“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

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vendredi 1 mai 2015

JIMBO MATHUS - Article (2015)

Version provisoire 

L'aventure musicale de Jimbo Mathus a commencé dans une tradition communautaire, dans un mélange de liberté et de destinée comme seuls les États-Unis en produisent. Et cela s'est prolongé jusqu'à ce qu'il rencontre sa compagne par le biais d'un guitariste, Matt Pierce – d'abord un ami, puis son beau frère. Après avoir réalisé que Jimbo Mathus et sa sœur «semblaient tous deux avoir besoin de quelqu'un dans leur vie », il donna le numéro de Jennifer Pierce à Mathus, le rockeur sudiste dont tous les musiciens dans la scène entendent désormais parler.
A cette époque, en 2004, sa sœur revenait d'Irlande, de retour en Arkansas, d'où leur famille était originaire. Dubitative quand Mathus l'a appelée, elle a fini par accepter qu'il vienne la rencontrer. « Il était prêt à conduire une heure et demie depuis chez lui dans le Mississippi jusqu'à Jonesboro, dans l'Arkansas. », reconnaît t-elle. « J'ai senti que je ne pouvais pas refuser ». Un jour d'été, ils partirent pêcher ensemble et attrapèrent une perche. Un mois plus tard ils étaient fiancés.

Affaire de famille

Toute l'historie est facile à imaginer, car Jimbo Mathus a tout du cow boy au grand cœur, un peu magicien, plus gentleman que cul terreux et cet acte d'union symbolique au travers deux états à l'identité forte ressemble à la passion qu'il a mise à fusionner des musiques de traditions un peu défiantes les unes envers les autres. Mathus connaît le sud, de la Caroline ou il a passé une dizaine d'années, jusqu'au Mississippi – il possède un studio à Clarksdale, un haut lieu du blues du delta, une ville à moitié abandonnée par l’Amérique moderne, loin du musée qu'est devenu Memphis. Désormais, il parle de lui comme le 'gendre de l'Arkansas. Des musiciens de cet état et du Tennessee composent The Tri-State Coalition, le groupe le plus important de sa carrière.
L'importance du lien communautaire, dans ces cultures traditionnelles, n'est pas à prendre à la légère. Un homme va d'apprentissages en renaissances artistiques à travers le soutien de sa famille élargie, un cercle de relations privilégiées qui reste protégé par des principes. Même si de généreux donateurs issus de campagnes Kickstarter, peuvent aussi être invités à passer un bon moment dans un bouge du Mississippi ou Jimbo Mathus a ses habitudes, la règle, c'est pas de business. «C'est une affaire de famille. Quand j'ai commencé, pour tous ceux avec qui je jouais, mes oncles, mes cousins, et mon propre père, la musique était un hobby. C'était une passion pourtant prise au sérieux, mais tous avaient d'autres jobs. Je n'ai pas joué de façon professionnelle jusqu'à ma vingtaine. L'argent n'a jamais eu de place dans ma philosophie. C'était une chose qu'on faisait car c'était fun, cela permettrait de se joindre à d'autres gens, de faire jouer la communauté. C'est la chose la plus importante que j'ai apprise. Les autres m'ont enseigné différentes techniques que j'ai prises en compte, que j'ai tenté d'émuler ou de appréhender, mais je suis très patient à ce sujet. Ca va me prendre 10 ou 15 ans pour comprendre comment marche la musique de Charley Patton t ça ne me pose pas de problème. Je n'ai aucun besoin de me me mettre à le copier comme ça.

Traducteur du blues

Charley Patton, considéré comme un fondateur du delta blues, dès les années 1910, et Jimbo Mathus, c'est aussi pratiquement une histoire de famille. Un peu comme s'il évoquait son grand père. C'est ce que reporte une interview rare de l'intéressé par le webzine Early Blues1 (interview exceptionnellement protégée par les droit d'auteur, ce qui est rafraîchissant sur Internet). Oui, alors la fille de Charley Patton était la nounou de Mathus. « Elle était très pieuse ne parlait jamais de son père, qui était musicien, errant dans les maisons de jeu, les maisons closes, consommait de l'alcool, les petites salles, qui est mort tôt (à 43 ans). Elle n'aurait jamais, jamais envisagé d'évoquer ça car pour elle c'était littéralement la musique du diable, elle allait à l'église Pleasant Valley Baptist Church à Duncan, dans le Mississippi, et ainsi ce n'est pas avant le milieu des année 1990, juste avant le disque que j'ai enregistré, Play Songs for Rosetta (1997), qu'elle a été redécouverte comme étant la fille de Charley Patton. Tout ça à cause d'un petit label japonais qui la recherchait pour lui reverser des royalties dues à l'utilisation de la musique de son père. » Pour Mathus la découverte que sa nounou ait pu être la fille d'un célèbre musicien de blues va être un choc, et lui donner l'envie de jouer cette musique blues, de participer à des improvisations fécondes en public, comme si la bienfaisance fortuite de la vieille femme Noire à son égard pendant tant d'années, elle qui faisait partie de la famille, qui avait gagné sa place au sein de la sacro-sainte communauté, lui avait donné le courage d'incarner, lui un Blanc, cette culture qu'il pensait réservée à d'autres, aux Noirs.
La mort de Rosetta Patton coïncide avec le début de sa collaboration avec Buddy Guy pendant les quatre prochaines années. Et en particulier sur le moite Sweet Tea (2001) bien inspiré par le blues de Junior Kimbrough, un parangon du blues du delta. Mathus sera non seulement crédité à la guitare mais comme 'traducteur' du blues plus charnu habituellement prisé par Buddy Guy en blues rythmique lancinant et affecté. Le percussionniste Spam, partenaire du bluesman local T Model Ford (1920 - 2013), et l'inspiration laissée chez Jimbo Mathus par des amis comme Robert Belfour (1940 - 2015) contribuent à en faire de cet album une anomalie dans le catalogue du Guy. Junior Kimbrough avait par ailleurs fait paraître certains de ces plus célèbres disques sur Fat Possum, le label que rejoindra plus tard Jimbo Mathus, mais c'est une consécration tellement logique pour celui qui a produit des musiciens et enregistré tant de musique dans la passion du blues local c'est presque anecdotique. La rencontre de Jimbo Mathus avec les fameux Luther et Jim Dickinson (The Black Crowes – The Nort Mississippi Allstars...), démarre un autre pan de sa carrière, en solo, pour assumer pleinement ses passions et rendre autant qu'il a reçu. Ainsi le courage de Mathus vient du blues, mais sa musique ne va cesser d'habiter différents genres caractérisée par sa versatilité, son côté ludique et sa générosité.

Le dernier des troubadours

Après Jimmy the Kid (2009), la grande force des albums de Jimbo Mathus (quels que soient les musiciens qui l'entourent, c'est d'aborder des styles variés et de produire des séquences qui ne lassent jamais l'auditeur. Ce qu'on pourrait reprocher aux albums à la belle écriture de John Moreland, par exemple, leur monochromie, ne viendra jamais à l'esprit en écoutant des disques qui se bâtissent sur les points forts accumulés dans divers domaines. La ballade country (le mieux représenté par Tennessee Walker Mare, une chanson ou se mêlent la tradition country de Memphis et la poésie pastorale), puis dans la soul sudiste, le rythm and blues et le rock and roll qui a des accointances avec les Rolling Stones période Sticky Fingers ou Some Girls. La facilité avec laquelle Mathus convoque les genres reste une source d'admiration pour ceux qui le connaissent le mieux.
Du côté de l'Arkansas encore, un de ces amis là bas, sacré 'meilleur guitariste de l'état' par l'Arkansas Times2 en 2012, Greg Spradlin, dit de lui qu'il est 'le dernier des troubadours du Mississippi'. Un entertainner plongé dans les traditions musicales avec tant de malice et de fougue qu'il bluffe tout le monde, et même le producteur mythique Jim Dickinson, faisant de lui 'la voix de Huckleberry Finn', en référence au personnage de Mark Twain. Contrairement à celle de son alter-ego de fiction, ses salopettes et vestes en jean sont toujours impeccables.
Imaginer Jimbo Mathus comme un homme enfant remontant puis descendant éternellement le grand fleuve pour revivre des aventures naïves sans un sou en poche est une vision réconfortante, et peut-être fondée. Encore et encore, les journalistes renvoient Mathus à ses souvenirs d'enfance, mais c'est lié à la façon dont sa musique toujours printanière fait appel à ses souvenirs. « Les jours idylliques de la jeunesse, l'eau claire de la White River, les belles truites que nous attrapions en abondance, les gens exotiques et étranges de la montagne et la musique – de vieilles femmes jouant et portant des capelines, les danses sur les scènes en contre-plaqué dans les douces soirées d'été, proches du tribunal, les petites amourettes dans les buissons et le square, les dulcimers, les banjos et les violons qu'on entendait dans tout le pays. »
En choisissant les dix chansons qui constituent White Buffalo (2013), Mathus se comporte exactement comme le jeune homme qu'il fut, sur le point de se rendre pour la première fois au festival folk de Mountain View, dans le nord de l'Arkansas, un lieu réputé pour préserver l'héritage musical des Ozark Mountains. Pour info, le comté de Stone County est un 'dry county' – toute vente de boisson alcoolisée est interdite. Drôle d'endroit pour un festival, et les subtilités des lois locales devaient ajouter à l'ambiance si particulière du lieu. Une matriarche locale se souvient d'un 'petit garçon maigrelet qui s'est hissé sur une souche et a joué Fox on the Run (une chanson composée par le groupe anglais Manfred Mann en 1968 et reprise par le chanteur country Tom T Hall). L'année suivante, il revint avec beaucoup d'autres chansons.
Sur White Buffalo, Jimbo Mathus formalise un peu plus son envie d'aventure, exacerbant son côté pirate à l'abordage des galions du golfe du Mexique qui transitent les styles musicaux. « Le mélange, c'est le vrai truc du sud. Regarder là où le Noir et le Blanc se croisent, où la country et le blues se rencontrent, où la hillbilly entre en jeu – là où l'âme devient immortelle. C'est ce que je veux entendre, c'est ainsi que je veux m'entendre, pour toujours, pour le meilleur et pour le pire. » On imagine des pavillons battant de ces slogans fédérateurs.
C'est dans le paradoxe qu'il est permis à l'artiste sudiste d'avancer. Mathus a poussé ce paradoxe jusqu'à appeler Confederate Buddha le tout premier album enregistré avec le Tri-State Coalition. « Si vous écoutez la musique, vous allez comprendre. Un confédéré une un rebelle anarchiste, et le Buddha est un symbole de paix. »

Odes et légendes du territoire

De l’aveu de Jimbo Mathus, White Buffalo marquait un nouveau départ dans sa carrière déjà riche en sauts d'écureuil et grimpées le long des branches. C'est l'album qui a révélé Mathus à un plus large public à l'approche de la cinquantaine, et qui marque le début de sa collaboration avec Eric "Roscoe" Ambel, dont le rôle auprès des fougueux musiciens du Tri State Coalition ressemble à celui d'un rider en peine épreuve de rodéo. En proposant d'ajouter des claviers, il a nuancé un son jusque là dominé par la guitare télécaster. Comme arrangeur, Ambel va révéler les chansons à elles-mêmes. Il est aussi le premier témoin des avancées de Mathus en temps qu'artiste. « Il a un charisme électrique et croit à chaque mot qu'il chante et à chaque note qu'il joue. »
Parfois, comme sur la chanson titre de White Buffalo, c'est l'occasion de tout lâcher, en apparence ; mais on se rend compte que l'ensemble de l'album est ciselé et ne dure d'ailleurs pas plus longtemps qu'un disque des Stones ou des Beatles sorti en 1963. Tout l'art de Mathus est de quand même ménager des moments d'émotion et, presque, de recueillement puisqu'il tenait à ce qu'il y ait de nombreuses harmonies sur cet album. Les sentiments attrapés là, observations culturelles et mythologies inabouties, sont dépeintes en phrases simples et métaphores presque simplistes, comme cette assertion que cette femme 'aurait du être un diamant' sur Poor Lost Souls (à ne pas confondre avec la chanson du fabuleux James McMurtry). Cette métaphore reviendra dans Shine Like a Diamond, une merveilleuse chanson pop, l'année suivante. Il faut reconnaître que la légèreté et la candeur sont partout parfaitement dosées.
Le découvrir avec Dark Night of the Soul, son album suivant, était impressionnant. Le musicien un peu vaudou figurant sur la pochette ne choisit pas de disparaître dans un nuage d'herbes et de présages, mais apparaît plus enclin à écrire et même à inspirer des chansons (plus de 40 ont servi de base à l'album) qu'il incarnera à sa façon particulièrement intense.
Peut-être est-ce le fait d'avoir travaillé avec Valerie June sur Pushing Against a Stone, mais Mathus devient plus percutant lorsqu'il prend le chemin d'une rédemption sur Writing Spider. En quelques minutes d'éblouissement, enfin seul avec ce dieu si cher aux américains, quand ils finissent par entrer dans l'âge adulte. « Certains disent que Jesus est la réponse. Que c'est Jesus qui peut vous libérer. Je ne vais pas affirmer ou infirmer. Il a pris la faute pour tout, même le pêché originel. J'ai pris la faute tellement de fois sur des problèmes que j'avais. Mais j'ai relativisé... Personne n'a demandé à naître, à se trouver là. Je ne fais que regarder cette araignée, tisser son histoire sur le mur. » Est-ce que ce sont vraiment les paroles de la chanson ? Ou le fruit d'une énième conversation que notre journaliste est allé attraper, en bon samaritain musical, pour donner des allures de pasteur à notre Huckleberry Finn, qui n'a jamais été très pressé de rejoindre la messe ?
Les odes et les légendes du territoire sont évoqués sur deux grandes chansons écrites avec Robert Earl Reed, comme lui élevé dans les nuits étranges ou les aboiements des chiens se mêlent au chant des cigales dans la moiteur de Louisiane. Le second album de Reed, Something Wicked, est paru en 2012, révélant des qualités d’envoûtement qui lui ont valu des comparaisons avec le révérend Nick Cave, ou dans d'autres moments, avec Townes Van Zandt. Les paroles de la chanson titre, Something Wicked, sont aussi celles d'In the Garden sur White Buffalo. Enfin, pour être sûr que ces deux là s'entendent, il n'y a qu'à voir aussi la vidéo qu'ils ont fabriquée ensemble pour Run Devil Run, une chanson psychédélique en diable. Reed y est pour beaucoup, soupçonne t-on, dans la veine cathartique de la musique de Mathus.
Dark Night of the Soul joue la rédemption façon vaudou, et restera un sommet d'intensité dans la carrière de Mathus. Il faut revenir à la chanson titre, où la prise de voix sonne tellement juste et nuancée qu’on garde à chaque fois l’impression que Mathus la chante de nouveau pour nous. La puissance épique de White Angel, le groove marécageux et accrocheur de Fire in the Canebrake ou la fureur de Burn the Ships, qui fait ressembler son groupe au Crazy Horse (la même lâche intensité) sont des moments qui ne s'oublient pas de sitôt. Et à aucun instant on ne perd de vue que l'action se situe dans le delta, nourricier en diable.

Barbecue

Il y a eut-être un livre qui commence ainsi : il n'y a rien de mieux que d'inviter des amis dans beau soir d'été et tandis que la bonne compagnie et les boissons fraîches sont toujours ça de pris, la véritable raison pour se retrouver à un barbecue est simple : la nourriture. De la poitrine de bœuf braisée, des lamelles de porc badigeonné de sucre brun, de poudre de chili, de cumin et de cannelle (sur un lit d’ail et d'oignon et couvert d'un bouillon de poulet), brats (saucisses à hots-dogs), sans parler du poisson-chat. Si on veut parler d'une musique, quand elle prend la dimension festive, en plus d'être incantatoire, on ne peut pas passer à côté d'évoquer l'un de ces barbecues dont les effluves de grillade, de graisse et d'épices s'immiscent dans la culture et dans la création. D'ailleurs, c'est une critique de Blue Healer (2015) qui contient cet éloge au barbecue. En ajoutant avec humour, 'même la salade de quinoa ramenée pas notre copain végétarien remporte toujours quelque succès.' Reste à trouver la place pour le menu végétarien dans un disque aussi charnel que Blue Healer, qui, lorsque il n'évoque pas les tourments de la chair, se tourne vers les esprits et les drogues dures plutôt que la verdure.
Dark Night of The Soul était l'album le plus intense de sa carrière, poussant parfois le chanteur dans ses retranchements, pour notre plaisir, et l'obligeant à chanter mieux que jamais. Sur Blue Healer, les moments de rock intenses prennent davantage l'air de célébrations musicales comparables à ce que déroule Bruce Springsteen en concert. L'essence et la personnalité se dissipent un peu au service du muscle et de l’élasticité, mais rien d'étonnant puisque ce n'est strictement le Tri-State Coalition qui joue, mais un cercle d'amis plus large au fur et à mesure que Mathus étend sa palette jusqu'aux limites du rock mainstream.
Si vous voulez comprendre ce que les américains appellent un groove profond, une définition possible est de prendre la chanson titre de cet album. Elle pose une ambiance poisseuse à souhait, la voix de Mathus comme altérée par l'alcool et la peur, avec un narrateur visité dans son lit par un ange un peu sorcière. Fallen Angel, Whispering in the Wings, White Angel, ce n'est pas la première fois qu'il y a un ange au tableau. Les influences surnaturelles sont aussi l'ingrédient d'une bonne chanson, une façon imagée à l'extrême de décrire les émois de l'âme.
Mama Please est une nouvelle collaboration avec Robert Earl Reed, qui en a enregistré, comme souvent, sa propre version bien plus roots. Il leur offre avec Thank You et Coyote, les évocations les plus profondes de l'alum sans plomber son propos de trop de sentiment. Love and Affection est chantée sur un ton léger que le titre ne pourrait le laisser penser. Les choeurs, tiré des meilleures traditions rythm and blues et pop, son bien présents.

Une leçon pour Mathus

On a cité Delaney & Bonnie. Un disque comme celui de Dickey Betts et sa pop sudiste pulpeuse est aussi un point de repère. Jimbo Mathus réussit l'exploit d'être das une sphère bien à lui, parce qu'il met avec tant la vigueur de ses propres compostions en avant, capable de faire table rase de son passé au sein du rétro jazz band des Squirrel Nut Zippers pour s'offrir une ferveur libératrice. Peut être qu'il évoque un aigle du sud tel que Richard « Dickey » Betts, mais aussi la lucidité d'un mec comme Jerry Garcia du Grateful Dead. « Vous savez, fit celui-ci en 1989 à un journaliste de Melody Maker, le business de la musique, c'est comme les ventes de tapis. » The Grateful Dead l'ont aussi toujours vu, le business, comme une famille élargie.
Drôle, mais en 1989, Jerry Garcia avait l'âge de Mathus en 2015. Et le rencontrer à la sortie d'une salle de concert de San Francisco, c'était exactement le genre d'histoire qu'il manque à la légende encore en devenir de Mathus. « Il semblait perpétuellement rire sous cape, pouffer dans son halo chaleureux de fumée de cigarette, totalement à l'aise avec sa légende mais aussi un peu ahuri par l'absurdité de celle-ci. Il jouait de la guitare. C'était sa philosophie. Mais si certains choisirent de l'élire comme une sorte de leader de sa génération, il n'était pas prêt à tourner le dos aux opportunités qui allaient avec l'endroit où il vivait. Ni, en ce sens, les pièges qui allaient avec la célébrité. » A l'époque à San Francisco, il était sans doute difficile d'être pris au sérieux plutôt que pour un imbécile hippie, comme aujourd'hui en Arkansas, il est difficile de ne pas passer pour un rétrograde. Une leçon pour Mathus : ce qu'il faut, c'est tenter de pousser la musique toujours plus loin, par interaction avec sa chimie personnelle. Ne pas jouer pour un monde figé et replié sur ses guerres passées, mais jouer à créer son propre mythe culturel pour les enfants d'aujourd'hui, qu'il puissent dire, comme avec le Grateful Dead : « Tu te souviens de quand on a essayé d'aller à ce concert du Tri-State Coalition et on a crevé deux pneus, et nous avons du faire du stop jusqu'à Mountain View... »
Ce qui compte, assume le journaliste, c'est d'avoir non seulement une interview, mais une vraie conversation avec l'artiste. S'il est suffisamment honnête (et ne parle pas de politique), il ne comprendra jamais pourquoi on veuille s'en prendre à lui. Si en plus il parvient à affûter sa musique jusqu'à en faire un véhicule rutilant et sincère, comme celle de Jimbo Mathus, il n'y a presque plus besoin de rencontrer l'artiste pour avoir l'impression d'un véritable échange de conscience. Au moins jusqu'à ce que les matières politiques soient évoquées. Mais dans un coin du pays où la famille et la communauté ont une telle place, il est permis d'espérer que l'humilité soit toujours le meilleur moyen de faire du monde un meilleur endroit. Il n'est sûrement pas venu le temps pour Mathus de s'assurer que Jerry Garcia voit bien des anges là où il se trouve.

1http://www.earlyblues.com/Interview%20-%20Jimbo%20Mathus.htm

2http://www.arktimes.com/arkansas/the-revival-of-greg-spradlin/Content?oid=2568662

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