OO
entraînant, communicatif, attachant
Rythm and Blues, Soul
Depuis plusieurs années, la chanteuse de blues,
de rockabilly et de soul Candye Kane ne cesse de remercier tous ceux qui la
supportent dans sa bataille contre son cancer du pancréas. Une maladie qu’elle
a contractée en 2005 et qui l’oblige parfois à interrompre son planning de
tournée en annulant quelques concerts. En studio, depuis l’introduction a
cappella décoiffante de la chanson-titre de Superhero en 2009, Kane a exprimé
le simple fait qu’elle ne baisserait jamais les bras. Non seulement elle n’a
pas cessé de sortir des albums, mais elle n’a même pas levé le pied. Coming Out
Swinging pourrait passer, au premier abord, pour un album de remerciement dédié
aux fans, parce qu’il est spontané, chargé de clins d’œil à des mélodies
connues et de détours par des styles nouveaux pour Candye Kane, dans un esprit
de concert plutôt que d’album construit. Même si les écoutes successives
montrent que son aspect de rock n’ roll relaxé dissimule un cœur de musique
soul enregistrée au cordeau, il faut reconnaître que Candye souhaite avant tout
divertir et qu’il y a bien un message adressé
directement aux fans dans le moment culminant de l’album, sur Rise Up :
« I know exactly what i gotta do/Take back the power i gave to you. La
voix est puissante, Kane chante les mots comme une délivrance et avec une
fraîcheur que vingt ans de carrière
n’ont pas atténuée.
L’entrée en matière est une mise en bouche pour
nous préparer à un son live bourré de bonne humeur. « Step right up with
me and join the fun », chante t-elle sur la première composition, Coming
Out Swingin, entraînée par le piano très New Orleans de Sue Palmer, dont on va
voir qu’elle guide le groupe dans plusieurs morceaux. Une troisième musicienne
d‘exception aux côtés de Kane et Chavez, et ce n’est pas trop pour la
déclaration d’amour à la musique que constitue cet album sexy !
On a rapidement droit à un carré de chansons
extraordinaires qui passeront sous notre nez si on les méprend pour de simples
standards réinvestis. Le blues bravache
de I’m The Reason Why You Drink, l’optimisme rythm and blues cuivré de When
Tomorrow Comes, la soul énergique de Rise Up, et, vers le milieu de l’album, la
ballade qui emballe le tout pour la postérité, Invisible Woman : tout est
entièrement créé par Candye Kane et Laura Chavez. Invisible Woman évoque la
détresse de femmes ordinaires dans une société basée sur l’apparence. La
relation entre les sentiments, les comportements de façade, les apparences a
toujours été au centre des chansons de Candye Kane, qui sait de quoi elle parle
puisque de star du porno aux énormes seins elle est devenue chanteuse de blues,
poétesse féministe, et passeuse d’une tradition qui se caractérise par un
besoin impérieux d’exprimer les injustices et les vicissitudes de la vie dans
lesquelles se reconnait le plus grand nombre.
C’est aujourd’hui une femme plus sage, plus agée, amincie par la maladie. Invisible Woman est
comme Walkin’, Talkin’ Haunted House sur le disque précédent, Sister Vagabond,
une nouvelle incursion autobiographique touchante et encore capable, malgré le
sentiment d’abattement qui s’en dégage, de dégager un allant considérable.
Invisible Woman est aussi une chanson d’amour,
un thème suranné dans lequel Kane excelle à trouver de nouveaux points de vue,
au moins aussi effectifs que lorsque Cary Ann Hearst chantait Another Like You
avec Hayes Carll. Kane sait tourner les relations de conflit en une ironie
mordante ou même en chose irrésistiblement drôle. Have a Nice Day ou You Never
Cross My Mind font partie de la première catégorie, I’m the Reason Why You
Drink est brillante dans le registre de l’humour tellement authentique qu’on se
demande comment elle n’a pas été écrite avant. C’est un peu le cas partout,
d’ailleurs, car les textes de Kane ont l’esprit incisif voire corrosif des
meilleures chansons soul, tout en transportant avec elle l’humilité des oubliés
du blues qui doivent se battre contre la règle de l’âge d’or depuis la fin des
années 1970. Ces chansons sont assez chaleureuses pour faire participer même
les plus sceptiques et les plus conservateurs afficionados du blues, du Mexique
(avec un hommage à Lalo Guerrero, le premier sex-symbol de la musique latine
disparu en 2005) à Chicago. Quant à ceux qui n’y connaissent rien, ils auront
la sensation qu’une forte femme aux formes avantageuses prend soin d’eux en
leur faisant découvrir Benny Carter et l’innocence très tendre de Rock me To Sleep.
Pour le reste, on peut dire que l’énorme travail fourni depuis quelques années,
en dépit de la fatigue chronique et d’un agenda de tournée très fourni, pour
offrir le répertoire le plus solide et cohérent, est payant. Candye Kane n’est pas très riche, mais elle
l’a toujours dit : la façon dont la gratifient ses fans vaut tout l’or du
monde.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire