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mardi 9 février 2016

SCOTT WALKER - Bish Bosh (2012)






OOO
Audacieux, sombre, expérimental
Songwriter

Scott Walker est de retour ! Et il n'a jamais aussi bien chanté ! C'est ainsi que j'ai ressenti l'arrivée de cet album, paru dans la 70 ème année de son créateur. Il est vrai que de tout temps, le moyen le plus innocent de faire écouter Scott Walker à ceux qui ne le connaissent pas est de vanter sa voix. Mais avec Bish Bosh cela ne fonctionnera pas complètement. 

Qu'est ce qui est le plus beau chez Scott Walker ? Ce n'est pas la question qu'on se pose le plus souvent le concernant, du moins depuis sa tétralogie d'albums remontant aux années 60. Ce serait plutôt : le plus déconcertant. La pochette de Tilt ? Les images du clip où s'orchestre un ballet étrange de créatures et de personnages. Bien la pochette de Tilt ou les images de la vidéo représentent la même chose, comme il est de rigueur dans un art totalement absorbé à la tâche. Il y a là un jeu de masques funèbres, pour celui qui met, dans ses chansons, les masques mortuaires aux dictateurs et traces les contours d'une silhouette humaine à la peinture fraîche. Méticuleusement construite, son œuvre l'a conduit avec Bish Bosh à enregistrer sur une période de plusieurs mois, dans des conditions compliquées. 

Les chansons de Bish Bosh finissent par capter notre attention parce qu'elles se révèlent plus immédiates que prévu, même Corps de Blah, malgré ses dix minutes, ce qui est un tour de force. Walker multiplie les éléments permettant à l'auditeur de se repositionner, se rassurer, de se dire, je reconnais là quelque chose qui a déjà été fait ailleurs. Arrivé sur le cosmologique SDSS14+13B (Zercon, a Flagpole Sitter), on est pleinement entrés dans le domaine du divertissement de haute qualité. Peu importe les métaphores, Bish Bosh nous fascine par la cadence qu'il impose, les moments de silence et les indications qu'il semble nous donner, entre temps, pour nous aguerrir. Arrive Epizootics, et nous sommes en ordre de bataille. Si la séduction sonore est à l’œuvre sur Bish Bosh, sa charge émotionnelle est inattendue. Elle survient surtout avec The Day The « Conducador » Died, une chanson à propos des derniers jours d'un dictateur, sujet de prédilection de Walker. L'album se termine ainsi sur une version de Jingle Bells. 

Les pistes pour ramener tous les narrateurs de Bish Bosh à un seul ne seront jamais refermées, tant il ouvre de possibilités et transforme les chambres cinématographiques en vastes étendues virtuellement impossibles à figurer. «Si la merde était de la musique, tu seras un brass band ! » assène t-il dans un ostentatoire moment de solitude humoristique, ressemblant à ce que dirait Ignatius, le héros de la Conjuration des Imbéciles. S'il était un auteur de bande dessinée, Scott Walker en serait aussi le personnage. Ce serait Chester Brown dans 23 Prostituées. En fait, dire que tout cela est drôle en retire tout l'humour, comme si j'aspirais la moelle des os avant de vous les donner. Nous sommes contents d'adopter là un esprit canin, éprouvant un seul sentiment, une seule pensée à la fois, car l'écoute de Scott Walker ne permet pas autre chose : elle accapare nos sens. 

Imaginez, maintenant, qu'on s'amuse à rendre la musique de Bish Bosh en envoyant des tweets pour transmettre notre enthousiasme à chaque nouveau détail amusant ou glaçant que contiennent ses chansons. Dans monde sans concentration, de commentaire continu, où tout est partagé avant d'avoir existé, où la création est rendue impossible par la parole et l'écriture de messages ininterrompus et inutiles via les nouvelle technologies, Scott Walker est une plongée dans un monde qui n'est pas effrayant, mais réconfortant. Réconfortant de voir ce que la pensée affûtée peut encore créer, quand elle est libérée de besoin débilitant de rechercher l’approbation d'un autre que lui. C'est une leçon cinglante. Il n'y a qu'à entendre les sabres sur Tar, un morceau direct et simple une fois accepté que sa trame est constitué de machettes frottées l'une contre l'autre en prévision d'une décapitation. C'est le pouvoir d'un esprit qui, comme celui des dictateurs, n'a qu'une idée en tête et tous les moyens à sa disposition pour y parvenir. 

Les expérimentations de Scott Walker en studio apparaissent, au vu du résultat, étonnamment sensées et conduites dans un but, au delà de celui de remplir le néant : provoquer un contraste idéal entre beauté et cynisme. Avec des cordes d'orchestre comme dans les années 60 ou aujourd’hui, cela au moins n'a pas changé. Certes, on pourrait penser que Walker a toujours gardé le ressentiment de se faire oublier dès ses trente ans, mais quarante ans plus tard, il a fait de tout son ressentiment un crocodile dont nous sommes des Pulvians fluviatiles auxquels il ne laisserait pas que les restes mais toute la proie en état de grâce ante mortem. 

Sa volonté de songwriter n'a jamais été battue. Il fut un modèle pour Bowie jusqu'à l'avant dernier jour de sa vie, celui où parut Blackstar (2016) sonne comme une tentative de jouer dans la veine de son aîné (de trois ans). Écouter Nite Flights (1978) permet de s'en convaincre plus avant. Il reprend la chanson titre avec élégance sur Black Tie White Noise (1993). 

L'image la plus forte de Scott Walker ? Celle fournie par Mojo, où on le surprend dans une librairie londonienne, la casquette vissée sur la tête, dans une situation bien banale. Pourtant, qui connaît sa silhouette énigmatique, la personnalité élusive de cet étrange britannique originaire de l'Ohio, et son aura dans la musique pop anglo-saxone aurait le sang qui ne ferait qu'un tour en l’apercevant. Mais pour expliquer pourquoi, il faudrait commencer par en faire un portrait non pas comme simple silhouette, mais comme créature humaine au parcours hors du commun.

Plus que l'album, c'est l'homme qui mérite l'étiquette de référence dans le paysage musical des cette fin/début de siècle. 



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