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Le guitariste de Radiohead (avec Ed O’Brien) est né à Oxford en 1971. Il intégra le groupe en dernier, alors que son frère Colin avait fait le premier la connaissance du chanteur Thom Yorke. Jonny avait deux ans de moins que les autres, et c’est finalement à l’harmonica qu’il intègrera le groupe encore appelé On a Friday en 1987, avant de passer aux claviers et finalement à la guitare. Un hiatus du groupe (ils décidèrent de retourner à l’université) lui permettra d’étudier la musique à Oxford. Heureusement, On a Friday reprendra du service en 1991 et attirera l’attention de la major EMI suite à une série de démos, pour être rebaptisé Radiohead. Dès Creep, le premier single au succès phénoménal du groupe, le talent de Greenwood à casser les codes transparaît ; juste avant le refrain, il donne deux violents accords de guitare qui, une fois acceptés comme tels par Thom Yorke et les autres, constitueront l’ADN du morceau. The Bends (1995) lui permet de révéler pleinement son talent à produire des sons uniques, anguleux, puissants avec des morceaux comme Just ou My Iron Lung, qui feront la gloire du groupe alors seulement prétendant à devenir le nouveau U2. Son style agressif va l’obliger à porter un bandeau autour de son poignet droit, accessoire qui va devenir jusqu’à aujourd’hui l’un de ses signes distinctifs.
Mais la conscience professionnelle et artistique des membres de Radiohead, et notamment de Jonny Greenwood, ne cesse de grandir et Ok Computer (1997) marque de son empreinte le son des années 90 et du rock en général. La guitare de Greenwood est toujours puissante mais plus distante, parfois étouffée, transformée. L’atonal Airbag redéfinit l’expressivité de l’instrument. Sur Subterranean Homesick Alien, il restitue les sonorités de trompette du Bitches Brew de Miles Davis. Mais en réalité, Greenwood s’est déjà lassé de la six-cordes. Curieux et touche à tout, il va peut à peut devenir ce jack-of-all-trades qui transformera Radiohead en l’expérience ultime, l’éloignant des conventions portées par les groupes dont ils s’étaient inspirés. L’arrangement de cordes sur Climbing up the Walls lui permet de manifester pour la première fois son intérêt pour la musique contemporaine, puisqu’il s’inspire des travaux du polonais Penderecki. Sa nouvelle passion n’a d’équivalent que son ennui pour les arrangements sirupeux qui l’ont précédé dans la musique rock, et il décide que les cordes ne sont pas là pour amplifier la mélodie ou la dramatiser, mais pour créer une discordance, une ambiance. Il veut jouer des orchestres comme de la guitare, et sans oublier que toutes ces sonorités nouvelles passeront sur scène par de petits boitiers, de claviers et des pédales d’effets qu’on le verra dès lors bidouiller, les cheveux retombant constamment et dissimulant son visage.
How to Disapear Completely ou Pyramid Song, sur les deux disques suivants, sont un autre net pas en avant de la méthode Greenwood. On le sait maintenant capable de beauté élégiaque, et Thom Yorke s’y retrouve complètement. L’empreinte du multi-instrumentiste est partout sur ces disques. L’une de ses plus belles découvertes est l’Onde Martenot, un instrument d’origine française qui fut précurseur des synthétiseurs et fut joué en orchestre, comme par exemple au sein de la Turangalila Symphonie d’Olivier Messiaen dès les années 40 ; Greenwood est un grand admirateur de l’œuvre et du compositeur. Un autre exemple de perfection qui l’inspirera est le Quatuor pour la fin des Temps (1940), du même compositeur. Mais ses travaux à l’orgue ou au piano sont tout aussi impressionnants. Greenwood mêle ses inspirations contemporaines avec le free jazz et l’électro appréciés par Thom Yorke. Si les autres membres du groupe ont un rôle non négligeable – on doit au bassiste Colin un morceau comme The National Anthem (Kid A), et les beats métronomiques de Philip Selway vont amorcer Radiohead dans sa mouture la plus actuelle – c’est l’interaction Jonny – Thom qui produit le plus gros des instants de grâce qui parcourent leurs disques des années 2000.
Jonny Greenwood laisse son imagination atteindre de nouveaux sommets dans le cadre de la composition de musiques de films. Les bandes originales de Bodysongs (2003) ou There Will be Blood (2008) sont particulièrement intéressantes si l’on veut saisir toute l’étendue du talent du post-guitariste. Frôlant parfois l’expérimentation pure, il est capable de mêler cordes, percussions, pianos, électronique et autres textures variées pour restituer l’atmosphère et le charme qu’il a ressentis dans des musiques bien éloignées du rock. Ses bandes sons, expériences à part entière, sont parfaitement séquencées et entretiennent une tension que l’on retrouve sous une forme un peu différente dans certains morceaux de Radiohead. Pour There Will be Blood en particulier, il semble capable de faire ressurgir les sentiments enfouis des personnages, et notamment de Daniel Day Lewis en Daniel Plainview, rendant la bande-son inoubliable comme les images somptueuses du film. Le succès américain de There Will be Blood a fait de Jonny Greenwood une sorte de compositeur d’avant-garde que les anglais convoitaient jusqu’à présent jalousement ; il avait été nommé compositeur attitré de la BBC en 2004, composant pour l’occasion des pièces orchestrales plus longues et difficiles ; Smear ou Popcorn Superet Receiver, interprétées par l'orchestre de la BBC.
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