O
Intimiste, poignant
Folk, dream folk
Il y a dans ces chansons un souvenir qu'on ne peut pas atteindre, et Marissa Nadler le touche de toute sa présence spectrale, avant de se retirer. Elle semble plus proche de l'attitude sépulcrale qu'elle ne l'a jamais été sur ses propres albums, un paradoxe doucereux quand on sait que c'est pour donner vie à l'un des textes jamais enregistrés en chanson par Karen Dalton. La chanteuse folk New-Yorkaise des années 60 fait partie de ces figures tragiques ayant laissé filer leur créativité devant le manque de réponse commerciale. Sa voix trop dévastée, sa timidité auraient trouvé plus d'écho dans le monde d'aujourd'hui, affamé de sincérité, de fragilité. Pourtant, à Greenwich Village, elle partageait l'amitié de Bod Dylan ou de Tim Hardin. Sur une photo d'époque, elle serait cette jeune fille difficile à identifier, mais dont l'étrangeté ferait la valeur même du cliché. Elle donnerait de la présence, rétroactivement, à tout ce qu'elle effleurerait.
Aujourd’hui, il s'agit, pour douze artistes et chanteuses toutes incroyables, de l’atteindre où elle se trouve. Hormis Lucinda Williams, qui donne comme habituellement une dureté, un aspect rugueux à sa chanson, les chanteuses choisies sont irrémédiablement fascinées par le drame et le mystère intangible du folk, et s'appliquent à recréer les conditions dans lesquelles Karen Dalton pourra disparaître comme une flamme fugace. C'est comme de se retrouver autour d'une table de divination. Julia Holter, Laurel Halo ou Josephine Foster sont bouleversantes en se retranchant le plus possible dans ce fantasme qui les habite un peu, c'est à dire en cet intérieur sans joie d'où provient la magie de Karen Dalton, et du folk. Julia Holter évoque ce que peut faire Jenny Hval. A rapprocher de l’expérience extrême que constituait Servant of Love, l'album de Patty Griffin paru à la même période (2015).
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