OO
intense, audacieux, lourd
doom metal, heavy metal
Quel que soit le style de musique, c'est toujours mieux lorsqu'on ressent pour l'artiste le besoin de remporter une victoire, de remplir un objectif. Peut-être encore plus quand il s'agit de metal, musique dramatique qui demande logiquement de lourdes intentions de la part de ceux qui la conçoivent. On sent chez Spirit Adrift la volonté de faire un album résolu, mais une œuvre dépassant toutes les espérances de son propre créateur. Mais à entendre Nate Garrett s'exprimer auprès de Matt Solisi pour le Decibel Magazine, il s'agit de félicité plutôt que de volonté. Après avoir vécu une période de troubles auprès de son père malade, et échappé à l'auto destruction par l'alcool à 27 ans, il se remettra à vivre avec un appétit énorme. «Je ressentais des émotions très intenses. Chaque jour était un voyage de l'esprit. Ainsi la première chanson [Psychic Tide] est sortie de moi. C'est comme si elle flottait dans l'espace et m'avait trouvé. Elle ne m'a demandé pratiquement aucun effort, je ne me souviens même pas clairement de comment elle s'est mise en place. » Fort d'une expérience dans deux autres projets, Gatecreeper et Take Over and Destroy, Garrett a décidé de tout réaliser de sa main dans ce nouveau défi. C'est ainsi qu'il s'est surpassé avec cet album, dont il a enregistré chaque instrument, guitare, basse, voix, batterie et piano.
La batterie est le nerf de la guerre. Deux morceaux, le premier et le dernier, démarrent par des mesures de batterie tellurique, de la part de Garrett et d'amis musiciens. C'est ainsi plusieurs batteries qu'on entend. Pour le reste, tout est venu presque à la stupéfaction du musicien, qui reconnaît n'avoir pas utilisé de tels effets de pédales ou la même façon de jouer auparavant.
A l'envie d'exorcisme, pour entrer dans le jargon de ce genre habituellement lugubre qu'est le doom, s'est ajoutée celle de rendre hommage à ses influences. Ce qui donne à l'album ce côté traditionnel, venu du fond des âges, qui se combine parfaitement avec le registre mélodique élaboré par Garrett. Il en parle avec détachement comme s'il n'était pas très sûr d'être l'auteur de Chained to Oblivion. « En y regardant du plus près, surtout du point de vue d'un guitariste, la musique semble combiner tout ce que j'aime dans ce que font Waylon Jennings, par exemple, ou Black Sabbath, Neil Young et Thin Lizzy. » Peut-être pas les groupes auxquels ont pense en écoutant sa musique, mais ce sont ceux qu'il écoute. Sur les photos, il arbore divers tee shirts à l'effigie du phénomène country Sturgill Simpson. Une référence plutôt chic, mais tandis que l'interview avance, Garrett apparaît comme un enfant plutôt gâté par sa situation familiale en Arizona. Le genre de gamin qui agit d'abord par loyauté.
« Je pense que la basse est probablement mon meilleur instrument. J'étais vraiment bon au piano ; j'ai commencé à prendre des leçons à 3 ans et j'ai participé à des concours. Mes grand parents avaient de grandes espérances et m'ont instillé une éthique de travail assez militante (et le font toujours), et je ne peux exprimer combien je leur suis reconnaissant pour cela. En fait, j'ai utilisé cet état d'esprit pour tout, particulièrement la batterie. Mes mains étaient en miettes de mai à octobre 2015. Et quant au chant, je pense que j'y suis arrivé grâce à la persévérance. Je suis confiant dans le fait que j'ai fait du mieux que je pouvais. »
Batteries et guitares produisent des mélodies irrésistibles de puissance et de rythme. Voire la fin de Marzanna pour cette densité, avec des guitares doublées à l'octave, tandis que la batterie repose sur un jeu de cymbales appuyant à merveille la rythmique. Des chœurs pourvus encore par Garrett viennent encore davantage porter l'emphase sur la mélodie. Form and Force vient ralentir légèrement le tempo et porter la puissance et la lourdeur du riff à son maximum. Et pourtant, rarement ce genre de metal parut si transcendant, éclairé. C'est aussi lié à ce que Garrett fait une autre entorse au genre ; plutôt que d’opter pour une voix morose, il montre, particulièrement sur Form and Force, une extase et une passion qui rehaussent l'aspect lugubre de la musique. Peu de chanteurs de métal avouent sans doute avoir appris à la chorale, étant jeunes. Ou sans doute n'ont t-il jamais besoin de justifier leur talent de chanteur, ce qui arrive aujourd’hui à Garrett. C'est si bien que lorsqu'il cesse de chanter, au milieu du morceau, on semble retomber soudain dans une mélancolie lyrique et musicale que son interprétation si magnétique avait réussi à chasser. La batterie et la basse en profitent pour retrouver leur prépondérance.
Si au début, Chained to Oblivion peut sembler décousu, c'est que la chanson titre est riche d’atermoiements. Par la suite, on a des modèles de construction, avec la chanson titre comme sommet, pleine de riffs pour headbanguer.
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