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dimanche 1 février 2015

STRAND OF OAKS - Heal (2014)






O
audacieux, efficace
indie rock, dance rock


« J'étais un gamin de l'indiana, qui ne couchait avec personne, mais j'avais tes chansons si belles à écouter », chante Timothy Showalter, né en 1982, sur JM, son hommage, non à John Mellencamp (qui vient lui aussi de l'Indiana) mais à Jason Molina. La chanson embrasse autant la mélancolie en fusion du groupe Magnolia Electric, et l'arrière pensée, moins émotionnelle, de ce qu'il faut reconstruire, une fois prise en compte cette disparition. On retrouve dans cette musique le garçon au futur incertain qu'était Molina en son temps, quinze ou vingt ans avant sa mort prématurée. Elle est rendue plus touchante si l'on a entendu ce que partage plus simplement Dark Shores (2009), le précédent album de Strand of Oaks, avec la musique de Molina. La pochette de celui ci était, soit dit en passant, magnifique, dénotant comme celle de Heal une sensibilité particulière. « Je ne veux pas tout recommencer à zéro » chante Showalter sur Goshen '97', une chanson dépréciative sur sa jeunesse, mais capable aussi de remonter puissamment à la source de son art. La mort de Molina aurait aisément pu interrompre Showalter au cours de sa tournée européenne en 2013 pour le faire rentrer aux Etats-Unis et capturer son sentiment. Mais il y a eu autre chose, une insatisfaction concernant le précédent Dark Shores, que l'on ressent comme un album en demi-teinte, fait de chansons qui évitent à tout prix le sensationnel. La voix claire et haute de Showalter est dans un environnement dépouillé qui n'est pas tout à fait satisfaisant. Il fallait trouver le moyen de parler de blessures tout en s'affirmant beaucoup mieux. « Je n'aimais pas ce à quoi je ressemblais, la manière dont je me comportais », confesse le chanteur à son nouveau label, Dead Oceans, pour mieux souligner le grand pas en avant effectué avec son nouvel album. Il était alors en Suède ; mais il ira bien plus loin encore, à la limite de la mort, quand, juste avant la date prévue pour terminer l'album, il réchappera à un accident de voiture avec un traumatisme assez grave. Le son de l'album sera, suite à l'accident, rendu le plus cathartique possible, faisant de Heal bien plus qu'un simple nouvel album de Strand of Oaks. Un point de non retour. 


La densité émotionnelle de celui-ci est, enfin, propulsée par des mélodies accrocheuses et des sons puissants. Quoi de mieux que de faire venir J. Mascis (Dinosaur Jr), un de ses héros, pour brûler un solo sur la chanson d'ouverture, ouvrant l'album dans une effervescence toute contraire à la discrétion du précédent album ? Et comme souvent dans l'album, un lien magique unit les paroles et la musique, car au moment ou Mascis, joue, Showalter est justement en train de raconter ses souvenirs musicaux et ses héros de jeunesse. Heal est, à tous points de vue, un éclatement, plein de pont musicaux entre trente ans de musique, avec en fer de lance les surprenantes Heal, Same Emotions, ou For Me. Shut In, Plymouth ou Woke Up To The Light ont une présentation classique, en droite ligne des années 70, mais c'est la manière dont elles s'intègrent à l'album qui les rend passionnantes. La musique profite habilement de la batterie de Steve Clements pour ne rien perdre de sa puissance, quels qu'en soient les atours, nappes de synthés comme guitares électriques. C'est l'ordonnancement d'un trop plein qui en impose, peut-être pas à la première écoute, mais, et c'est mieux, ensuite, plus tard, quand on a mesuré l'importance de cet album. Une originalité, c'est de croire qu'on a affaire à un groupe tout entier, alors que c'est une œuvre voulue par un seul homme, et ainsi plus personnelle et audacieuse. Showalter ne recommence pas à zéro ; il prend une nouvelle dimension, c'est dans ces conditions qu'il peut faire partie de ce label décidément prestigieux.

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