O
fait main, engagé
Country folk
Mount Renraw s'ouvre et se ferme avec
ses chansons les plus émotionnelles. Otis Gibbs les délivre de
façon éloquente, d'une voix sans âge, et sans affectation. Il
apparaît aussi peu influençable par les modes qu'un roc, et le
titre de l'album de réfère au surnom du quartier de Nashville où
il vit. Il l'a enregistré en grande partie chez lui, en compagnie
du producteur et guitariste Thomm Jutz, et cela s'entend, par la
simplicité formelle et la limpidité des chansons, ne se laissant
divertir ni par la fantaisie, ni par l'envie de plaire au plus grand
nombre, toutes aspirations qui finissent par arriver lorsque la
vision d'un artiste se trouve diluée par ceux croyant l'aider.
Autobiographique (Ed's Blues) ou historique (Bison), le message est
capté sans parasites.
Son album est comme une continuation au
podcast radiophonique Thanks for Giving a Dawn, à travers lequel il
persévère, 140 épisodes plus tard, à divertir sur les joies et
les peines de la country, du blues, de l'histoire, et surtout de
l'art qui ait un sens. « Il n'y a que deux personnes qui
importent dans l'art, affirmait t-il dans l'un de ces émissions.
«Celui qui crée et la personne faisant l'expérience du résultat. »
Là comme en chanson, il sait se montrer très clairvoyant mais aussi
poétique.
« To young to do better, to old
to change. » Du haut de ses 50 ans, son réalisme et sa
sincérité, dès la première minute, nous incite à rester
attentifs. On se retrouve irrésistiblement impliqués par des
rencontres mémorables « I saw the devil [...] he said these
are the ways of the past [...] and the bullets rained down. »
« 4 am and nowhere to go/Let's not pretend it will happen
again/it was so much easier then/sometimes at night on late night
drives/That's when i see/Katlheen. » Le diable ou cette jeune
femme prénommée Kathleen, confèrent à ses chansons l’originalité
qui leur manque du point de vue musical.
L'inflexiblité de Gibbs rappelle Steve
Earle, son minimalisme aussi, dont la guitare ne s'accompagne que
d'un violon rural. Comme lui, il y a du chemineau dans Gibbs (800
Miles Great American Roadside, Wide Awake...) Son côté volubile
sert bien ses chansons, d'autant plus quand raconte l'histoire d'une
star du catch de Memphis dans les années 50 et évoque la
ségrégation que le lutteur, blanc mais populaire auprès des
afro-américains, mit en évidence. « There was more to Memphis
than rock n' roll » prévient t-il une allusion, entre autres,
à Elvis Presley. Il en profite aussi pour offrir ce parallèle et
tacler la crédulité ambiante : « Il y a beaucoup de gens
qui pensent que le catch est pour de vrai ; comme de gens qui
pensent que le music business est la seule réalité de cet art. » On pense aussi à Grayson Capps pour le côté sudiste.
Sa concision pour traiter de ce genre
de problème à travers des personnages complexes comme Sputnik
Monroe l'honorent ; raconter les inspirations de telles chansons
est plus long que de les chanter. En résumé, Mount Renraw pourrait
n'être constitué que d'une seule chanson de trente-trois minutes
abordant cette multitude de thèmes, ininterrompue telle une émission
de radio.
https://otisgibbs.bandcamp.com/album/mount-renraw
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