OO
soigné, pénétrant
folk, americana, country
Accompagné d’un message de retour aux sources, cet album dégage une tonicité qui incite à entrer dans un mouvement émotionnel léger, qui, lentement, s’approfondit, jusqu’aux extraordinaires chansons a cappella – réminiscences des chants de gorge des moines Tibétains - que sont Dream of Nectar et Bright Morning Star. Celle-ci, introduite au début de l’album durant une courte minute, signe le point de chute d’une parabole des sens. Sur la chanson-titre : « L’Eden sur la côte lointaine, où le monde est né » « Cours à la Cité du Refuge/Où tout est renouveau/Oh, la Cité de Refuge/Où notre fardeau s’amoindrit/Là d’où nous venons ». Abigail Washburn vient de l’Illinois, et est tombée amoureuse de son instrument de prédilection, le banjo, après avoir baigné dans les musiques typées bien de chez elle. Elle semble avoir découvert que cet instrument n’était pas seulement le symbole d’un fort attachement aux racines culturelles de sa propre région, mais que les notes égrainées pouvaient servir de fil conducteur à une symphonie, modeste dans sa forme, mais ambitieuse dans le fond, liée à sa propre expérience : une longue route vers l’Est. Washburn passe du temps en Chine, y joue et y enseigne, apprend de nouveaux langages musicaux avec une curiosité rare, et parle le Mandarin parfaitement, ce qui, pour une chanteuse de folk américain, n’est pas commun.
Moins réputée que son mari Béla Fleck, chantre du banjo progressif, elle démontre sur son troisième album qu’elle est capable de faire d’une vision musicale utopiste une réalité presque parfaite, emprunte à la fois de simplicité, de rusticité et d’une richesse sonore plus édifiante qu’un cours de géographie.
Combinant instruments de la tradition américaine tels que les violons ou la guitare pedal-steel avec des sonorités asiatiques donne aux chansons les plus réflexives une grande luminosité. Ses aspirations au voyage décuplent son inspiration mais s’expriment le mieux sous la forme de folk de chambre, ou en folk-pop tout en harmonies séduisantes (voir Chains). Elle aurait tort de ne pas autant donner de sa (belle) voix, prenant par moment des intonations puissantes qui servent d’accroches à l’album. Lorsque City of Refuge gagne en intensité, c’est pour renouer avec le cœur de la tradition rurale américaine. Abigail Washburn la restitue avec un talent qui n’a rien à envier aux artistes focalisés sur ce seul héritage. Accompagnée d’une cohorte dont seuls peuvent profiter ceux qui ont depuis longtemps eu la chance d’accompagner sur scène les meilleurs musiciens des traditions de plus en plus diverses, Washburn conçoit un panorama méticuleux où les textures d’un violon sur Bring Me My Queen sont aussi importantes que l’ample chorale qui termine Burn Thru en majesté. L’objectif est toujours, pour la chanteuse, d’articuler son puissant lyrisme d’une façon clairvoyante. « There’s shadows in my tracks/I’m not lookin’ back at the rest of you...I’m not goin’ down with the rest of you.” répète t-elle tandis que la chorale et le banjo l’emportent dans un courant ascendant. Dream of Nectar atteint un autre niveau d’abstraction, démarrant dans les Appalaches avant qu’un maître de guzheng (un instrument chinois de la famille des citares), des instruments à vent et une chorale ne provoquent, en apparaissant puis en se dissolvant, une rêverie. Celle-ci ne saurait être complète sans l’impromptue Divine Bell, une chanson entraînante faisant rimer country et gospel.
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