O
rugueux, ambigu
Garage rock, grunge
Son
modèle le plus évident, Stephen Malkmus, a touché le sublime en
groupe, avec Pavement, pendant la décennie brutale des 90's. Puis quand ç'a été fini, il a formé un autre groupe, appelant ce qui ressemble à de vieux amis à jouer les chefs scouts de l'indie rock. Jusqu'à un Mirror Traffic (2011) faisant rimer déconne avec élégance. Un groupe qui devrait le faire parvenir à ses 50 ans, en 2016, sans que le canoë ne soit percé. Quand on voit Sadie Dupuis jouer les démos de chansons qui s'appellent Shine Theory ou Um Are (“I'm gonna get old and weird”) sur You Tube, on imagine qu'il est encore encore loin le temps où elle affirmera son talent en montant seule sur scène. C'est pourtant dans ces versions introverties d'elle-même que germe la singularité de ses groupes à venir : Quilty puis Speedy Ortiz. Sa voix s'enroule autour de la guitare, unique, toujours en recherche d'un mot différent, jamais entendu ailleurs.
Pourquoi
as-tu décidé de passer de la carrière solo au travail en groupe ?
Comment s'est faite la transition ?
Sadie
Dupuis : Je suis très anxieuse quand je joue en solo, ainsi j'ai
demandé à quelques amis – Mat, Mike et Darl – de m'aider à
jouer les chansons de mon projet solo tandis que Quilty, le groupe
qui occupait tout mon temps jusque-là, s'est mis en pause. Nous nous
sommes sentis bien ensemble, avons commencé à travailler les
chansons, et maintenant tous son investis autant que moi. Ca n'a pas
été une 'transition', car j'étais déjà habituée aux groupes.
Je suis vraiment nulle quand je suis seule, c'est pourquoi je refuse
quasiment toujours de jouer de cette façon, et je n'ai jamais joué
solo sous le nom de Speedy Ortiz, à part sur les premières démos.
Lorsqu'un
chanteur capable d'écrire des paroles percutantes et sincères se
met à les interpréter dans un style aride, sans fioritures, une
vague d'engouement souterrain peut avoir envie de s'aliéner et d'en
faire un porte-parole. Encore à l'heure où on fête les 20 ans du
MTV Unplugged (Nirvana, concert clef de 1993). Cheveux noirs, nez
aquilin, yeux étranges et clairs, piercing dans la narine et
sourire timide facile à interpréter de travers, Dupuis est de ces
fragiles qui, quoi qu'ils fassent, donnent l'impression de se moquer
superbement des conformités. Et séduisent contre le gré. C'est
presque malheureux qu'elle ait trouvé Darl Ferm à la basse, Matt
Robidoux à la guitare et Mike Falcone à la batterie – de faux
glandeurs dans le plus pur style grunge, à l'air post-adolescent
inoffensif mais en réalité assez destructeurs et lourdingues pour
surprendre lors des concerts. Sous la coupe de Dupuis, les
différences entre ces concerts et l'album accrocheur qui les
affirmera on parfaitement été comprises - la production et les
mélodies.
Votre son est neuf, mais aussi familier, évoquant les années 90. Comment avez vous trouvé l'équilibre entre les deux, gardé votre originalité ?
S.D
: Je ne pense pas à une décennie particulière quand j'écris les
chansons, c'est seulement des mélodies et les arrangements qui me
viennent en tête. Je pense que la production que nous favorisons –
la voix sèche, l'alternance de guitares calmes et puissantes –
peut ressembler à un plongeon dans le passé, par rapport à ce que
les gens ont l'habitude d'entendre aujourd'hui, avec toute cette
réverb, et où la guitare et les voix ne se distinguent plus. Très
peu pour moi. Il fallait un son qui me corresponde.”
Les
paroles viennent de l'association de mots en désordre qui sonnent
bien. Une confusion complaisante qui se reflète dans ce qu'elles
racontent : ces relations d'université qui traînent comme sur un
accord tacite, ces ex qui continuent de vous jeter des regards durs,
à se raccrocher à des sentiments fugueurs, qui d'une phrase à
l'autre suscite la détestation comme la complicité. Cette façon de
prolonger l'âge des premières frustrations est la meilleure façon
de ne pas le remplacer par une vie d'adulte moins ambigüe. “Kids
keep trading spectre stories just to keep each other horny” Sadie
Dupuis pousse sa voix dans ses meilleurs retranchements, avec l'aide
de la puissance nonchalante de son groupe. Elle sait paraître
simultanément fragile et condescendante, reproduisant l'enfermement
de l'adolescente abandonnée par la seule personne de l'école qui la
comprenait, comme dans No Below : “Freezing alone with my
thoughts”. Cela fait froid dans le dos d'imaginer que dans ces
chansons, il y a un remerciement derrière chaque reproche.
Extraits d'interview
traduites depuis
http://thefiddleback.com/issue-items/an-interview-with-speedy-ortiz#sthash.lFmoVPb3.dpuf