OO
intemporel, poignant
folk
Kacy Anderson et Clayton Linthicum
viennent d’un endroit ou les heures dont sont retirées, étirées,
de vieilles inspirations comme Doc Watson et la Carter Family leur
parvenant par un hasard de leur espace-temps, et la country des
années 40 ramenée un jour par un ‘neighbor’ revenu de son
égarement dans une dimension voisine. L’éducation musicale de ces
deux cousins s’est constituée par coïncidences, à force de se
focaliser sur leur passion et de vouloir s’arracher à leur
terreau, à 12 kilomètres au nord du Montana, soit au fin fond du
Canada. Il y a quelque chose de très romanesque dans la façon dont
le duo a commencé à s’animer pour la musique, tout en vivant à 5
heures de route du disquaire le plus proche, sans réseau internet
fiable, et poussés à conduire sans permis pour pouvoir se rejoindre
et jouer alors qu’ils vivaient à 6 miles d’écart l’un de
l’autre.
Propulsé par une chanson titre qui
ravive instantanément les espoirs pour un folk à la fois riche et
simple, hypnotique, Strange Country est déjà l’album d’un
groupe qui s’est parfaitement érigé sur son propre sommet, bien
que Kacy Anderson, qui se consacre exclusivement au chant, n’ait que 20 ans. Ils tiennent, avec ces sept
chansons originales (et 3 reprises), le condensé d’une formule
retrouvée. La qualité, la limpidité de ces compositions
personnelles est évidente, notamment quand on rencontre, en fin
d’album, après la traditionnelle Plains of Mexico, la glaçante
Dyin’ Bed Maker, ou une femme au foyer se mue en criminelle mue par
la jalousie. Voilà, d’abord composée au violon, par K. Anderson,
une façon mémorable de terminer ce disque trop court mais dense. La
folle décision du meurtre n’a jamais semblé si mûrement
réfléchie, trente minutes durant, en réalité. Les arrangements de
cordes nous ravissent une dernière fois. On sent là tout le talent
du duo pour partager les images prégnantes de leur conscience.
Fascinés par les sons anciens, ils ont
aussi trouvé leur public parmi les personnes âgées, avant de
donner à leur formule dépouillée un sens de plus en plus cohérent
dans l’époque actuelle, une forme de ‘rébellion contre la
rébellion’, un vent de fraîcheur dans une ère d’albums
surproduits. Le jeu envoûtant de C. Linthicum, qui évoque autant le
folk du Dust Bowl, ces ballades des années 20 décrivant les famines
et les désastres frappant les gens de la terre, avec une lenteur
étrangement grisante, et le Blues Revival des années 50 et 60,
remet sans effort cette époque au goût du jour. L’esprit
d’effronterie dont ils font preuve se marie à merveille avec leur
touche acoustique aventureuse, tissée d’un écheveau fiévreux de
notes.
Ils ont une prédilection pour les
murder ballads, ces chansons qui ravivent de vieilles histoires
d’assassinat, qui exhument les secrets enfouis de leur propre
communauté, le scandale de grossesses interdites. C’est une œuvre
folk puissante, celle parvenant à décrire ce qui se passe derrière
les portes closes, nous attrape par la main par son charme et sa
grande clairvoyance. « J’étais obsédée
par les femmes au foyer. Qui pense encore à leur sort ?
Personne. Leur histoire, peu l’ont racontée. Personne ne
les voit, ni ne s’occupe d’elles, ou en parle, quand depuis si
longtemps la mère a vécu dans la maison, en esclavage, et privée
de tout.” Dans les anciennes histoires de famille réside le cœur
de la rébellion. « Souvent, les histoires de meurtre montre
des femmes faibles. Je préfère les histoires dans lesquelles la
femme commet le crime. Cela signifie : nous ne sommes pas
faibles, et nous allons vous baiser. »
Les interview sont issues du site
internet de Kacy & Clayton
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