OO
hypnotique/original
expérimental/psychédélisme
13
Degrees of Reality est un album avec lequel on se sent
simultanément guidé et lâché dans l'inconnu. C'est un album
d'humeur et de texture, mais sans thème ni mélodie. Il
est mu par une force irrépréssible, comme la machine qui propulsait
dans des zones incontrôlées la musique de Hawkwind, progressant
avec la tension implacable du rock progressif de Can tout en donnant
encore une impression de nonchalance et de spontanéité.
Posté
sur internet par le collectif anglais un mois avant la sortie de
l'album, Wrecking Ball suscitait déjà des interrogations, par sa
durée (plus de sept minutes), son introduction sinusoïdale, ses
guitares électriques transformées, ses percussions ethniques, sa
patience et son évidence, comme s'il s'agissait d'un morceau exhumé
des années 1970, une époque dans laquelle on croyait jusque là que
tout ce genre de musique avait déjà été créé, et que les
technologies numériques avaient détourné pour toujours même les
plus véritables musiciens de l'amour de la texture analogique. Le
nom de l'album laissait par ailleurs planer une supposition trop
évidente : les Heliocentrics allaient nous proposer l'expérience
psychédélique type, la déformation des perceptions et la
multiplication coutumière des dimensions. Quand on n'a pas déjà
écouté Out There (2007), leur pallette étonne pourtant. Autant que
sur le Cosmogramma de Flying Lotus. La construction à 21 entrées de
13 Degrees of Reality ajoute à la filiation avec cet album original
de 2010.
Wrecking
Ball est à la place d'honneur sur l'album, celle du moment
d'apaisement et de réel trip que l'on attend à chaque nouvelle
écoute, tout en découvrant avec Ethnicity, Mysterious Ways et
Collateral Damage un groupe en totale autharcie, voués à
déconstruire les conceptions de vraie musique avec l'attitude la
plus fair-play qui soit. Malcolm Catto à la batterie et au piano,
Jake Ferguson à la basse et à la guitare Thaï, et leurs amis le
guitariste Ade Owusu, le percussionniste et flûtiste Jack Yglesias,
le claviériste Ollie Parfit et le bidouilleur Tom Hodges sont
totalement voués à un monde curieux où sur des sections rythmiques
insulaires et plus au moins léthargiques se succèdent nappes
électriques, marimbas, sonorités de moog ou cordes de véritables
violons à l'orientale. Sans pointer vers une musique du monde qui
citerait ses sources, ils conservent tout au long de l'album l'esprit
absorbé qui donne à 13 Degrees of Reality son évidence, son
atemporalité. Ils restent toujours très lisibles grâce à un son
qui étouffe le chaos du free-jazz pour favoriser l'émergence d'une
pulsation hip-hop.
Comme
d'autres groupes psychédéliques, The Heliocentrics jouent avec les
sensations d'aliénation et de paranoïa – leur musique
complètement ouverte ne suscite pas ces sentiments, mais peut les
justifier selon la sensibilité et l'état psychique de l'auditeur.
Cela à cause des interludes parlés qui donnent la voie d'une
narration elliptique, de la construction assymétrique et de la
variété de l'album. Mais davantage que de supposées drogues, c'est
leur affiliation avec la grande scène jazz qui est consommée : ils
ont déjà célébré la musique aux côtés des légendes du jazz
Ethiopien ou Nigerian comme Mulatu Astatke ou Orlando Julius.
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