Joanna Newsom a grandi à Nevada City, une ville de 3000 habitants héritière de la ruée sur l’or en Californie. De cette ville viennent aussi le compositeur Terry Riley, Howard Hersh et W. Jay Sydeman - et aussi Alela Diane, qui a rencontré un certain succès récemment avec To Be Still (2009).
Elle a commencé à jouer de la harpe à huit ans après avoir abandonné le piano (qui restera par la suite son deuxième instrument de prédilection). Sa mère se destinait à être pianiste de concert, son père est guitariste amateur et ses frères et sœur jouent de la batterie et du violoncelle ; il lui semblait naturel de s’intéresser à la musique, et de manière large, avec une affection et une passion qui vont vite en faire une musicienne talentueuse.
Elle a étudié les techniques Celtiques, Sénégalaises, Vénézuéliennes, Africaines et Américaines classiques pour son instrument. Elle a rapidement l’intention de devenir compositrice, tout en révélant bientôt un intérêt nouveau pour le folk et le bluegrass, ainsi que du punk et du jazz. Elle écoute à cette période Karen Dalton, Texas Gladden, Patti Smith et Billie Holiday. C’est ainsi qu’elle commence à chanter en s’accompagnant, non sans avoir auparavant composé quelques morceaux instrumentaux. La première chanson qu’elle composa, Walnut Whales, totalement exubérante, tomba par hasard dans l’oreille de Will Oldham, qui invita Joanna à rejoindre la tournée prévue le printemps 2002 ; elle se retrouva alors à ouvrir pour Devendra Banhart et Cat Power, deux artistes dont la renommée n’a fait que grandir. Que cette renommée ait aujourd’hui atteint la France est révélateur de l’importance du mouvement freak-folk, ou folk alternatif, qui agite l'ouest américain. Ces concerts donnèrent à l’artiste d’excellents retours de la presse nationale. Après le Walnut Whales EP, parut un autre EP, Yarn and Glue, avant que Joanna ne signe avec Drag City Records. La prochaine étape était donc d’enregistrer un album, ce qu’elle fit en 2004.
Joanna Newsom a trouvé matière dans le folk des années 60 – comme le suggère sa collaboration plus tardive avec Roy Harper - autant que dans le bluegrass actuel, plutôt que de reprendre les formules du folk contemporain. Ainsi vont ses inspirations. Mais son jeu unique et l’originalité même du choix de son instrument créent une délicatesse, une ferveur qui lui est propre et qui reflète complètement son identité ; Newsom est précieuse, gracieuse, charmeuse. Sa voix étrange, entre fée et sorcière, attire, fascine.
Lorsque Newsom écrit des chansons, elle jongle avec les objets comme elle le fait avec les époques et les styles ; la collection hétéroclite rassemblée pour The Milk-Eyed Mender rassemble entre autres os de baleines, mollusques, dents, ponts, ballons, hiboux, gallions en flammes, avec une ferveur enchanteresse et mystérieuse. Un disque est l'occasion d'assembler les artefacts de son imaginaire, d'opérer de son art à travers eux, à la manière d'une charmeuse d'autrefois. Son inspiration médiévale et sa grâce un peu désuète - au temps de Ys (2006) notamment - , lui donnent l’aspect d’un être hors du temps. Son travail est aussi caractérisé par son ambition et son ampleur, comme en témoigne son dernier triple disque, Have One One Me (2010). Elle semble aussi rechercher aujourd'hui à exprimer une sensualité plus classique.
Newsom considère le compositeur Ruth Crawford Seeger, artiste d’avant garde, comme une influence majeure, jonglant dans le registre folk entre forces d’expérimentation et belles mélodies. C’est toute une vision du monde, que Newsom nous fait revisiter, évoquant les objets de l’existence comme des bijoux, faisant montre d’une coquetterie dans le meilleur sens du terme – un tempérament protecteur de ce qui fait la vie, ses petites joies, servi par une innovation inédite – et avec Ys, son album suivant, elle ira encore bien plus loin, gagnant le mystique territoire de Stormcock, œuvre éternelle du génial Roy Harper, qu’elle rencontrera d’ailleurs – mais ceci est une autre histoire…
Sa carrière solo est une partie de son travail, mais Joanna Newsom est (ou a été) aussi contributrice au groupe de rock bruitiste Nervous Cop, et joue du synthétiseur avec Pleased, un groupe de San Francisco comparable à Blondie ou Television.