Du fait d’écrire, Leithauser est sans doute celui qui porte le groupe au plus profond de son cœur, et on sent que ce moment de l’album constitue pour lui le pinacle des dernières années du groupe. C’est ensemble qu’ils ont ressenti le besoin, après un Lisbon plus tourné vers l’histoire intérieure des Walkmen, de proposer un disque ouvert à la participation collective, auquel chacun semble pouvoir, plus facilement associer son enthousiasme.
Le bluesy The Witch ou la power –pop de Love is Luck seront très appréciés en live ; alors peu importe que le plus rêveur Southern Heart ou le duo à l’ancienne avec Pecknold, No One Ever Sleep, ne soient pas joués dans ces conditions. L’écriture a progressé, ne se contentant pas de matraquer sur le thème du rêve comme parfois auparavant, mais capture des bribes de vie qui sont une façon de correspondre aux photographies bien réelles utilisées pour la promotion de l’album. Les souvenirs de Leithauser projettent une certaine mélancolie parfois typique de la country ou du bluegrass, avec toujours ce questionnement sur la pertinence et la place de l’artiste dans le monde contemporain (« listening to the country station and wondering where i stand »), tantôt plus proche de ce que pourrait chanter un vieil homme tel que Leonard Cohen dans Famous Blue Raincoat ("Tell me again how you lived all the men you were after"). A ce point, il ne faut pas oublier que les débuts turbulents du groupe ont laissé des albums chargés de rejet et de désespoir, et Heaven contient des moments plus mélancoliques ou amers, Love is Luck ou The Love you Love. La proximité à l’autre, la fidélité et la loyauté sont des sentiments exprimés tout au long de cette collection de chansons et il n’appartient qu’à l’auditeur de les laisser déteindre délicieusement sur lui.
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