OO
attachant, ludique, intense
indie rock
La
musique, c’est beaucoup d’émotions et peu de mots. Ecrire dessus
est comme danser sur son architecture. Mais Heureusement, Gareth
lâche toujours au cours d’un album suffisamment de phrases pour
construire un pendant solide à une chronique verbeuse.
Gareth, le chanteur
et parolier de Los Campesinos a fait part de son « admiration »
pour une chanson comme Sex on Fire, de King of Leon. « C'est
super de pouvoir écrire des paroles aussi simplistes, qui peuvent
être chantées après une seule écoute. Même si je n'ai aucune
idée de ce que ça raconte. » La chanson des Kings of Leon,
démonstration d'urgence émotionnelle et sexuelle pour stades, n'a
pas d'intérêt. Celles de Los Campesinos, réputées pour leur
richesse mélodique et verbale, y arrivent bien mieux. Le groupe de
gallois n'a pas le genre de crise d'identité qui semble frapper la
majorité des groupes Britanniques après deux albums. Ils ont tenu
la ligne, guidés par un précepte : toujours rechercher la
rédemption amoureuse et y aller avec le cœur, même s'il passent
encore pour des étudiants qui ont décidé de faire carrière dans
la musique. Gareth sait que le rock, c'est raconter des histoires, en
filigrane, non sur une chanson, mais dans le cours du temps.
La chanson est un
rite de recommencement éternel, encapsuler le plus possible
d’énergie vitale, faire souffler le chaud et le froid, se fondre
dans le quotidien, montrer habilement combien il est absurde, voire
futile, de le chanter, tout en étant forcé de reconnaître que
c'est ce qu'on fait. Gareth y parvient à merveille. Il sait faire
venir au souvenir les choses entreprises et jamais terminées.
L’album est un rite architecturé, une construction qui nous permet
de reprendre les choses abandonnées là où les avait laissées.
Dans le cas des Campesinos, à peine cinq ans se sont écoulés entre
leurs premières chansons, sur l'album 'jeune' Hold on Youngster' et
celui ci. On a la sensation que les 'choses' ne sont jamais laissées
de côté : entre Romance is Boring (2010) et celui-ci, c'est à
peine si l'écume d'une vague a pu se retirer de la plage. Gareth n'a
encore que 27 ans, et il décrit dans Let it Spill sa vie comme une
boule de neige qui se transformera en avalanche.
On pourrait penser
qu'une bonne chanson ne nous permet jamais de reprendre notre état
d'esprit d'avant. Mais Gareth chante «toi et moi nous sommes de la
tautologie », c'est à dire le 'caractère redondant d'une
proposition dont la conclusion énonce une vérité déjà contenue
dans le point de départ'.
Les chances
d'évolution existent pourtant. Los Campesinos, c'est avant tout
continuer à dispenser l'énergie et l'urgence, améliorer la
relation entre la musique puissante, riche et astucieuse et les mots
qui tiennent l'ensemble. Hello Sadness (2011), manquait un peu de
cette énergie qui donne à leurs albums, aussi produits soient
t-ils, une fraîcheur et une respiration qui nous encouragent à y
revenir et à y déceler les jeux d'esprit, fougueux comme la vie,
placés partout par Gareth. Il a ses règles : qu'il y ait
toujours une « fille » pour réévaluer sa position,
l'état de son désir, sa place au sein d'une génération dans
laquelle c'est difficile d'être un artiste sans ne faire que
chroniquer son impression de décalage. « Chérie j'ai envie
d'apprendre/on m'a regardé comme une grappe de raisin pourrie quand
vous autres buviez du sauternes. »
Boire, manger, se
retrouver avec ses amis, les plaisirs du quotidien semblent toujours
décrits dans les chansons de Los Campesinos pour faire ressortir une
mélancolie, une envie de changement, ce que Gareth décrit en 2013
comme une lueur d'espoir permanente dans toutes les chansons du
groupe, même si quand on les 'étudie' – c'est à cette fin que No
Blues a été pensé, soigneusement – elles paraissent désespérées.
Gareth et le groupe s’amusent avec la mélancolie frivole, donc
subtile. Autre règle : à chaque chaque fois que la fille de
la chanson fait un geste significatif, le chanteur en fait deux.
C'est pourquoi l'album est aussi alerte.
Légèrement plus
intense et, n'ayons pas peur des mots, plus épique que es autres –
ce caractère étant donné par un choeur de cheerleaders, Avocado
Baby (facilement l'une des meilleures chansons du groupe jusque ici)
relance l'album, mais il s'en fallait de peu pour que toutes les
chansons aient chacune à leur tour le rôle de Wake Up sur le
premier album d'Arcade Fire ; celui de culminer, avec une sens
de la grandeur et la finalité d'une déclaration d'intention. Celui
de provoquer cette poussée émotionnelle particulière qui les
démarque au sein d'un album.
What Death Leaves Behind le fait avec
ses images de crémation et de barbecue, rejoignant l'adage scout 'il
n'y a pas de fumée sans feu' ; Cemetery Gaits le fait en se
proposant comme le parfait embrasement de concert ; Glue Me,
plus calme, en faisant mijoter l'art du jeu de mots à un point
encore jamais atteint par Gareth jusqu'ici. Elle rappelle que la
raison d'être de No Blues c'est le langage et l'humour. Le final
Selling Rope (Swan Dive to the Estuary) montre aussi qu'avec un peu
moins de mots, mais des mots faits pour emporter chez soi, Los
Campesinos prennent pour nous le sens qu'ils eut successivement pour
Aleksandra, Ellen, Gareth, Harriet, Neil, Ollie et Tom dans leurs
vies.
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