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jeudi 3 novembre 2016

KING GIZZARD & THE WIZARD LIZARD - Nonagon Infinity (2016)




OO
intense, ludique, extravagant
garage rock, psych rock



Que dire de plus sur cet album ? Tant a déjà été dit sur Nonagon Infinity, sur cette séquence de chansons perpétuant sa narration à l'infini, évoquant un piège dans lequel un personnage serait condamné à revivre inlassablement les mêmes aventures, ce qui pourrait arriver chez l'auteur de dark fantasy Michael Moorcock.



Psychendémique. Voilà on en est réduit à inventer des mots pour continuer d'en parler. C'est ce qui prend le plus original aventureux de la musique psychédélique des années 60-70, pour en faire des chansons effrénées, et les baptiser humblement rock garage alors qu'elles marquent la découverte d'une espèce unique de rock australien. On pourrait croire qu'il n'y a rien d'endémique dans le rock, surtout australien, qui vient souvent d'une autre île, la Grande-Bretagne. Encore faut t-il voir King Gizzard en concert, les yeux rougis par le décalage horaire, leurs peaux de bête pour braver les froids du mois de mars français. Si ce ne sont pas des lapins avec la myxomatose, alors ne ont t-ils pas d'une nouvelle espèce ? Pour oublier l’Angleterre, on aimerait croire que King Geezer ont fait, sans les écouter dans la veine de Bullet, Possessed, The Human Beast, ou encore Jerusalem, qui sont des groupes anglais de proto-metal et de freak-rock*. « La musique est un champ d'exploration pour moi, avance Stu Mackenzie dans des propos recueillis admirativement par le journal britannique The Guardian. Le chanteur et guitariste du septet a été frappé notamment par la musique orientale des années 70, comme Erin Koray et le Flower Travellin' band. Le Flower Travellin' Band, for god sake !

Nonagon Infinity n'a que peu de précédents dans le XXI ème siècle, de mémoire d'estomac (retourné). Mais avant de se demander comment en parler, on peut se demander comment écouter autre chose, d'abord ? Ce disque exerce un pouvoir d'attraction évident sur quiconque aime les cadences frénétiques avec deux batteurs dedans, et les ambiances bipolaires donnant des sensations impies, trop rarement exhumées si on se cantonne à la musique de l'année. On pourrait dire, parce que presque personne ne se soucie plus de jouer avec la relativité de la matière qu'est le rock comme dans les années 70. Rares sont ceux qui tentent aussi bien de comprimer cette matière si facilement répandue. On s'en sert généralement pour exprimer des émotions avec une emphase plus ou moins grande. C'est une nouvelle tentative pour eux, après entres autres le moins réussi I'm in Your Mind (2014), qui ne parvenait pas à garder sur toute la durée de l'album la cohérence et l'intensité, ni à présenter un concept vraiment excitant.

Le mieux est encore de commencer par ne pas parler de King Gizzard. Sortir de ce cercle infernal qui nous ramène toujours sous les roues du tank en papier mâché de Stu Mackenzie et le groupe australien de la décennie. Mais... Huit albums depuis 2010, et vous voudriez les laisser décanter ? Ce n'est pas prévu.

Beaucoup de thèmes de la science fiction ont sombré dans la banalité ; il est difficile de rendre intéressante une simple histoire de paradoxe temporel. Mais quand il s'agit de rock, ces thèmes sont abordés avant tout pour créer un arc narratif et un potentiel visuel et psychédélique implanté dans la structure même des chansons. De King Gizzard au rock plus ancien de leurs influences, progressif, il a une obsession à s'imposer un cadre et à construire dans ces limites. « Le langage, pour moi, c'est de la musique ». « Et il y a un certain rythme et une mélodie dans la façon qu'on les gens de parler. La musique et les paroles ont une seule et même source de rythme. J'ignore d'où si les paroles de nos chansons ont un sens mais, pour moi, elles viennent du même coin du cerveau que la musique. ». Les relations entre communication et musique, voilà des choses que la science fiction a exploré ou du moins le ferait avec bonheur si on lui donnait un peu d'encre et du papier. L'inconvénient de la science fiction, c'est qu'elle ne devient pas de plus en plus intéressante tandis que les découvertes scientifiques s'accumulent. C'est comme de faire de la musique ou d'utiliser les mots, ou de leur découvrir un sens du rythme commun ; tout tient à la façon dont on explore les possibilités que ce soit des mots dans une chanson, de la musique, ou d'une narration.

"Qu'est ce qu'on appelle le psych rock ?" S'interroge Mackenzie. "Est- ce psychédélique ? Si c'est une attitude exploratoire de la musique, alors peut-être en faisons nous. Mais j'ai toujours eu plutôt l'impression que nous étions un groupe de garage. » Et le garage n'est rien d'autre qu'un genre de hard rock fait artisanal, enregistré dans des conditions d'urgence et avec des moyens analogiques. C'est à dire, pour certains, anachroniques. « J'ai l'impression qu'il y a un million de façons de jouer de la musique ou de faire un disque qui n'ont pas encore été explorés encore. Sans parler de tous les instruments à apprendre, de la musique à écouter, des cultures à explorer. » Cette attitude ouverte explique qu'après huit albums, King Gizzard sonne avec la fraîcheur de ceux qui veulent tout tenter. Ils commencent à peine à percer les secrets de ce qu'est être un groupe professionnel, et quelles forces cela demande au quotidien. Ce n'est pas eux que l'on interrogera sur les secrets de la longévité ou les pièges et les ressources du temps. Le temps, ils ne l'ont pas encore vu passer. Mais il est tentant de les comparer à Hawkwind. Au regard de son gardien, Dave Brock, King Gizzard doit ressembler à un nouveau-né braillard. « On n'écrit pas de chansons sur l'espace », tempère Mackenzie. Pourtant, ils se déguisent, se maquillent, ils jouent fort une musique étrangement militante et radicale, mais relativement policée, et utilisent des visuels qui n'auraient pas dépareillé sur la couverture d'un roman du type de ceux de Michael Moorcock. Ainsi, on peut les comparer à Hawkwind. Cela donne un aperçu de leurs motifs et de leurs raisons. 

Que dire de plus sur cet album ? Tant a déjà été dit sur Nonagon Infinity, sur cette séquence de chansons perpétuant sa narration à l'infini...


* Auteurs des chansons Jay Time, Thunder & Lightning, Brush With The Midnight Butterfly et Frustration sur la compil de Nuggets Vol.2 par Mojo Magazine.

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