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élégant, soigné,
Indie folk, orchestral
L’attente accumulée pendant les
quatre années qui ont suivi Tamer Animals semble avoir déboussolé les amateurs
du groupe, qui s’attendaient peut-être à ce que la tension cinématique de cet
album suscite un grand mouvement passant les codes et les mythologies de l’Amérique
rurale au filtre d’une élégance éperdue. S’il y a une confirmation, c’est qu’Other
Lives persistent dans l'élégance éperdue' et endossent l‘autre facette de l’homme , animal 'le mieux dressé' qui est de se laisser entraîner, dériver, divaguer. Ce n’est presque pas une
surprise, si, prêtant une oreille distraite à ce disque, il est si déroutant,
sans début ni fin.
En comparaison, Tamer Animals (et
son single hanté par l’ambition d’un personnage de cinéma, For 12), était
limpide dans son Americana, évoquant un western existentialiste. L’album marquait
la nécessité de choisir son camp, du point de vue musical et émotionnel. L’indie
folk ne contient chez Other Lives qu’un fil ténu de séduction et d’humour,
remplacés par une pleine mélancolie et une résignation passant par toutes les
teintes de l’ocre jaune du désert aux sépia de la poussière. Cet album-là, dû à
un quintet, décrivait leur vie dans l’Oklahoma. Le groupe a déménagé, emporté
leur talents multi-instrumentistes et leurs passions pour des musiques non ‘populaires’
– leur charme autant que leur malédiction - avec eux. Pour ce désormais trio, l’essentiel
était de rester centrés sur leur identité naturelle, définie par le mouvement,
l’ailleurs, l’homme en lui-même et confronté au grand dehors.
« I could never decide »
chante Jesse Tabish sur Beat Primal, une de ces mélopées explorant les
multiples facettes de l’Homme, comme dans une tentative de figer l’indicible
condition en une sculpture sonore de trois minutes et demie. Trois minutes et
demie dans un album de près d’une heure, et cette question : combien de
temps, cette fois, le groupe a-t-il pris pour choisir quelle musique
enregistrer, et comment superposer les strates si nombreuses qui sont leur
façon de faire – chaque chanson contenant par exemple entre 20 et 30 trames de
percussions différentes ? Le groupe tient son talent de la volonté d’utiliser
les sons comme des couleurs. C’est une contrainte qui peut donner des résultats
illimités. Décrivant ce nouvel album, Jesse Tabish l’a qualifié de vaste, étrange et multicolore – juste à l’image
de la pochette, tout semble propulsé à partir de couleurs primaires se mélangeant
en de longues traînées irisées. Dans une prouesse sous-estimée, ils plient une
narration grandiose en une transe d’ethnologie lyrique.
Il ne faut pas trop se laisser
happer par les profondeurs vertigineuses auxquelles nous convient le groupe et
les douze musiciens invités à apporter des arrangements gracieux à l’album. Chaque
chanson pourrait être définie par ce qu’elle tente de produire chez l’auditeur,
et ce qu’elle provoque vraiment. Fair Weather et Pattern ne semblent qu’un
avant-goût, puis vient la déclaration d’intention, Reconfiguration, qui dans sa
vidéo sublime le thème du duel - ou de la dualité. New Fog et 2 Pyramids, au cœur
de l’album, sont à chaque écoute une source d’émerveillement ; English
Summer et ses arpèges précieux rayonnent, puis For the Last et ces notes
évoquant celles de l’homme à l’harmonica dans Il était une Fois dans l’Ouest
donne une dimension presque grandiloquente à cette beauté. S’il fallait ne
retenir qu’une seul repère, on peut se saisir de l’affirmation de Tabish que
nous sommes des ‘créatures de rituel’ sur la chanson-titre à la fin, une réflexion
complémentaire à l’observation que nous ne sommes que les ‘animaux les mieux
dressés’ sur le précédent album. Quelques
repères de plus seront nécessaires pour pleinement profiter de cette œuvre foisonnante,
montrant un groupe à l’encontre des tendances, qui se laisse porter par sa
propre maestria.
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