OO
élégant, lyrique, doux-amer
indie folk, songwriter
La musique de
Field Report est tout de suite très américaine. La pedal steel, emblématique du
far west, de Marigolden a été enregistrée par Ben Lester dans un studio qui s’appelle
le Unicor Ranch, le ‘ranch de la licorne’, si on en doutait. C’est une Amérique
parfois spécifique, mais pas géographiquement délimitée.
Sur ce disque
qui a nécessité 10 mois de travail, la scène la plus horrible de l’album
survient lorsque le fils du sheriff, dont Christopher Porterfield souffrait la méchanceté quand il était jeune, se
suicide en se tirant une balle sur un green de golf. Il y a toujours cet
avertissement presque grinçant de ce que peut donner la vanité de pire. Ce sont
des situations de film policier données à la contemplation. Ce chanteur-là, que l’exigence lyrique place
dans les fleurons de l’indie folk américain, nous faits parfois penser à John Grant,
par sa façon aussi de suggérer qu’il n’a pas la moindre valeur tout en s’en
donnant une finalement, morale, triomphante. Sauf que les grands coups de
synthétiseurs de Pale Green Ghosts (2013) de ce dernier sont tenus ici par des
touches bien plus aériennes. La comparaison tient puisque John Grant est signé
aux Etats Unis sur Partisan Records, le même label que Field Report.
Hormis que tout
le groupe a changé depuis le premier album éponyme (2012) qui était comme le
grand saut que Porterfield s’autorisait enfin, après toutes ces années d’attente,
dans la poésie et l‘âme humaine, Marigolden sonne quasi pareil que son
prédécesseur. Les innovations électroniques ont été contenues dans un faux minimalisme,
assez vaste et détaillé, à l’image de Wings, la première chanson de la deuxième
face – puisque l’album est clairement structuré en side a/side b. C’est le
producteur de Feist aux manettes. Wings, c’est l’un de ces moments où la
musique devient aussi propre à Porterfield que les paroles, qui décrivent le
chanteur en Icare moderne. « Soaring close to god until his love melts my
wings and the emptiness of space smells like parafin and gasoline… » La chanson-titre a le dénuement et la
touche d’Americana suffisante pour entrer dans les clichés du Nebraska. Les paroles
sont, comme toujours, ce qui retourne le monde et semble nous le présenter dans
le bon sens pour la première fois. Les synthétiseurs qui sont devenus la marque
de fabrique de Field Report nous entrainent dans un flottement jusqu’à Michelle,
une chanson encore plus ambitieuse, bâtie autour de quatre couplets qui ne
laissent inexploré aucun recoin de la psyché. Porterfield est dans un élan qui
produirait des tragédies quasi antiques s’il transposait son sens narratif au
cinéma. Mais pour rester en termes musicaux, c’est comme si un Neil Young
affecté version Tonight’s the Night chantait dans les ambiances de Harvest
Moon. C’est une poésie si concrète,
presque agressive, qui se révèle après plusieurs écoutes, quand les moments apparemment
moins valeureux deviennent terriblement attachants au-delà de leur seule
élégance. Summons tient une note d’espoir et montre une tenue qui gravite
autour de la résilience. « If you fall in love again while i’ve been away… »
L’album, superbement construit,
commençait, ou presque, par “Le corps se
souvient de ce que l‘esprit a l’oublié” pour se terminer, ou presque, par le
retour à la maison d’un homme, qui, s’il n’est pas complètement palpable, est
moins malade qu’il aurait pu l’être.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire