Parution | 2009 |
Label | Smalltown Supersound |
Genre | Noise rock, krautrock |
A écouter | Mirrorball |
/10 | 8 |
Qualités | envoûtant, original |
Visionnant sur internet la vidéo de Nisennenmondai interprétant Mirrorball à Londres, un krautrock ultra répétitif où l’étoile montante se révéla être le hit-hat extraordinaire de la batteuse Sayaka Himeno, on aurait pu craindre que l’album contenant ce titre n’aurait pas sa tenue, son intensité loin s’en faut. En réalité, Destination Tokyo (2009) - 4 morceaux, un interlude, 44 minutes - est parfaitement monté, dépasse bien la somme de ses parties ; c’est l’artefact enregistré sur le vif d’un groupe déjà culte et admiré par des membres de Battles, No Age, Gang Gang Dance, Prefuse 73 et Hella. L’œuvre de trois jeunes japonaises qui ont appris la plupart de leurs influences sur le tard, dans les articles qui décrivaient leur musique. Elles ne cherchaient au départ qu’à imiter des formations locales, et elles ont échoué en cela, créant à la place leur propre son et assimilant au fur et à mesure de leur avancée les différents groupes qui avaient, dans d’autres sphères, ouvert une route apparentée à la leur. Destination Tokyo a cet attrait rare d’une nouveauté totale, grâce à la fraîcheur et à l’enthousiaste de ses interprètes en fleur.
Quasi-mutiques en interview, elles semblent plus promptes à courir au-devant de cette musique folle qui est la leur, et continuent d’être insaisissables quand une telle demanderait à ce qu’elles s’arrêtent et qu’elles s’expliquent un peu. On ne sait qu’une chose ; elles ont toujours cherché à faire la musique « la plus géniale possible » de leur point de vue, appelant par là un mélange inédit de sophistication mâtinée d’un peu de la scène allemande des années 70 ou de celle de New York au début des années 80, d’une rigueur technique sans faille et d’une patience à toute épreuve. Difficile de ne pas entendre un peu de Kraftwerk dans le morceau-titre final, et encore une réinvention de Neu! ou Guru Guru, même s’il s’agit moins d’un long travail de studio que d’une formidable création spontanée. Les sonorités de la guitare sont sur ce dernier morceau new wave – pensez Gary Numan. Cependant Nisennenmondai est d’une espèce bien différente, destinée à un auditeur averti.
Elles interprètent sur le disque leurs plages de techno acoustique avec une conviction communicative. Le point de départ, Souzousuru Neji, est un morceau de treize minutes aussi excitant qu’il est rigide et froid. Les éléments se mettent rapidement en place, se verrouillant dans une transe cyclique. Au fur et à mesure, par le truchement de pédales d’effets, des éléments de guitare – chuintements, grincements - se superposent. La basse bondit soudain. Le jeu robotique de Himeno est d’une endurance impressionnante. Le hit-hat sera l’instrument le plus à même d’influencer la structure des morceaux du disque, la guitare demeurant impossible à épingler ; elle nous aliène. La deuxième partie de Destination Tokyo sera plus souple, plus mélodique. Dans l’ensemble, un disque qui n’est pas le moins du monde improvisé, car, pour en revenir à cette fameuse performance de Mirrorball, tous les changements de rythme se produisaient exactement au même endroit que sur le disque. Pour toute leur précision mathématique, Nisennenmondai jettent un sort – si ce n’est sur nous, c’est au moins sur elles-mêmes, ce qui explique que de si longs comptes à rebours soient autant bourrés de vie.
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