Why does he smile for the first time in 23 years ?
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OO
(suite)Les tempêtes déclenchées par Matt Kinsey, le principal artisan du récent son de Bill Callahan, font écho aux versions de concert de la tournée qui a suivi la parution Apocalypse. On pense aux développement lancinants de Drover, cette fuite incroyable avec les troupeaux qui signifiait aussi bien que Callahan était parvenu à l'amplitude et au recul qu'il recherchait, en même temps que d'ouvrir une nouvelle ère.
Une
ère que la photo promotionnelle de Dream River a consommée : pour
la première fois, Callahan, dont l'apparence impénétrable pouvait
autrefois se résumer à des regards frustrés et affamés
ressemblant même en concert aux chanteurs de country d'antan,
capturés à leur insu par les premiers appareils bon marché, pour
la première fois Bill Callahan sourit. Et toute l'histoire de cette
photo de nous éclairer : s'il y a un sujet que le chanteur a
toujours éludé, rendu insaisissable, c'est celui de sa relation
avec les femmes. Chez Callahan, la vie est ainsi, faite davantage de
petites situations que de grandes idées, l'amour et le mariage
faisant partie de la seconde catégorie. Celle envers laquelle le
chanteur semble parfois frileux ; comme un oiseau transi par l'hiver
dans les prémices de A River Ain't Too Much Too Love (2005), son
album charnière, plus sobre et émouvant que tout ce qui l'a
précédé. Quand à Winter Road, sur Dream River, impossible de dire
si c'est une déclaration d'engagement ou une démission pour
profiter des seuls petits bonheurs du quotidien. “I have learned
when things are beautiful/To just keep on”
Callahan
nous a appris que ses chansons n'étaient jamais vraiment
autobiographiques, même s'il est convaincant pour donner cette
impression. Quoi qu'il en soit, Callahan se marrie. Avec une vidéaste
qui l'a contacté un jour en allant droit au but : elle voulait
réaliser un film sur la tournée de l'album Apocalypse. Etant donné la romance qui s'est
ensuivie, Callahan ne pouvait pas faire autrement que de signer
certaines de ces chansons les plus évocatrices, les plus intenses
sur la relation de couple, des chansons qui reflètent la tension
animale qui existe dans la confiance qu'éprouvent deux êtres l'un
pour l'autre. The Spring explicite cela comme jamais : “Tout ce que
je veux c'est faire l'amour avec toi/dans la terre fertile/Avec
l'esprit insouciant” Il faut entendre la puissance avec laquelle il
énonce ces mots, dans la déflagration finale d'une chanson tendue
de bout en bout. Avec cet album, il sublime cette manière romantique
de tout faire redevenir absolument humain, et de garder, de façon
subtile et parfois incongrue, cette sensation de ne pas s'appartenir
complètement, mais d'être voué à l'abandon, et à réaliser la
petitesse des sentiments humains face à l'intransigeance des
éléments. La superstition n'est plus la seule motivation humaine
digne d'être combattue au profit des choses naturelles, même si
elle existe encore dans Summer Painter (ou les gens croient à une
sorte de mage des eaux).
Callahan
a le don, à travers son art, d'apaiser les consciences de leur
méfiance. Car tandis que des voix s'élèvent de plus en plus
nombreuses autour de nous pour énoncer des vérités
contradictoires, Callahan se fait plus laconique à chaque fois, et
tandis que chacun vie de plus en plus connecté aux autres, ses
disques se réconcilient de mieux en mieux avec le sentiment
d'isolation, comme une chose positive qui n'exclut pas la tendresse
et l'amour.
A
ceux qui l'avaient cru replié sur lui-même, Callahan semble
s'exposer dans une certaine lumière, en des nuances nouvelles et des
personnages légèrement décalés, insolites, des observateurs
passés maîtres dans l'art de l'ellipse et de la déambulation. “La vie
n'est pas confidentielle”, lâche t-il dans Ride My Arrow, comme
s'il réalisait que son rôle était de toucher le cœur de certaines
choses de la vie, et qu'il ne pouvait éviter d'être intime. Le film
Apocalypse, projeté en avant première au Lincoln Center de New
York, le voit lentement tomber amoureux, alterne morceaux joués en
live et confidences inédites. A l'issue de cette expérience, le
chanteur devait naturellement justifier la raison d'une telle
floraison d'émotions, et Dream River apparaît comme une
justification. Il pourrait être comparé en cela à Woke Up on a
Whaleheart (2007), pendant l'enregistrement duquel Callahan était
déjà transporté aux côtés de Joanna Newsom ; ou aux expériences
amoureuses qui traversent Supper (2003). Avec Small Plane, la chanson
la plus épurée de Dream River, Callahan trouve la juste distance
avec toutes ses considérations. Le personnage qu'il décrit semble
se trouver dans une situation plus sage et durable qu'il ne l'a
jamais été par le passé, ce qui contribue ou fort pouvoir apaisant
que cette chanson exerce sur l'auditeur. Le couple dans cet avion,
difficile de ne pas croire qu'il s'agit de lui avec sa promise, Hanly
Banks. “Je suis vraiment un homme heureux/quand je vole dans ce
coucou.” Mais Small Plane ne s'arrête pas là : elle évoque les sensations de partir, de revenir, de ne plus vouloir atterrir, de prendre le contrôle et de laisser à l'autre le contrôle des commandes. Un leçon de vie malicieuse et pourtant limpide.
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