OO
soigné, épique, vintage
rock, rock progressif
Les musiciens de la
trempe de Jonathan Wilson sont des voyageurs qui savent pourtant très bien où ils
sont chez eux. Chez lui, c’est le studio à Echo Park (Los Angeles), où Wilson a
déménagé en 2009. Il y reviendra toujours jouer un accord sur son piano à queue
pour produire le son qu’il préfère entre tous, et reprendre contact aussi bien
avec des membres des Black Crowes, avec Josh Tillman (ex Fleet Foxes), Will
Oldham (Bonnie Prince Billy) et d’autres. On dit qu’avec sa façon d’inviter ses
amis David Crosby et Graham Nash chanter sur quelques compositions, et son
habitude d’émuler Neil Young (Illumination, sur le nouvel album, ressemble
beaucoup à Danger Bird sur Zuma !), il est le renouveau de la scène de
Laurel Canyon.
Sa musique, douce,
caressante, c’est celle d’esprits bienveillants, ceux qui, après 1973, auraient
voulu repartir doucement, du bon pied. Jonathan Wilson est né en 1974, l’année
de On the Beach, l’album que Neil Young enregistrait alors qu’il peinait à
digérer une rupture amoureuse et la mort de son ami Danny Whitten. Whitten un
symbole de comment l’esprit rêveur d’un musicien peut se briser, soudain rattrapé
par les angoisses et en proie aux drogues dures. Longtemps musicien de session,
Wilson, lorsqu’il se met à écrire des chansons, ne se contente pas de revisiter
une époque, il apaise, soigne les blessures, ressemble à ses côtés les cœurs demeurés
tendres et ceux, parmi les rêveurs, qui ont tiré les meilleures leçons de l’époque.
Les chansons Gentle Spirit et Can We Really Party Today rendaient impossible l’hypothèse
d’une replongée factice dans le passé. Gentle Spirit gagnait sur l’auditeur,
même s’il abolissait les lois du temps comme les doubles LP de l’époque. Il le
faisait avec une absence de prétention et une ouverture qui permettaient à
faire de Wilson l’Artiste de l’Année pour le magazine Uncut, alors qu’il fêtait
ses 37 ans.
Jackson Browne,
avec qui il a joué. Les Heartbreakers. Crosby, Stills et Nash. Le Grateful
Dead. Dennis Wilson. Et la façon dont il mélange le folk, le funk, le jazz
évoque les innovations de Tim Buckley. Derrière Jonathan est à redécouvrir un
certain catalogue musical de l’Amérique. Mais ses influences ne s’arrêtent pas
là. Des passages sur Fanfare, nouvel album de chansons progressives, nouveau
panel de presque 80 minutes, nous font même songer à Ok Computer. Même si on n’en
reste à la façon dont chaque partie des chansons sonne, Fanfare est très divertissant :
on y verra s’y refléter Roy Harper, par exemple. Le musicien folk et poète
anglais a écrit les paroles pour New Mexico ; il a aussi travaillé à son
album Man and Myth (2013) avec Wilson. Les deux partagent un répertoire commun
de tons, de saveurs sonores. On pense aussi souvent à Pink Floyd, au cours de
Lovestrong, l’une des chansons les plus évidentes de l’album. Le seul à jouer
(de la plupart des instruments) sur tous les morceaux de son album, Wilson
traite toujours ainsi son héritage musical : il ne le pirate pas mais l’enveloppe
élégamment et le fait devenir après une minute un idéal d’authenticité.
Sur Gentle Spirit c’était Natural Rhapsody, Rolling
Universe, Magic Everywhere… Wilson enferme les prétentions épiques et
omnipotentes de certaines des images qui naissent dans son esprit, en parant
les chansons d’arrangements généralement simples et naturels. Seul le
morceau-titre qui introduit Fanfare délaisse ce désir de composition ‘au
naturel’ pour quelque chose de plus pompeux, de moins intéressant. Il s’agit d’un
instrumental, et la raison qui explique sans doute l’équilibre particulier qui
existe ailleurs sur cet album comme sur le précédent, c’est que Wilson n’a pas
une voix qui porte beaucoup. Il est obligé de baisser le volume lorsqu’il se
met à chanter. Dès lors, même si les orgues, les guitares électriques et la
batterie particulièrement ample peuvent donner l’impression que l’on se trouve au
beau milieu du studio pendant l’enregistrement, les meilleurs moments sont ceux
où les participations aux harmonies vocales de Crosby et Nash (sur Cecil
Taylor) ou de Josh Tillman (sur Desert Trip) triomphent. Le mentor Jackson
Browne fait une apparition à la fin de cette chanson. Etant donné la patte
musicale de Jonathan Wilson, s’inquiéter de voir se multiplier les invités
était vain : il a naturellement trouvé comment les intégrer au canevas de
ces nouvelles ‘visions’ faussement prétentieuses. Il loue en réalité la
simplicité, la paix, la méditation, jamais bien loin du désert et des fantômes amicaux.
La richesse musicale attendue pour un
album voulant se mesurer aux meilleures expériences de studio est mise en
valeur au fil des écoutes alors que se révèle un album intelligent, sachant
provoquer l’affection.
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