O
groovy, efficace, rugueux
Blues rock, soul, Chicago blues
Le
bon sens, de la part de quelqu'un qui ne s'est vraiment jamais
attardé sur les disques de Stephen Stills, même les Crosby Stills,
Nash and Young de l'âge d'or des seventies ou les Buffalo
Springfield, qui n'a jamais rien lu sur cet extraordinaire musicien,
serait de considérer Can't Get Enough comme un voyage dans le temps
et de passer son chemin pour des routes plus empruntées, en
compagnie de l'un de ces groupes qui sortent un disque sans trop de
surprises tout les deux ans. Ce n'est pas l'inclusion au trio d'un
certain Kenny Wayne Shepherd, entre deux âges (c'est à dire plus
jeune que ses deux comparses), qui a enregistré un bon disque il y a
la bagatelle de deux ans en arrière, qui devrait me faire changer
d'avis.
Mais
finalement, est-ce un défaut de disparaître, et honteux de vouloir
relancer la formule 4 ans plus tard d'un disque appelé Super
Session. Cet album pénalisé à l'époque par la mode soudaine de
l'ornementation qui faisait suite à la parution de Sgt. Pepper
Lonely Hearts Club Band par les Beatles, un album avec un concept à
la bonne volonté parfaite qu'aucun groupe ne reproduira par la
suite. Si l'histoire de Stephen Stills nous apprend quelque chose,
c'est qu'il y a d'autres moyens d'exalter la camaraderie que
d'enregistrer que de vivre dans un rêve éveillé. Super Session
voyait déjà Stephen Stills revenir de l'oubli, en quelque sorte,
pour enregistrer avec Michael Bloomfield et Al Kooper (tous deux
notamment présents sur l'enregistrement de Like a Rolling Stone de
Bob Dylan) des jams de Chicago blues plus électrique que la foudre.
On est seulement à moitié surpris qu'en 2013, Stills ne trouve rien
de mieux que de placer dans la deuxième partie de Can't Get Enough
une version de Keep Rockin' in the Free World. Son amitié avec Neil
Young, l'auteur de la chanson, ne devrait plus faire l'objet
d'interrogations. Et cette chanson, au delà de son message de
liberté et d'engagement est l'hymne parfait du rocker
réapparaissant, et que plus personne n'attend vraiment, est
parfaitement intégré au propos de l'album.
Barry
Goldberg, qui apparaissait déjà en 1968 sur Super Session, donnant
d'un coup de piano électrique la touche qu'il fallait aux trois
compositions originales disséminées dans le parcours, a pris en
2013 la place de Kooper, aux claviers léchés plus qu'au simple
piano. Et Shepherd de Los Angeles, à la place de Bloomfield de
Chicago – bien que 'jeune', il a une discographie suffisamment
respectée pour qu'il ne soit pas utile de citer les mérites de son
ainé. Ses influences incluent Slash, Stevie Ray Vaughan, Robert Cray
ou Duane Allman. Les trois hommes ont d'ailleurs un passé, des
influences, des aspirations musicales que l'on devine aussi
divergentes que la musique roots puisse en produire, et pourtant ils
se sont mis à jouer, se mettant d'accord pour faire dominer celle de
Muddy Waters parmi toutes les formes d'autorité divergentes qu'ils
ont filtrées.
Stephen
Stills est convaincant en anti-héros, qui surgit avec sa voix
croâssante et des solos qu'il semble avoir attendu de jouer après
les avoir lus dans les stèles de Restvale pendant tant d'années,
car il n'a pas joué aussi fort depuis un temps dont seuls les
passionnés des seventies peuvent honnêtement parler. Plus que de
simples riffs, le carré de compositions originales fouillent la
mémoire du blues rock avec un plaisir et une naïveté évidente.
Démarrer avec une évocation passionnée du Delta quand on se donne
l'air de venir de Chicago, ne peut être qu'une marque d'absolue
sincérité. On ne peut pas reprocher à Shepherd de se laisser
porter sur That's a Pretty Good Love. Il partage la scène avec lion
: Stills est là pour ramasser tout ce qu'il peut encore saisir,
s'offrant de rugir sur un tapis de choristes, avant d'embraser sa
guitare, avec Don't Want Lies et Can't Get Enough of Your Love, le
morceau à l'évidence conçu pour servir de pivot au disque. Plus
rien n'égalera ce moment de félicité taillé pour les concerts.
A
la demande du producteur, Shepherd a déjà, avant ce point
culminant, remplacé Iggy Pop sur son trône en osant une version de
Search and Destroy, chanson iconique qui ouvrait le dernier (vrai)
album des Stooges, le détonateur à l'origine d'une autre branche de
l'histoire rock. Cette façon de s'abandonner, même si elle est un
peu vaine, a l'avantage de maintenir la surprise. C'est la force et
la limite de l'album.
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