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inquiétant, soigné, lyriqueOpera, rock alternatif, expérimental
Considérant la musique left field qui passe 24/24 à la radio mise en ligne par d'Efterklang, on peu se réjouir que la leur soit aussi écoutable. C'est le cinquième album d'un groupe qui a annoncé son hiatus après Piramida (2012). Mais il occupe une place à part. Leur rapprochement avec l’orchestre national du Danemark n'est pas nouveau, mais les voilà qui combinent des éléments de leurs propre musique – les trames, les instruments à maillets, les mélodies lancinantes, la mélancolie qui renvoie à des chansons marquantes comme Sedna ou Monument sur Piramida – avec les cordes vocales de chanteurs d'opéra. Qui participent à la création d'un opéra, en fait.
Force est de constater que la voix humaine, qu'elle se mue en sons surgis de votre propre environnement – essayez d'écouter cet album dans la rue -, se perde dans des profondeurs en rapport avec la poésie biblique de ce qu'elle chante, ou stoppe brutalement, laissant la nette impression d'un silence pesant. C'est un souffle palpable, très physique, pour lequel, sur cet album, on écrit en priorité, avant de composer et d'arranger pour d'autres instruments. Peu importe qu'il s'agisse de la voix du chanteur d'Efterklang, Casper Clausen, ou de celles de chanteurs et de chanteuses énigmatiques à nos oreilles. Ils prolongent, d'une certaine façon, le travail de détachement engagé par Clausen, avec sa voix trop rare. Puis il y a la théâtralité. Imaginez simplement Stillborn chantée par Scott Walker. La chanteuse un peu dérangeante des premières chansons est devenue une source de fascination. Un peu comme la première fois que vous écoutez Peer Gynt, et que vous vous demandez à quoi bon avoir fait chanter sur une musique déjà parfaite. Lorsque vous comprenez, votre oreille musicale a franchi un pas.
Les pièces montées en vidéo pour le site internet et les réseaux sociaux nous font penser à la folie telle qu'elle a été représentée au cinéma, orientée sur une froideur clinique, où la folie, s'illustre dans les particularités des sujets filmés, comme si on avait tenté d'en capter les derniers résidus d'âme intacte. En fait, cet album lugubre me rappelle une historie imaginée il y a quelques années, das laquelle deux parents élèvent leur fille dans une forêt. Le père se fait assassiner, et la mère est obligée de fuir avec sa fille. Elle va croiser un femme isolée, elle aussi, qui la menacera d'une hache sans raison apparente, etc... Un conte où l'ennemi n'est pas celui qu'on imagine. Et une trame qui suit leur fuite, ou la progression narrative devait se ressentir comme dans un conte, ou dans un rêve. On ressent la progression de Leaves plus qu'on ne la perçoit : et j'ignore si voir l'opéra en vrai apportera quelque chose de mieux – de différent, c'est sûr – à cette oeuvre déjà très sensorielle. Ce n'est quand même pas Siegfried, même si Wagner n'est parfois pas loin.
La fin de l'album, et des pièces telles que Abyss et No Longer Me, marque les esprits au-delà de ce qu'un album conventionnellement chroniqué sur ce genre de blog est capable. A une voix gutturale, au fracas de chaînes et de fers, répondent les imprécations de choristes spectrales, décrivant des choses qu'aucun œil humain n'a vu, mais que son esprit est parvenu, miraculeusement, à imaginer.Le miracle, c'est cela, pas les choses saintes et les guérisons inespérées ; la blessure qui est inventée, la chute provoquée, et la résolution douloureuse qui y est apporter, et qui nous inquiétant, nous inspire un changement. Éteindre les couleurs pour en créer de nouvelles, diaphanes ; des ocres, des marrons, des verts de gris inimaginables.