Parution | septembre 2012 |
Label | Load Records |
Genre | Noise rock |
A écouter | King Candy, Fly Fucker Fly |
O | |
Qualités | spontané |
La plupart
des groupes finissent par tomber dans le consensus inévitablement
tendu quand trop de musiciens utilisent les mêmes techniques et
finissent par arriver aux même fins, ne faisant plus que se croiser
et produire des albums se ressemblent tous les uns les autres.
Et il y a
Lightning Bolt, l’un de ces projets un peu fous que son approche
musicale interdit de ressembler à quiconque. Avec une élémentaire
simplicité et beaucoup d‘astuces tenant presque du bricolage,
une basse au son kaléidoscopique et une batterie vitaminée par des
procédés électroniques, et aussi avec une façon de jouer qui
emprunte aux formes improvisées aussi bien qu’à l’insistance
hypnotique de la musique électronique, Lightning Bolt se démarque.
Wonderful Rainbow (2003) puis Hypermagic Mountain (2005) alliaient
densité de barrage et grande diversité de son et d'ambiances. Ils
exploraient des plans musicaux sophistiqués à travers leur force
compacte et leur fureur punk, segmentale et élémentaire, féroce,
accérée. On ne se rend pas toujours compte de la finesse du
séquencement, du découpage, du modelage musical à l’œuvre, mais
on admire sans réserve possible Lightning Bolt pour leur endurance,
leur héroïsme instrumental, ici le mieux illustré par treize
minutes de fusion ininterrompue sur World Wobbly Wide. Une
constante : écouter dans quel chaos leurs morceaux naissent,
puis meurent, en dit aussi beaucoup sur ce qui les rend fascinants.
Si par le passé on a pu détecter des
bribes de musique metal ou d'autres musiques chez Lightning Bolt,
Oblivion Hunter, une compilation d’exercices cataclysmiques et
transcendantaux enregistrés en 2008, n’est plus une question de
genre musical, mais simplement de noise music. C’est une affaire de
production – ou plutôt de son absence - un disque qui vous
tétanise par ses textures brutes, un maelstrom dans lequel les
talents du duo sont livrés au gâchis et au chaos tout en dessinant
parfois des chemins de traverse toujours inventifs. Oblivion Hunter
est souvent si convaincant qu’il parvient à éviter d’exsuder la
frustration, dans une pratique qui consiste pourtant à forcer
l’auditeur à l’écoute de titres mal enregistrés, abandonnés
par moments à la recherche d’une apogée sonique qui n’est
peut-être pas atteinte.
Avec son air de démonstration, de
phase préparatoire, Oblivion Hunter capture la spontanéité du duo
en concert et nous projette au cœur de la jubilation que constituent
ces moments de franche camaraderie, de l’avis général de ceux qui
ont pu en vivre. Il nous oblige parfois à tendre l'oreille pour
trouver les syncopes ultra-rapides de Brian Chippendale à la
batterie, instrument sur lequel il se tient coude à coude avec Zach
Hill. Au démarrage de Fly, Fucker, Fly, on s'attend à ce qu'MC RIDE
(Death Grips) nous prenne à parti. Cette chanson, la plus formée de
l'album, contient des mots presque intelligibles de Chippendale. King
Candy et Oblivion Balloon imitent aussi la forme de vraies chansons.
Leurs riffs métalliques et la voix soigneusement délayée de
Chippendale évoquent une fois interprétés la façon brutale d'un
doppelganger sournois tentant de tromper une proie. Lightning Bolt a
une ombre tapie au fond, quelque chose de caverneux qui ne se
manifeste qu'au plus fort de sa stridence, de sa frénésie.
On avait autrefois du mal à croire que
la musique ne soit truquée par des moyens électroniques ; avec
Oblivion Hunter, la réalité de sa conception saute au yeux plus
rudement que jamais. Leur musique vous hypnotise plutôt que de vous
assommer, et vous fait fouiller, toujours davantage, les tréfonds de
la bataille qui se joue et qui consiste sur le papier pour l'un des
deux protagonistes à harasser l'autre, à le pousser dans ses
derniers retranchements. Ce n'est que lorsque le duo joue pour de
vrai, comme ici, que viennent interférer, de surcroît, des esprits
venus d'un autre monde, ou alors une tempête de cerveaux
télékinétiques .
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