OO
élégant, doux-amer, lyrique
Indie folk, songwriter
Chronique écrite dan le cadre d'un article à paraître dans Trip Tips 26.
Il y a des gens
dans la vie qui sont plus doués pour explorer les failles humaines, les
fragilités, que pour vendre des appartements, travailler dans un commerce ou
dans une société quelconque. Par humilité, ils décident d’étudier ce qu’ils
connaissent le mieux : leur propre cas. Mais avec une petite astuce :
quand tu vas t’adresser à eux, ils te parleront à la deuxième personne, comme
si tout ce qu’ils ont traversé était applicable à toi. C’est le moyen qu’ils
ont trouvé pour se vendre.
Christopher Porterfield
s’attache à croire, et à nous persuader, que ce qu’il chante, c’est ce qu’éprouvent
beaucoup d’hommes autour de lui, qui peuvent ainsi se reconnaître dans sa
musique. Si c’est le cas, un artiste est vraiment aussi important qu’un
médecin, et la musique remplace les médicaments pour arrêter de boire, ou ce
genre de trucs. Il n’y a rien de maniéré chez Porterfield, mais c’est pourtant un
gentleman. Un rejeton issu du même moule que Justin Vernon de Bon Iver ou Phil
Cook de Megafaun, deux artistes indie folk qui ont remporté un grand succès
depuis le milieu des années 2000, tandis que Porterfield continuait de jouer
dans des endroits petits et vides et de faire les premières parties de ses acolytes.
La différence de poids, (un poids sur le cœur, mélancolique), c’est que
Porterfield mais l’accent sur les mots, sur la confidence plutôt que sur la
musique. Il ne ressemble pas aux plus ornementé des groupes indie-folk : d’ailleurs,
son ‘groupe’ change entièrement entre ce premier album et le suivant, Marigold
(2014) qui réinvente le mythe d’Icare Californien comme Bill Callahan a réinventé
le rider texan (Porterfield ne cache pas que son album favori entre tous, c’est
A River Ain’t Too Much to Love (2005)).
C’est une
musique très américaine, et pourtant, c’est cela d’une homme dans le dénuement
de la marche plutôt que de celui qui fait des distances à cheval. Porterfield a
pris sa vie en main à trente ans passés, saisissant selon lui le fait que le
moment était arrivé de ‘sauter dans le train’, et il trouve immédiatement un
équilibre exemplaire entre ce qui est personnel, ce à quoi on peut s’identifier,
en tant qu’auditeur et rêveur, ce qui est général, et ce qui est précis, comme
le souvenir de ce qui s’est passé la semaine dernière, mais transformé chose élégiaque.
Pour le reste, le simple fait d’avoir fait de son projet l’anagramme de son
propre nom en dit long. Il y a un peu de l’humour noir, aussi, de Bill
Callahan, un artiste auquel Porterfield mérite vraiment d’être comparé, et c’est
rare. Ses chansons sont faites pour vous mettre un peu mal à l’aise, mais la
brillance mélodique qui vous gagne sur Intercommunicado ou Circle drive, au cœur
de l’album, finit par vous conduire dans les endroits où vous avez toujours
rêvé d’être. Là, dans son aspect le plus émotionnel (‘Someday we do the best we
can’), il arrive qu’on pense aussi à Conor Oberst. Je ne sais pas pour ce
dernier, mais Porterfield doit encore écluser une jeunesse complexe et en partie
gâchée par la boisson et la solitude qui en découle.
Cette musique
prend une dimension cinématographique sur Chico the American. Il décrit des
psychés déphasées par la célébrité, plaque les avec une profonde assurance la
poésie humaniste sur le surréalisme d’un rêve, jusqu’à évoquer plus largement tous
ceux qui sont morts trop jeunes. L’un de ses héros, Jason Molina, en fait
partie. Les instruments sonnent jusqu’à la fin dans une isolation quasi spectrale.
La partie de synthétiseur qui parcourt tout l’album devient peu à peu inestimable.
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