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hypnotique, lyrique, doux-amerFolk, indie folk
La timidité de Beth Orton, britannique du Norfolk, est marquante en concert. Mais la façon dont elle la dissimule sur ses albums, et en particulier dans celui-ci, n'est pas anodine non plus. L'écouter, c'est comme exhumer un chapitre déjà lointain de la carrière d'une artiste alors parvenue à sa pleine maturité, et qui n'a, malgré la vie, pas tant changé depuis lors. Elle a alors déjà écrit trois albums, et Daybreaker est accueilli sans excitation par la critique. Il est facile de voir pourquoi. La contribution des Chemical Brothers (Daybreaker, Mount Washington) donne un aspect électronique malvenu quand la fraîcheur acoustique sied tellement mieux, à une chanteuse immortalisée par sa façon terriblement émotive de s'accompagner à la guitare, les doigts ancrés, rigides. Les participations de Ryan Adams ou Emmilou Harris ne sont pas impressionnantes, même si elles débordent de professionnalisme. Daybreaker se veut, peut-être trop, un album adulte.
Pourtant, l'album prend sa dimension 'Ortonesque' sur Carmela, un morceau que l'on aimerait dire 'à l'ancienne' même si on sait qu'il préfigura son chef d'oeuvre paru 10 ans plus tard, Sugaring Season. Elle y capacité à basculer dans un versant bucolique enchanteur. La chose est vraie aussi sur This One's Gonna Bruise, délicatement soulignée par le picking appris de Bert Jansh, dans la plus pure tradition folk. Matiné de violoncelle, c'est le contrepoint le plus attendu de l'album. On est revenu là en premier lieu pour le timbre particulier de Beth Orton, l'intensité de cette voix à l'élasticité magique.
Mieux, Daybreaker est un album sombre comme il faut, Ted Waltz, si fluide et limpide, pour maudire le soleil et le ciel 'vicieux'. Traditionnellement, ce n'est pas avant le dernier morceau, et sans s'éloigner de la rythmique bossa nova qui parcourt tout l'album, l'optimisme remplacer l'appréhension. Beth Orton suscite une sensation physique chez l'auditeur attentif, celle d’éclaircir le ciel, de repousser les nuages. Elle est pilote et la musique est son jet. Daybreaker, n'est-ce pas cette sensation de percer à travers les nuages? Le terme anglais, tant qu'on ne le traduit pas est plein de possibilités. Beth Orton nous embarquait et nous promettait d'y croire. Sugaring Season a été l’atterrissage, évoquant les choses de la terre. Pendant l'intervalle, elle nous a fait rêver comme des enfants, et continuera encore, on l'espère.
D'ailleurs, son album suivant s'emparera de cette image en faisant figurer un arc-en-ciel sur la pochette de Comfort Of Strangers. Les grooves, les cordes, la basse électrique gonflée tracent des lignes qui propulsent Beth Orton hors de son orbite, pour nous donner de beaux refrains tels que sur Anywhere, chanson bossa-nova que l'on croirait produite à Chicago, avec un big band en bordure. Rien ne parvient à terrasser cette voix au moment où elle cherche le plus à s'affirmer. Paris Train est une autre réussite, avec ce piano porteur de mouvement, quelques notes entêtantes. L'orchestration, avec cornet lointain et voix pleine d'écho, est enivrante comme un premier voyage.
Il est certain qu'elle a voulu en faire un album plus gros, capitalisant sur les promesses distillées par les deux premiers, quitte à développer un art de la dissimulation, qui scintille de mille feux à la fin de Mount Washington. Cette chanson de plus de six minutes a beaucoup fait finalement, pour présenter l'humeur sombre de l'album.
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