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attachant/apaisé/lucide
folk contemporain
si vous aimez : The Tallest Man on Earth, Eels
La première chose qui a attiré mon
attention avec le septième album du chanteur de country/folk contemporain Josh
Ritter, dont, je pense, peu de monde a encore entendu parler en France :
la pochette de The Beast on its Tracks. Le portrait y est excellent – il
provoque une sensation qu’on ne parvient pas à définir et reste difficile, voire
impossible à interpréter. Et ce faux air de Bill Callahan, l’icône du romantisme
minimaliste américain de ces vingt dernière années, n’est pas pour me déplaire.
Ritter est un classique dans ses goûts et ses méthodes. Son
deuxième album impeccable n’est pas réputé pour avoir provoqué, lors de sa
parution en 2002, une surprise insurmontable auprès de ses futurs fans, mais le
songwriter était capable d’évoquer Nick Drake (You’ve Got The Moon), le Bob
Dylan le plus gracieux, Paul Simon (pour les arrangements) ou Leonard Cohen
(pour le sens de la formule), et il s’est formé autour de lui une communauté
qui l’admire pour la qualité marquante de ses textes, sa façon de les chanter
d’une voix égale et parfaitement confiante. Sa passion pour l’histoire
américaine et un talent de romancier surréaliste - que Stephen King, dans une
chronique pour The New York Post, a associé à celui de Ray Bradbury (son
premier roman, Bright’s Passage, est paru en 2010) - l’a peut-être aidé par le
passé, notamment sur l’acclamé So Runs The World Away, mais The Beast in Its
Tracks lui a demandé une autre sorte de distance. C’est le récit de son divorce
et due son rebond sentimental inespéré vers une autre femme.
A la première écoute, The Beast
in Its Tracks manque de surprises, ses chansons apparaissant modestes et
dépourvues de grosses distinctions mélodiques – à titre d’exemple, l’une
d’entre elles, In Your Arms Again, évoque Grace Kelly Blues de Eels. Le
pouvoir de l’album est cependant de passer sans briser une forte continuité par
toutes sortes de sentiments, la colère, le désespoir, l’humour, l’honnêteté,
l’empathie et le petit désir de vengeance que tout amant blessé, de Cohen à
Dylan, n’a pas manqué de faire valoir jusqu’à en faire, avec une retenue tout à
fait amicale, un thème central de leurs chansons les plus célèbres. Le don de
Ritter pour les mots est à ce point mordant qu’il peut porter des coups bas -
assurer qu’avec sa nouvelle compagne il est plus heureux qu’il ne l’a jamais
été avec l’autre, là - et rester un gentleman. “But
if you’re sad and you are lonesome and you’ve got nobody true, / I’d be lying
if I said that didn’t make me happy too”. Depuis ses débuts en 2000, Ritter a eu plus que le temps de jouer le rôle
de l’amant découragé dans ses chansons : mais c’est seulement en perdant
la chanteuse Dawn Landes qu’il a saisi que la véritable valeur de l’amour
résidait dans la reconstruction et la réinterprétation constante des signes
quotidiens chez l’autre, dans l’apparence d’une femme sous ses yeux et dans une
pensée qu’il entretient pour celle qu’il ne voit pas. Tout cela opère comme un
mouvement perpétuel, ce qui correspond parfaitement à la nature d’un album où
les chansons sont conçues pour se fondre les unes dans les autres, indéfiniment.
Ses chansons décrivent les situations et les sensations précises qu’il a
traversées, agissent telles une collection d’images sur un mur, qui ne font
vraiment sens que lorsque vous avez consacré un moment à les étudier. Sa
façon de décrire son bonheur et de laisser entendre combien il est fragile et
lié à des sentiments éphémères évoque la façon de Mark Everett sur Daisies of
the Galaxies (album auquel j’ai déjà fait appel en évoquant Grace Kelly Blues).
La pièce centrale de l’album est New Lover : “J’ai une nouvelle amante
maintenant, et elle sait ce dont j’ai besoin/Quand je me réveille la nuit, elle
peut lire mes derniers rêves/et elle les apprécie, même si elle ne dit jamais
ce qu’ils signifient. » Malgré la nature ténue de sa joie, Ritter est persuadé
qu’il n’a jamais été si heureux de sa vie, ce qui rend l’album comme parcouru
d’une étincelle vitale, en comparaison avec ses anciens disques. L’éclat d’une
lumière, même passagère, est l’un des thèmes les plus légers mais les plus
intenses à animer un album, et lorsque cet éclat donne encore et encore, des
preuves de sa raison d’être, c’est très gratifiant pour l’auditeur. Dans Lights : “I’ve got
your light in my eyes.” Dans A
Certain Light : “My new lover is really kind, / The kind of lover that one
rarely finds / And I’m happy for the first time in a long time”.
Dans l'amour tout s'additionne, et on ne ressort jamais perdant, comme le raconte le petit tube Joy To You Baby
en conclusion : « Si je ne t’avais jamais rencontrée/Tu ne serais pas
partie/Mais je n’aurais pas pu te rencontrer/Nous n’aurions pas été ensemble/On
dirait que tout concourt/à être heureux à la fin. »
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