Il y a deux origines à l'intelligence artificielle ; les mathématiques et la logique. L'informatique est le fruit d'une quête philosophique entre Platon et Aristote.
Cette analogie entre l'intelligence artificielle et la recherche qui a donné des drones, des robots devenus autonomes et capable de tuer n'importe quel être vivant, et le groupe de l'année 2016 selon Trip Tips, fera long feu. Les personnalités dont on n'est si peu conscient qu'elles ont marqué l'histoire de leur discipline, il est étourdissant de finalement les rencontrer. Dave Brock est à la musique ce que Claude Shannon est au robots tueurs. Du moins si on prend un raccourci spatio-temporel...
Il y a deux Hawkwind : celui qui inspire tant de groupes, de metal, de rock psychédélique, de musique électronique, depuis leur création, et dont le sort est lié à l'improvisation, au Krautrock et à Lemmy Killmister, le bassiste sur lequel il faut écrire en priorité quand on parle d'Hawkwind, tant sa façon de jouer la basse comme une seconde guitare a transformé le groupe, de ces débuts discrets vers sa vitesse de croisière, dès Doremi Fasol Latido (1972) puis avec Space Ritual (1973) et des morceaux à la puissance phénoménale comme Born To Go. Neuf minutes essentielles qui contenaient toute l'originalité de ce groupe d'individualités, peut être pas les musiciens les plus talentueux, mais ceux qui combinaient de façon vertigineuse une approche personnelle de leurs instruments. Cette combinaison les rendaient originaux.
Puis il y a eu le moment où le guitariste du groupe, Dave Brock, est devenu leur capitaine indiscuté ; le groupe s'est rivé dans son abnégation, s'est confronté à des forces technologiques qui ont bien failli le phagocyter, s'est plongé dans son détachement, et ceux qui entraient dans le groupe comprenaient désormais que ce ne serait pas pour toujours. Parfois ils venaient, repartaient, puis y retournaient quelques années plus tard. Car si Hawkwind était devenu une entité bien différente, dont l’inclination sonore était plus centralisée, il restait de sa forme initiale une puissance d'évocation facilement addictive.
Dès le milieu des années 1970, ils profitaient de leur réputation de leaders des hordes de l'underground londonien, à l'instar de Black Sabbath, dans une sphère à peine différente. Si on s'en tient à leurs débuts, d'ailleurs, raconter Hawkwind c'est comme de raconter Black Sabbath, et toute une scène hard rock proliférant à la fin des années 60 à Londres et dans toute l’Angleterre.
Hawkwind en 2016, est le fruit d'une nouvelle ère : c'est un groupe qui reste le même depuis dix ans, et c'est sa plus longue période sans changement. Il est difficile de produire une musique pertinente, mais c'est plus facile que de voir l'avenir de manière optimiste quand on est un scientifique de la trempe de Stephen Hawking. Selon lui, il y des risques que les robots finissent par commettre des erreurs. Hawkwind ont commis des erreurs, mais comme artistes, les conséquences de ces erreurs sont restés en deçà de leur volonté à se débattre dans le monde technologique.
Que ce soit par hasard ou par un effet bénéfique avéré, Hawkwind fait paraître son meilleur album depuis longtemps. Comme si ce line-up avait enfin écrit sa place dans l'histoire du groupe. Ils ont enregistré ensemble Blood of the Earth (2010), Onward (2013) et le supérieur The Machine Stops, sur lequel la place de chacun est attribuée à égalité. L'équilibre méticuleux sur cet album nous ramène à des disques comme ceux de Pink Floyd, au lieu d'évoquer la première période d'Hawkwind, dans les années 70, quand tout découlait de l'exploration et de l'improvisation.
Dave Brock en sait quelque chose ; il a vu toutes les incarnations de ce vaisseau ayant réchappé à l'influence corrosive du temps avec une abnégation, un détachement exceptionnels. « Techniciens du vaisseau terre, c'est votre capitaine qui parle. Votre capitaine est mort » entend t-on dans un album live confidentiel du groupe, This is Hawkwind, Do Not Panic (1984). L'un de leurs meilleurs disques, un jalon dans leur discographie des années 80, assez caricaturale et poussive – deux adjectifs qui reviennent souvent pour exclure tel ou tel des nombreux chapitres de leur histoire, rédigés coûte que coûte, sans interruption, depuis la fin des années 60.
The Machine Stops, c'était l'occasion réussie pour le groupe de faire un album qui ait du sens, un sens intemporel, avant qu'Hawkwind touche à sa fin. L'occasion d'échauffer les esprits des fans par leur évocation de transversalité, leur capacité à mélanger les lieux, les temps, en les aimantant par leur combinaison de rock et de musique électronique. L'occasion d'évoquer l'intensité croissante de la confrontation avec l'immensité du big data et d'une intelligence technologique qui nous dépasse désormais totalement. L'occasion de combiner une nouvelle fois, narration et mouvement, de retrouver cette ancienne manière de marquer les esprits, puis de disparaître dans les confins d'une culture que l'on ne retrouvera que plus tard, déjà adultes, et que l'on devra rechercher, et avec laquelle on se reconnectera à travers les temps, par fulgurances. Ce groupe, détenteur d'une si longue histoire, n'a jamais vraiment connu de jeunesse. C'est une cause de sa longévité.
Il y a peut être deux publics distincts du groupe ; ceux qui n'écoutent que les albums de sa première période, de loin en loin, et particulièrement Space Ritual, se saisissant avec plaisir de sa pochette en six volets ; et d'autre part, ceux qui les redécouvrent au fil du temps, y reviennent, s'y replongent, retrouvant, plusieurs années plus tard, tout le caractère étrangement récurrent et pertinent de leur musique, et appréciant aussi bien la première période que des albums d'autres époques, pour les thèmes qui les traversent, leur cohérence et les quelques éléments immuables les composant. Croire que ces distinctions de publics n'existent pas, c'est croire à la capacité d'Hawkwind à changer, à rassembler, à surprendre.
à suivre...
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