Décembre 1976, deux hommes armés font irruption en voiture dans la propriété de Bob Marley au 59, Hope Road à Kingston, et le blessent, ainsi que sa femme Rita et son manager, Don Taylor. Ce, juste avant un concert que Marley avait organisé et baptisé de façon optimiste Smile Jamaïca. Ces menaces apparemment politiques – son concert avait été récupéré avec des intentions de communication politique par un parti influent de l’île, le PNP - n’empêchèrent pas la star de monter sur scène, malgré les bandages et la douleur. Directement après le spectacle, cependant, il partit accompagné de son groupe de musiciens, les Wailers, passer noël aux Bahamas avant de gagner Londres.
Marley avait été profondément déçu de voir la Jamaïque se retourner contre lui – les raisons de l’attentat ne seraient jamais vraiment élucidées -, et les politiques tenter de détourner sa parole voulue universelle pour leurs intérêts. Cependant, s’il passera les mois suivants à enregistrer des albums moins engagés – et qui resteront ses plus célèbres - Exodus (1977 - meilleur album du XX ème siècle selon Time Magazine) et Kaya (1978), il ne cessera pour autant d’être concerné, préparant bientôt en « citoyen de l’univers » les derniers manifestes de sa vie. Une fin de carrière jalonnée par de nombreux actes de courage. Selon ses proches, Marley n’avait jamais eu peur pour sa vie ; la détermination spirituelle supplanta les menaces faites à son corps par l’intrigue et la maladie.
Esprit d’équipe
Leur vie au Royaume Uni dès 1977 représenta un gros avantage pour Bob Marley et les Wailers ; ils restaient ne se dispersaient plus et leur cohésion atteignit son paroxysme. Etant donné sa célébrité et sa fortune, Marley n’aurait pu continuer d’enregistrer dans de bonnes conditions alors même qu’à Kingston, de plus en plus de personnes inconnues de lui s’arrogeraient le droit de venir le trouver pour lui parler de leurs problèmes et lui demander de l’argent, comme cela était de coutume à la Jamaïque - où un tel personnage était vu comme un chef de gang autant que comme un distributeur de billets. De nature très généreuse, Marley continua de donner largement à ceux qui ne lui demandaient un fois à Londres.
Marley montra au cœur de l’enregistrement d’Exodus une foi indéfectible en son groupe, persuadés qu’ils étaient ensemble – lui, les I Threes (trio de choristes féminines comprenant sa femme Rita), Ashton « Family Man » Barrett à la basse, Carlton « Carlie » Barrett à la batterie, Junior Marvin à la guitare (l’un des Wailers emblématiques, Al Anderson, ayant momentanément quitté le groupe), etc. – plus forts que la somme de leur composantes. Cet esprit d’équipe lui permettra d’enregistrer jusqu’à la fin de sa carrière les disques d’un groupe plein et entier. En outre, pour ajouter à l’amélioration des conditions de création de Marley, l’influence de l’industrie du disque était beaucoup moins néfaste à Londres qu’à Kingston, où une chose comme les droits d’auteur n’existait tout simplement pas et où les musiciens se volaient sans scrupules les succès et le répertoire. Au milieu d’une scène reggae anglaise en plein essor, Marley et les Wailers s’en inspirèrent, en proposant un son plus mélodieux et serein que jamais. Kaya fut d’ailleurs relativement mal accueilli : les critiques se mirent à regretter l’époque engagée de Catch a Fire (1973).
Au milieu des années 1970, le football n’était pas un sport à la mode en Angleterre ; il demeurait largement celui de la classe ouvrière. C’était, pour Marley, une activité quasi-transcendantale qui venait juste après la musique, pratiquée partout où il le pouvait. « Marley ne pensait qu’au foot, racontera Al Anderson. C’était son jeu d’échecs à lui. » Un match fut même organisé à Battersea Park pour opposer l’équipe des Wailers à celle d’Island Records. « Ils étaient si bons qu’on avait l’impression d’affronter le Brésil, se souvient Trevier Wyatt, membre de l’équipe d’Island. Bob avait tous les talents. Une fois qu’il tenait le ballon, il n’y avait plus moyen de le lui reprendre ». John Knowles, alors commercial chez Island puis manager de Chris Réa, a un souvenir particulier : « Appuyé contre le poteau de but après avoir marqué, il fumait un joint ». La ganja était, sans surprise, consommée généreusement au sein du groupe.
L’amour de Marley pour le football allait bientôt avoir des conséquences fatales. Quelques temps auparavant, lors d’une partie à TrenchTown, il s’était blessé au gros orteil. Sa blessure s’était aggravée lors d’une partie ultérieure, et sans traitement – Marley était alors en conbcert dans le monde entier pour défendre Exodus – il fut diagnostiqué à son retour avec un cancer de la peau. Une tournée américaine fut annulée. Sans le savoir, Marley n’avait pas beaucoup plus de deux années avant que son cancer ne se généralise et qu’il trouve la mort.
Le plus beau chant
Huit mois après le diagnostic et alors qu’Exodus et Kaya avaient atteint le zénith de leur succès, en mars 1978, Marley rentra en Jamaïque. Il fut accueilli par des hordes de fans à l’aéroport. Le pays notoirement instable venait y trouver, davantage qu’une star mondiale – Marley était devenu le plus célèbre Jamaïcain de tous les temps – l’homme qui, espéraient t-ils, les sauverait. Il était peu à peu devenu l’ambassadeur d’une culture reggae valorisant la liberté d’entreprendre et véhiculant un espoir capable de faire oublier à la population la misère et le chômage qui étaient leur quotidien. The Harder They Come, le film tourné en 1972 avec Jimmy Cliff dans le rôle principal, donnait le sens social d’un système simple et implacable qui permettait dans les années 70 de continuer à vivre à Kingston : entreprendre une carrière dans la musique…ou comme trafiquant de drogue.
La guerre entre les deux partis politiques de l’île avait mené à une recrudescence de violence qui n’avait pas d’autre issue qu’un traité de paix. Toujours optimiste, Marley accepta à son retour l’idée d’une « concert de la paix » qui viendrait sceller cet acte et redonner foi aux habitants de l’île, sur laquelle étaient à présent braqués les yeux d’une bonne partie du monde. Il profita de son retour pour créer le label Tuff Gong et des studios dans sa maison de Hope Road.
Un confident de Marley, Neville Garrick, était alors au courant du prochain mouvement de l’artiste. « Il savait que lorsque il les aurait ferrés il pourrait leur donner Survival, qui a été le plus politique, pour manque d’un meilleur mot, et militant de ses albums. C’était le moment de délivrer un message ». L’idée de Marley était de réaliser, non pas un album, mais une trilogie engagée qui reprendrait tous les grands thèmes de sa carrière ; se donner les moyens d’être soi-même, garder foi en l’unité de tous les peuples de la terre, en dépit des différences et des conflits, célébrer la forte présence du dieu Jah et comprendre le mode de vie Rastafari (encore aujourd’hui largement obscur pour les occidentaux), rappeler l’existence d’une terre promise, en Afrique – Marley était inspiré en cela par le Noir Américain Marcus Garvey -, valoriser l’humanisme comme valeur transcendant la politique. Et surtout, raconter les évènements qui se déroulaient au moment même où il enregistrait sa musique. Il mit d’abord en boîte un single en compagnie du célèbre producteur Lee scratch Perry, Blackman Redemption/Rastaman Live Up !, avant d’envisager la sortie de l’album qui devait s’appeler Black Survival. Sous l’influence de Garrick, il en fut autrement; il craignait trop que les gens pensent qu’il s’agissait d’un album destiné au public Noir (?) et ils décidèrent de remplacer le mot « black » par un message visuel plus fort encore ; figurer sur la jaquette du disque les drapeaux de pays indépendants d’Afrique.
Contrairement à ses autres albums, Survival (dont le titre et l’un des morceaux, Ambush in the Night, peuvent être vus comme une allusion à la tentative d’assassinat dont Marley a été l’objet) n’avait pas d’accroche romantique, et la force militante de Marley s’y exprimait en plein tandis que l’économie Jamaïcaine était plus mauvaise que jamais. A ceux qui quittaient le pays pour échapper à leur condition, Marley répondit sur So Much Trouble in the World: « Vous pensez avoir trouvé la solution/mais ce n’est qu’une nouvelle illusion. » En même temps qu’il quittait l’île, le peuple Jamaïcain désertait sa culture et son identité – ces deux valeurs au centre de Survival. Chanson après chanson – Babylon System (« Nous refusons d’être ce que vous voulez que nous soyons ») Top Rankin (« Tout ce qu’ils veulent c’est que l’on continue à s’entre-tuer »), l’album prenait la forme d’une leçon d’histoire et prêchait l’unité et la force contre l’oppression. Même si le débat était spirituel plutôt que physique, Marley aurait fait à cette époque le leader d’une puissante guérilla. « Je ne suis pas un homme de guerre, mais si je dois prendre les armes, je les prendrai car je dois me défendre. »
Survival était le meilleur moyen de défense pour l’artiste qui s’était senti trahi jusque dans ses pensées – l’optimisme et la paix étant depuis toujours les valeurs dont la protection demandait le plus de témérité. L’album parut en octobre – son pan-Africanisme fut remarqué (la chanson Zimbabwe devint l’hymne des forces armées du pays Africain, et 1980 vit Marley donner un concert à l’occasion de la stabilisation de la situation dans le pays), il symbolisait l’importance qu’avait prises les questions politiques dans la vie de l’artiste, dont les lectures étaient allées de la Bible et de Marcus Garvey à Malcom X et Angela Davis.
Chris Bohn, de Melody Maker, décrivit l’album « emprunt d’une passion renforcée par une analyse raisonnée et le plus beau chant que j’ai entendu depuis longtemps ».
Survival fut ainsi accueilli comme un retour au combat. Comme le notera Lloyd Bradley dans un texte contant l’histoire de l’enregistrement d’Exodus, Marley « avait réussi avec pour seule arme la volonté inébranlable de se rendre utile, le sentiment de ce qui peut être accompli si on aborde les vrais problèmes avec logique et compassion, sans se soucier des manifestes politiques. » A l’heure de la célébrité, son art n’était en rien transfiguré, contrairement à ce qui avait été craint à la sortie de Kaya.
L’année 1979 vit la renommée de Marley à son apogée en Jamaïque. Il profita du festival Reggae Sunsplash pour remuer le couteau dans la plaie ; interpréter Ambush in the Night était clairement le moyen de dénoncer des agressions dont il avait été victime de la part des mêmes personnes qui le considéraient comme un héros. « All guns aiming at me… They opened fire on me… » A ce moment, les armes affluaient plus que jamais vers Kingston, les combats de rue redoublaient d’intensité et le gouvernement avait quasiment abandonné tout espoir d’instaurer la paix individuelle que prônait Bob Marley.
Survival
Marley avait été profondément déçu de voir la Jamaïque se retourner contre lui – les raisons de l’attentat ne seraient jamais vraiment élucidées -, et les politiques tenter de détourner sa parole voulue universelle pour leurs intérêts. Cependant, s’il passera les mois suivants à enregistrer des albums moins engagés – et qui resteront ses plus célèbres - Exodus (1977 - meilleur album du XX ème siècle selon Time Magazine) et Kaya (1978), il ne cessera pour autant d’être concerné, préparant bientôt en « citoyen de l’univers » les derniers manifestes de sa vie. Une fin de carrière jalonnée par de nombreux actes de courage. Selon ses proches, Marley n’avait jamais eu peur pour sa vie ; la détermination spirituelle supplanta les menaces faites à son corps par l’intrigue et la maladie.
Esprit d’équipe
Leur vie au Royaume Uni dès 1977 représenta un gros avantage pour Bob Marley et les Wailers ; ils restaient ne se dispersaient plus et leur cohésion atteignit son paroxysme. Etant donné sa célébrité et sa fortune, Marley n’aurait pu continuer d’enregistrer dans de bonnes conditions alors même qu’à Kingston, de plus en plus de personnes inconnues de lui s’arrogeraient le droit de venir le trouver pour lui parler de leurs problèmes et lui demander de l’argent, comme cela était de coutume à la Jamaïque - où un tel personnage était vu comme un chef de gang autant que comme un distributeur de billets. De nature très généreuse, Marley continua de donner largement à ceux qui ne lui demandaient un fois à Londres.
Marley montra au cœur de l’enregistrement d’Exodus une foi indéfectible en son groupe, persuadés qu’ils étaient ensemble – lui, les I Threes (trio de choristes féminines comprenant sa femme Rita), Ashton « Family Man » Barrett à la basse, Carlton « Carlie » Barrett à la batterie, Junior Marvin à la guitare (l’un des Wailers emblématiques, Al Anderson, ayant momentanément quitté le groupe), etc. – plus forts que la somme de leur composantes. Cet esprit d’équipe lui permettra d’enregistrer jusqu’à la fin de sa carrière les disques d’un groupe plein et entier. En outre, pour ajouter à l’amélioration des conditions de création de Marley, l’influence de l’industrie du disque était beaucoup moins néfaste à Londres qu’à Kingston, où une chose comme les droits d’auteur n’existait tout simplement pas et où les musiciens se volaient sans scrupules les succès et le répertoire. Au milieu d’une scène reggae anglaise en plein essor, Marley et les Wailers s’en inspirèrent, en proposant un son plus mélodieux et serein que jamais. Kaya fut d’ailleurs relativement mal accueilli : les critiques se mirent à regretter l’époque engagée de Catch a Fire (1973).
Au milieu des années 1970, le football n’était pas un sport à la mode en Angleterre ; il demeurait largement celui de la classe ouvrière. C’était, pour Marley, une activité quasi-transcendantale qui venait juste après la musique, pratiquée partout où il le pouvait. « Marley ne pensait qu’au foot, racontera Al Anderson. C’était son jeu d’échecs à lui. » Un match fut même organisé à Battersea Park pour opposer l’équipe des Wailers à celle d’Island Records. « Ils étaient si bons qu’on avait l’impression d’affronter le Brésil, se souvient Trevier Wyatt, membre de l’équipe d’Island. Bob avait tous les talents. Une fois qu’il tenait le ballon, il n’y avait plus moyen de le lui reprendre ». John Knowles, alors commercial chez Island puis manager de Chris Réa, a un souvenir particulier : « Appuyé contre le poteau de but après avoir marqué, il fumait un joint ». La ganja était, sans surprise, consommée généreusement au sein du groupe.
L’amour de Marley pour le football allait bientôt avoir des conséquences fatales. Quelques temps auparavant, lors d’une partie à TrenchTown, il s’était blessé au gros orteil. Sa blessure s’était aggravée lors d’une partie ultérieure, et sans traitement – Marley était alors en conbcert dans le monde entier pour défendre Exodus – il fut diagnostiqué à son retour avec un cancer de la peau. Une tournée américaine fut annulée. Sans le savoir, Marley n’avait pas beaucoup plus de deux années avant que son cancer ne se généralise et qu’il trouve la mort.
Le plus beau chant
Huit mois après le diagnostic et alors qu’Exodus et Kaya avaient atteint le zénith de leur succès, en mars 1978, Marley rentra en Jamaïque. Il fut accueilli par des hordes de fans à l’aéroport. Le pays notoirement instable venait y trouver, davantage qu’une star mondiale – Marley était devenu le plus célèbre Jamaïcain de tous les temps – l’homme qui, espéraient t-ils, les sauverait. Il était peu à peu devenu l’ambassadeur d’une culture reggae valorisant la liberté d’entreprendre et véhiculant un espoir capable de faire oublier à la population la misère et le chômage qui étaient leur quotidien. The Harder They Come, le film tourné en 1972 avec Jimmy Cliff dans le rôle principal, donnait le sens social d’un système simple et implacable qui permettait dans les années 70 de continuer à vivre à Kingston : entreprendre une carrière dans la musique…ou comme trafiquant de drogue.
La guerre entre les deux partis politiques de l’île avait mené à une recrudescence de violence qui n’avait pas d’autre issue qu’un traité de paix. Toujours optimiste, Marley accepta à son retour l’idée d’une « concert de la paix » qui viendrait sceller cet acte et redonner foi aux habitants de l’île, sur laquelle étaient à présent braqués les yeux d’une bonne partie du monde. Il profita de son retour pour créer le label Tuff Gong et des studios dans sa maison de Hope Road.
Un confident de Marley, Neville Garrick, était alors au courant du prochain mouvement de l’artiste. « Il savait que lorsque il les aurait ferrés il pourrait leur donner Survival, qui a été le plus politique, pour manque d’un meilleur mot, et militant de ses albums. C’était le moment de délivrer un message ». L’idée de Marley était de réaliser, non pas un album, mais une trilogie engagée qui reprendrait tous les grands thèmes de sa carrière ; se donner les moyens d’être soi-même, garder foi en l’unité de tous les peuples de la terre, en dépit des différences et des conflits, célébrer la forte présence du dieu Jah et comprendre le mode de vie Rastafari (encore aujourd’hui largement obscur pour les occidentaux), rappeler l’existence d’une terre promise, en Afrique – Marley était inspiré en cela par le Noir Américain Marcus Garvey -, valoriser l’humanisme comme valeur transcendant la politique. Et surtout, raconter les évènements qui se déroulaient au moment même où il enregistrait sa musique. Il mit d’abord en boîte un single en compagnie du célèbre producteur Lee scratch Perry, Blackman Redemption/Rastaman Live Up !, avant d’envisager la sortie de l’album qui devait s’appeler Black Survival. Sous l’influence de Garrick, il en fut autrement; il craignait trop que les gens pensent qu’il s’agissait d’un album destiné au public Noir (?) et ils décidèrent de remplacer le mot « black » par un message visuel plus fort encore ; figurer sur la jaquette du disque les drapeaux de pays indépendants d’Afrique.
Contrairement à ses autres albums, Survival (dont le titre et l’un des morceaux, Ambush in the Night, peuvent être vus comme une allusion à la tentative d’assassinat dont Marley a été l’objet) n’avait pas d’accroche romantique, et la force militante de Marley s’y exprimait en plein tandis que l’économie Jamaïcaine était plus mauvaise que jamais. A ceux qui quittaient le pays pour échapper à leur condition, Marley répondit sur So Much Trouble in the World: « Vous pensez avoir trouvé la solution/mais ce n’est qu’une nouvelle illusion. » En même temps qu’il quittait l’île, le peuple Jamaïcain désertait sa culture et son identité – ces deux valeurs au centre de Survival. Chanson après chanson – Babylon System (« Nous refusons d’être ce que vous voulez que nous soyons ») Top Rankin (« Tout ce qu’ils veulent c’est que l’on continue à s’entre-tuer »), l’album prenait la forme d’une leçon d’histoire et prêchait l’unité et la force contre l’oppression. Même si le débat était spirituel plutôt que physique, Marley aurait fait à cette époque le leader d’une puissante guérilla. « Je ne suis pas un homme de guerre, mais si je dois prendre les armes, je les prendrai car je dois me défendre. »
Survival était le meilleur moyen de défense pour l’artiste qui s’était senti trahi jusque dans ses pensées – l’optimisme et la paix étant depuis toujours les valeurs dont la protection demandait le plus de témérité. L’album parut en octobre – son pan-Africanisme fut remarqué (la chanson Zimbabwe devint l’hymne des forces armées du pays Africain, et 1980 vit Marley donner un concert à l’occasion de la stabilisation de la situation dans le pays), il symbolisait l’importance qu’avait prises les questions politiques dans la vie de l’artiste, dont les lectures étaient allées de la Bible et de Marcus Garvey à Malcom X et Angela Davis.
Chris Bohn, de Melody Maker, décrivit l’album « emprunt d’une passion renforcée par une analyse raisonnée et le plus beau chant que j’ai entendu depuis longtemps ».
Survival fut ainsi accueilli comme un retour au combat. Comme le notera Lloyd Bradley dans un texte contant l’histoire de l’enregistrement d’Exodus, Marley « avait réussi avec pour seule arme la volonté inébranlable de se rendre utile, le sentiment de ce qui peut être accompli si on aborde les vrais problèmes avec logique et compassion, sans se soucier des manifestes politiques. » A l’heure de la célébrité, son art n’était en rien transfiguré, contrairement à ce qui avait été craint à la sortie de Kaya.
L’année 1979 vit la renommée de Marley à son apogée en Jamaïque. Il profita du festival Reggae Sunsplash pour remuer le couteau dans la plaie ; interpréter Ambush in the Night était clairement le moyen de dénoncer des agressions dont il avait été victime de la part des mêmes personnes qui le considéraient comme un héros. « All guns aiming at me… They opened fire on me… » A ce moment, les armes affluaient plus que jamais vers Kingston, les combats de rue redoublaient d’intensité et le gouvernement avait quasiment abandonné tout espoir d’instaurer la paix individuelle que prônait Bob Marley.
Survival
Parution Octobre 1978
Label : Island Records
Genre : reggae
A écouter : Top Rankin, Zimbabwe, Babylon System, One Drop
8/10
Qualités : Communicatif, engagé, lucide
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